Faible impact sur le niveau de vie et la pauvreté, complexité et stigmatisation… Telles sont, largement identifiées (1), les raisons qui expliquent le fort taux de non-recours (68 %) au revenu de solidarité active (RSA) « activité », dont l’objectif est de rendre le travail toujours plus rémunérateur que l’inactivité. En outre, celui-ci est en concurrence avec plusieurs dispositifs d’incitation à l’emploi, comme la prime pour l’emploi (PPE) (2), ce qui a conduit la Cour des comptes, dans son rapport annuel 2012 rendu public le 12 février (3), à se pencher sur les scénarios de réforme possibles du RSA « activité » et de la PPE. Une réforme que le gouvernement s’est d’ailleurs engagé à formaliser d’ici à la fin de l’année lors de la présentation du plan de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale en décembre dernier (4).
La PPE et le RSA poursuivent des objectifs « a priori similaires, tant en matière de complément de rémunération que d’incitation à la reprise d’activité », note la Cour des comptes. Pourtant, « tous deux ont été maintenus sans que leurs objectifs et leurs publics aient été redéfinis en conséquence ». Or, explique la juridiction financière, si la PPE exclut les personnes dont la rémunération est inférieure à 0,3 SMIC (soit 429,06 € brut mensuels) et va, en revanche, beaucoup plus haut dans l’échelle des revenus, elle entre « directement en concurrence » avec le RSA « activité » pour les publics dont le revenu se situe entre 0,3 et 1 SMIC (c’est-à-dire entre 429,06 € et 1 430,22 € bruts mensuels). Une clarification des rôles de ces deux prestations est donc nécessaire, estime la Cour des comptes, qui, comme en 2011 (5), soumet aux pouvoirs publics trois scénarios de réforme possibles.
Premier scénario évoqué par la juridiction financière : supprimer la PPE au profit du RSA « activité ». Toutefois, pour elle, « l’ampleur du non-recours qui caractérise le RSA “activité” éloigne la perspective d’une extinction lente de la PPE et remet au contraire celle-ci au cœur du débat sur les mécanismes d’incitation à l’emploi ».
La seconde option étudiée par la Cour des comptes consisterait en une absorption du RSA « activité » par la PPE. Certes, reconnaît-elle, cette option « a le mérite d’une simplification et d’une meilleure lisibilité du dispositif d’ensemble, mais elle nécessiterait une profonde évolution de la PPE pour ne pas faire de perdants parmi les bénéficiaires potentiels actuels du RSA “activité” et, donc, pour la cibler vers ceux qui en ont le plus besoin ». En pratique, explique la cour, cela impliquerait la suppression du seuil d’entrée dans le dispositif de la PPE ainsi que la révision de son barème de façon à la recentrer sur les foyers les plus modestes. Ce qui aurait pour conséquence, « compte tenu de la quasi-automaticité de la perception de la PPE, d’augmenter substantiellement le nombre de ses bénéficiaires ». Mais cette absorption ne sera « pas non plus simple à établir », estime la Haute Juridiction, car les deux dispositifs sont de nature très différente (versement mensuel établi sur la base d’une déclaration trimestrielle pour le RSA « activité » et versement et déclaration annuels pour la PPE…) et ne ciblent pas les mêmes publics (personnes seules et familles monoparentales à temps partiel pour le RSA « activité », familles où les deux parents disposent chacun de revenu allant jusqu’à 1,4 SMIC pour la PPE).
La juridiction financière suggère enfin de maintenir les deux dispositifs et de redéfinir leur articulation en fonction des publics visés (6). D’après elle, dans les situations d’emploi très précaire, lorsque les revenus du foyer sont inférieurs au revenu minimum garanti fixé pour le calcul du RSA (soit 483,24 € par mois au 1er janvier 2013), les RSA « socle » et « socle et activité » « semblent bien répondre aux besoins des bénéficiaires reprenant pied dans l’emploi après une période d’inactivité ». En revanche, pour les personnes en emploi et pour celles alternant périodes d’emploi et de chômage, dont le foyer est éligible au RSA « activité » seul, « la PPE paraît plus adaptée ». Par conséquent, la Cour des comptes préconise de rechercher une formule établissant une distinction claire entre le RSA « activité » et la PPE « qui deviendrait un revenu complémentaire pour les actifs dont les ressources sont modestes pour favoriser leur maintien dans l’activité ». Ce scénario suppose donc un aménagement de la PPE pour tenir compte davantage de la situation familiale des bénéficiaires et, comme dans le deuxième scénario, de supprimer le seuil d’entrée dans la PPE et d’en réviser son barème pour la réserver aux personnes les plus modestes.
(1) De l’aveu même de son créateur, Martin Hirsch, le RSA n’est pas « satisfaisant » – Voir ASH n° 2786 du 7-12-12, p. 26.
(2) La PPE consiste en un crédit d’impôt sur le revenu institué en faveur des foyers justifiant à la fois d’un revenu annuel fiscal inférieur à 16 251 € pour une personne seule et à 32 498 € pour un couple, et d’un revenu annuel d’activité compris entre 0,3 SMIC et un plafond de 17 451 € (26 572 € pour les familles monoparentales et les couples monoactifs).
(3) Rapport disponible sur
(6) Interrogée par la Cour des comptes sur la réforme du RSA « activité », la caisse nationale des allocations familiales estime que « l’importance des mouvements d’entrées/sorties du RSA et particulièrement du RSA “activité” semble invalider cette hypothèse, de sorte que la distinction des publics ne pourra pas être ébauchée ».