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Le contrôleur des prisons s’attaque aux séjours injustifiés dans les unités pour malades difficiles

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Dans un avis récemment paru au Journal officiel, le contrôleur général des lieux de privation de liberté critique le maintien injustifié des patients en unités pour malades difficiles (UMD), « en particulier en raison de procédures de sortie restant lettre morte ». Pour Jean-Marie Delarue, « le respect des droits fondamentaux ne porte pas seulement sur l’existence ou non d’une mesure d’internement [mais] doit aussi s’entendre des moyens mis en œuvre pour prémunir le malade de dangers contre lui-même ou contre autrui », des moyens qui doivent être « proportionnés au danger ».

Rappelons que, selon une jurisprudence établie de la Cour européenne des droits de l’Homme, les personnes souffrant de maladie mentale ne peuvent être privées de liberté qu’à trois conditions cumulatives : la maladie doit être indiscutable ; le trouble mental est tel qu’il nécessite un internement ; ce dernier ne peut se prolonger valablement sans la persistance d’un pareil trouble.

Méconnaissance et lacune de la législation

En pratique, explique le contrôleur général, en vertu des articles R. 3222-5 et R. 3222-7 du code la santé publique, il appartient à la commission du suivi médical de l’UMD d’apprécier si les conditions ayant conduit à l’internement d’un patient ne sont plus réunies. Si tel est le cas, elle doit saisir le préfet de département du lieu d’implantation de l’unité – à Paris, le préfet de police – afin qu’il prononce, par arrêté, la sortie du patient. Lorsque – cas le plus fréquent – cette sortie est prononcée sous la forme d’un retour dans l’établissement de santé d’origine du patient (1), celui-ci doit admettre le patient dans un délai de 20 jours à compter de l’arrêté préfectoral de sortie. Or, bien souvent, a relevé Jean-Marie Delarue lors de visites effectuées dans des UMD et à travers des saisines écrites, les patients sont maintenus en UMD « malgré l’avis – ou les avis successifs – de la commission du suivi médical et nonobstant l’arrêté [préfectoral] ». Selon lui, les raisons de ce blocage résultent tout d’abord de la « méconnaissance des dispositions du code de la santé publique ». Il a par exemple été constaté que, « dans certains cas, l’établissement d’origine du patient refuse purement et simplement d’admettre à nouveau le patient – généralement au motif que ce dernier a commis des actes de violence à l’encontre des personnels ou d’autres patients ». Une attitude qui, bien que compréhensible, selon le contrôleur général, est inadmissible car « cela revient à ignorer – de surcroît de la part des professionnels – les bénéfices de la prise en charge thérapeutique mise en œuvre au sein de l’UMD » et à remettre en question les décisions de la commission du suivi médical et du préfet. Par ailleurs, le retour dans l’établissement de santé d’origine se heurte à la « difficulté de déterminer et d’imposer l’établissement devant accueillir le patient à la sortie de l’UMD », souligne Jean-Marie Delarue, déplorant qu’aucun texte ne permette de résoudre ces difficultés qui « se traduisent par de véritables tractations entre responsables des UMD et agences régionales de santé [ARS] » pour trouver l’établissement qui accueillera le patient. Tel est le cas notamment lorsque celui-ci est sous le coup d’une interdiction judiciaire de séjour dans le département où se situe son établissement d’origine, rapporte le contrôleur général. Résultat, « lorsque l’UMD et l’ARS ne parviennent pas à trouver un établissement d’accueil malgré des démarches multiples et coûteuses en temps engagées, certains patients sont maintenus en UMD, sans aucune justification médicale, pendant plusieurs mois, voire plusieurs années ».

Des droits fondamentaux bafoués

Le maintien injustifié des patients en UMD porte ainsi atteinte à leurs droits fondamentaux, dénonce le contrôleur général. Selon lui, cette situation « induit le plus souvent un éloignement familial » et « compromet les chances de bonne réinsertion de la personne dans des conditions de vie et de soins aussi normales que possibles ». Aussi Jean-Marie Delarue recommande-t-il aux pouvoirs publics de rappeler, par voie de circulaire, que l’arrêté préfectoral mettant fin au séjour en UMD doit « être suivi simultanément de l’arrêté du préfet du département de l’établissement d’origine réadmettant le malade dans ce dernier, ces arrêtés s’imposant naturellement à l’établissement, dont l’inaction engage sa responsabilité vis-à-vis du patient et des siens ». En outre, il préconise de « définir une procédure permettant à l’ARS compétente (ou, en cas de pluralité d’agences, à l’administration centrale) […], de déterminer sans délai, en cas de doute, l’établissement de retour, le critère essentiel à suivre en la matière étant la faculté de réadaptation du patient, notamment au regard de ses liens familiaux, le préfet de département ainsi déterminé devant ensuite prendre sans délai l’arrêté nécessaire ».

Enfin, conclut le contrôleur général, si l’on peut admettre des obstacles au transfert d’un patient de l’UMD vers un établissement de droit commun dus à des contraintes d’organisation, l’autorité publique se doit malgré tout d’exécuter la décision de la commission du suivi médical « dans un délai raisonnable » afin de veiller au respect de ses droits fondamentaux.

[Avis du 17 janvier 2013, NOR : CPLX1302962V, J.O. du 5-02-13]
Notes

(1) Trois autres solutions peuvent aussi être envisagées : la fin des soins ou une prise en charge sous une autre forme que l’hospitalisation complète ; un transfert dans un établissement de santé accueillant des malades en souffrance mentale ; pour une personne détenue, le retour dans l’établissement pénitentiaire.

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