Dans un avis adopté le 17 janvier (1), le Conseil national des villes (CNV) s’est penché sur la politique publique nationale en faveur de l’aide aux victimes. Politique sur laquelle il est alerté depuis 2010 en raison notamment de la « diminution des crédits de l’Etat et des subventions des collectivités territoriales qui [y] sont consacrés et de la fragilisation des associations d’aide aux victimes ». Après avoir remis au Premier ministre une première vague de recommandations en juin dernier (2), le CNV adresse cette fois au gouvernement un état des lieux de la politique actuellement menée et formule en conséquence de nouvelles préconisations qu’il juge urgent de mettre en œuvre.
Depuis 2010, les crédits du ministère de la Justice dévolus à l’aide aux victimes ont baissé de 15 %. Et, dans la mesure où 70 % du budget alloué à l’aide aux victimes sont assurés par d’autres pouvoirs publics, cela remet en cause la crédibilité du ministère dans son rôle d’impulsion et comme chef de file de la politique nationale, estime le CNV. De ce fait, poursuit-il, le ministère a priorisé ses engagements. En 2013, il financera par exemple l’ouverture de nouveaux bureaux d’aide aux victimes (BAV) (voir ce numéro, page 44). Mais là encore, les moyens n’y sont pas puisque le budget de la chancellerie n’a « pas été augmenté en conséquence, relève le conseil : le montant de 1,2 million qui est consacré à ces créations, soit environ 20 000 € par BAV, ne permet pas de tenir des permanences à plein temps… »
Au-delà, regrette le CNV, la baisse du budget de la chancellerie a entraîné le « retrait partiel ou total de celui des collectivités territoriales », ce qui a pour effet de fragiliser les associations. Par exemple, sur les six services d’aide aux victimes en urgence, en « grande difficulté », deux ont dû fermer « faute de reconduction de financements et de consignes ministérielles claires », rapporte le conseil.
Autre constat dressé par l’instance : les financements du Fonds interministériel pour la prévention de la délinquance et l’aide aux victimes (FIPD) – autre source de financement des associations d’aide aux victimes – ont été « orientés vers certaines “victimisations” spécifiques et certains lieux d’accueil ». Ainsi, 44 % de ces crédits ont notamment été dédiés aux actions contre les violences intrafamiliales, à la réduction des violences faites aux femmes et au développement des intervenants sociaux en commissariat. Autant de crédits qui ont pu « apparaître comme manquants ou substitutifs à l’action globale des associations d’aide aux victimes ». Une « focalisation du FIPD » que reconnaît le ministère de la Justice qui souligne que le fonds aurait « répondu davantage aux demandes du ministère de l’Intérieur » qu’aux siennes.
Plus globalement, la chancellerie estime que le besoin accru de financements des associations d’aide aux victimes résulte de trois facteurs : la multiplication de ces structures ; l’« augmentation rapide » de leurs frais du fait non seulement de la « diminution du bénévolat associatif, qui a conduit à l’augmentation des recrutements de salariés à temps plein ainsi qu’à la professionnalisation des accueillants », mais aussi de la reprise des emplois-jeunes, encouragés pour faire fonctionner les lieux d’accueil mais dont le coût global de reprise n’a pas été anticipé par le ministère, relève le CNV.
De son côté, note le conseil, le comité interministériel de prévention de la délinquance pointe l’« enchevêtrement de financements au plan local et des redondances », l’absence non seulement de coordination et de complémentarité des financements mais aussi d’évaluation des structures.
Pour le CNV, deux inquiétudes sont dominantes. Tout d’abord, selon lui, « le risque est grand d’une absence de prise en compte des victimes en dehors de la procédure de constitution de partie civile ». En second lieu, il juge que « la diminution des financements et la limitation des objectifs de l’Etat vont aboutir à la “spécialisation de l’aide aux victimes” et à la remise en cause des fondements partenariaux de la politique globale d’aide aux victimes ». Sur ce dernier point, le CNV considère le retrait des collectivités territoriales comme « un risque réel ». Et le « déficit d’interministérialité, entre le ministère de la Justice et le ministère de l’Intérieur notamment, mais aussi du ministère des Droits des femmes, et surtout de relations partenariales continues avec les associations et l’Inavem [3] et les collectivités territoriales peuvent constituer une lourde entrave dans la recherche d’une sortie de crise et de solutions durables ».
Aussi le Comité national des villes estime-t-il urgent d’organiser un comité interministériel, en particulier sur les questions d’orientation et de financement de l’aide aux victimes. Pour lui, il conviendrait notamment de « sanctuariser (en urgence) et de pérenniser le financement national des associations d’aide aux victimes », d’« harmoniser les politiques ministérielles en faveur des victimes » et de « désigner un chef de file ministériel de cette politique ». Par ailleurs, l’instance invite le gouvernement à réunir le Conseil national de l’aide aux victimes (4), en le dotant d’un secrétariat général permanent et indépendant, pour lui permettre de « jouer un rôle effectif de conseil au gouvernement et de propositions quant aux évolutions à produire ». Sa mission pourrait notamment porter sur la mise en place de coordinations nationales et locales ou de schémas territoriaux lisibles, sur l’identification des évolutions en cours (émergence de nouvelles victimisations ou de victimisations sous-estimées, telles que celles relatives aux personnes âgées, au harcèlement à l’école…) ou bien sur l’animation d’un réel partenariat entre les différents acteurs locaux et nationaux et en particulier les collectivités territoriales (organisation d’assises nationales des actions d’aide aux victimes).
(1) L’aide aux victimes d’actes de criminalité sur les territoires : quelle politique publique nationale pour 2013 et 2014 ? – Disponible sur
(3) Fédération nationale d’aide aux victimes et de médiation.
(4) Installée en 1999, cette instance de concertation est chargée de formuler des propositions sur l’accueil, l’information, la prise en charge et l’indemnisation des victimes d’infractions pénales.