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L’ANAS propose cinq pistes pour améliorer la protection de l’enfance

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Au-delà de la loi, l’association entend redonner sens à l’expertise des travailleurs sociaux, et souhaite qu’ils puissent alerter de dysfonctionnements institutionnels, bien évaluer, être formés en continu, maîtriser l’information et analyser les erreurs passées…

Ouvrir le débat sur « la nature des relations entre les acteurs, leurs moyens, la responsabilisation des professionnels et leur sécurisation dans leur exercice quotidien ». Tels sont, selon Laurent Puech, vice-président de l’ANAS (Association nationale des assistants de service social), les objectifs qui ont présidé à l’élaboration des cinq propositions de l’association pour « améliorer la protection de l’enfance », rendues publiques le 7 février (1). Malgré les imperfections de la loi du 5 mars 2007 – dont l’interprétation a pu entraîner des rigidités et une confusion dans les responsabilités –, « nous n’avons pas voulu la pointer comme le mauvais objet, précise-t-il. La réforme a été importante mais tout se joue dans la façon dont elle est mise en œuvre. » L’enjeu, pour l’association, est plutôt de se dégager des carcans institutionnels pour suggérer de nouvelles pistes, quitte à lever certains tabous et à bousculer les cadres établis.

Saisir directement le défenseur des droits

Sa première proposition, qui avait été rejetée en 2007 : créer une possibilité de saisine directe du défenseur des droits par les professionnels concourant à la protection de l’enfance. Si la loi du 5 mars 2007 a élargi les possibilités de saisine, « elle n’a pas poussé la logique jusqu’au bout et en a exclu les premiers acteurs qui peuvent constater les dysfonctionnements des services et signaler un dispositif ou une mission “en danger” », explique l’ANAS. Aujourd’hui, « il faut l’accord du responsable de service pour pouvoir saisir le défenseur des droits ». Or cette condition peut facilement se transformer en obstacle. L’ANAS estime que, parmi les sujets de réclamation, pourraient figurer des dysfonctionnements permanents, comme les « délais anormalement élevés entre l’ordonnance par un juge des enfants d’une mesure éducative et sa mise en place », ou des « réponses institutionnelles contraires au droit », tel le refus d’une aide justifié par le statut de l’usager.

Autre préoccupation : la mesure judiciaire d’investigation éducative (MJIE), résultat de la fusion, en 2011, de l’enquête sociale et de l’investigation et orientation éducative. « Sans concertation, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse a sacrifié des outils selon des arguments purement gestionnaires. Cela s’est traduit par un affaiblissement global de la capacité d’expertise », souligne Laurent Puech. L’association dénonce « un véritable plan social qui a affecté en silence le secteur de l’investigation » (le nombre d’équivalents temps plein perdus est estimé à environ 450 postes), la réduction des moyens et du nombre de mesures pour lesquelles sont habilités les services du secteur associatif, ou encore le caractère modulaire de la MJIE, qui aboutit à un morcellement des interventions. Résultat : nombre de mesures restent en attente ou, faute d’un accompagnement de qualité, favorisent la judiciarisation. L’ANAS demande donc une remise à plat du dispositif après une évaluation de la MJIE associant tous les acteurs – protection judiciaire de la jeunesse, associations, syndicats, organisations professionnelles et magistrats. Au-delà, elle lance, sans le trancher, le débat sur la question sensible de la relation à l’usager au cours de l’évaluation : « Un professionnel peut-il accompagner dans la durée une famille et basculer ponctuellement auprès d’elle dans un rôle d’évaluation ? » En d’autres termes, comment un même travailleur social peut-il concilier le principe de libre adhésion et la logique d’enquête ? La réponse divise les professionnels.

En matière de formation continue par ailleurs, « plusieurs éléments semblent indiquer que les budgets sont, dans l’ensemble des institutions, en baisse, et que pour des raisons de coûts, sont privilégiées des formations internes aux dépens des formations externes », déplore l’ANAS. Alors que la formation des travailleurs sociaux revient souvent dans le collimateur de l’opinion et des pouvoirs publics, elle plaide « pour une véritable garantie de processus permanent de formation » qui prendrait la forme, dans les institutions, d’un projet précisant les moyens pour y parvenir. Une approche qui doit s’inscrire dans une démarche de « co-responsabilité » entre les employeurs, les salariés et les centres de formation en travail social.

« Culture de l’irresponsabilité »

L’ANAS revient aussi sur les remises en cause du secret professionnel. Alors que la transmission d’information doit rester un outil « au service d’une personne », « échanger plus, c’est prendre le risque d’une embolisation des circulations, de noyer une information importante au milieu d’autres anodines », argumente-t-elle. Ce qu’elle nomme « le partage-parapluie » revient paradoxalement à développer « une culture de l’irresponsabilité ». Autre danger : la circulation « non maîtrisée » de l’information peut entraîner la défiance des usagers et, par conséquent, le non-recours. L’association met également le doigt sur les conditions du partage au sein d’instances partenariales et de groupes où « la diversité des acteurs, les différences de responsabilité et le niveau hiérarchique sont des facteurs qui impactent les interactions et orientent la réflexion ». Pour prévenir les dérives, elle encourage à renforcer la formation et les réflexions sur « l’information utile » et les enjeux de la concertation. Elle appelle les institutions à s’engager formellement à respecter le pouvoir d’appréciation des professionnels en matière de transmission. Pour enrichir les évaluations sans rompre le secret professionnel, elle invite à des échanges sur des situations anonymisées, comme ce qui existe dans certaines cellules de recueil des informations préoccupantes.

Sujet délicat également : la mise en cause des professionnels lors d’affaires de maltraitance à enfant. Pour l’ANAS, il faut distinguer les enquêtes administratives ou pénales, qui ont pour objectif de rechercher s’il y a eu faute, de la nécessité de décrypter « ce qui s’est passé dans l’intervention sociale, c’est-à-dire au plus près de la pratique des professionnels et des organisations » pour identifier les causes du drame et éviter leur répétition. Estimant que la seule « recherche d’un coupable » freine, par le risque de sanction qu’elle engendre, ces analyses de situations, elle propose de recourir à une autorité indépendante de l’institution concernée qui « sécuriserait » la parole des professionnels. Cette perspective doit être associée, selon elle, à une réflexion sur le principe de « non-sanction » qui resterait à définir. Indépendamment de toute considération sur une possible infraction pénale ou administrative, il s’agirait de libérer la parole dans un espace détaché de toute « culture répressive ». Avec un seul objectif : l’amélioration des pratiques.

Redonner la parole aux professionnels

« Allons-nous avoir, après cinq ans de “tripatouillage”, de nouveau une politique en matière de protection de l’enfance ?, interroge au final Laurent Puech. On peut avoir une loi sans politique. Redonner de la place et une capacité de parole aux professionnels en serait une. » Pour l’heure, la ministre déléguée chargée de la famille a annoncé une évaluation de la loi du 5 mars 2007, notamment du dispositif de signalement. La volonté affichée par ailleurs par le gouvernement de valoriser le travail social orientera-t-elle la réflexion ?

Notes

(1) Et qui seront présentées lors des assises nationales de la protection de l’enfance, organisées par le Journal de l’action sociale le 11 et 12 février.

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