Le Comité européen des droits sociaux du Conseil de l’Europe a, dans une décision du 11 septembre dernier rendue publique seulement le 21 janvier, condamné la France pour violations manifestes des droits des populations rom. Saisi en janvier 2011 par Médecins du monde, il a en effet conclu au non-respect des droits au logement, à l’hébergement, à la scolarisation, à l’assistance sociale et à la protection de la santé des Roms vivant en France, en violation des principes de la Charte européenne des droits sociaux révisée. C’est la quatrième fois que la France est condamnée par le comité pour violation des droits des populations rom au cours des cinq dernières années.
L’affaire concerne des Roms migrants, principalement d’origine roumaine et bulgare. Concrètement, le Comité européen des droits sociaux considère que les autorités n’ont pas suffisamment pris en compte les problèmes particuliers dont souffre la population rom et n’ont pas assez réagi. Et conclut à une violation d’une série de dispositions de la charte, lues seules ou combinées avec l’article E qui interdit toute forme de discriminations dans l’accès aux droits sociaux reconnus par le texte.
Le comité juge tout d’abord que la protection juridique des Roms visés par une menace d’expulsion n’est pas suffisante et déplore que des procédures d’expulsion puissent avoir lieu à tout moment de l’année, notamment en période hivernale, de jour et de nuit. Il note également que les villages d’intégration mis en place par les autorités françaises n’offrent une solution de logement qu’à un nombre très limité de Roms, les conditions de vie des autres continuant à être non conformes à l’article 31 (droit au logement), à l’article 16 (droit de la famille à une protection sociale et économique) et à l’article 30 (droit à la protection contre l’exclusion sociale) de la charte.
S’agissant des expulsions de familles rom du territoire français, le comité estime, en s’appuyant notamment sur les allégations de Médecins du monde selon lesquelles les autorités n’examinent pas les situations individuelles particulières et le délai pour déposer un recours est très bref, qu’elles ne respectent pas l’article 19 ?§8 de la charte dans la mesure où il s’agit d’expulsions collectives.
Le Comité européen des droits sociaux juge en outre que le système éducatif n’est pas suffisamment accessible aux enfants rom (1), en violation de l’article 17 de la charte. De même, il considère que l’Etat français a manqué à son obligation de veiller à ce que les Roms migrants, qu’ils soient en situation régulière ou non, aient un accès adéquat aux soins de santé. Il se réfère pour cela non seulement aux arguments avancés par Médecins du monde, pour qui les expulsions entraînent des ruptures de soins et de suivi médical, mais aussi à une délibération de l’ex-Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité – intégrée depuis mai 2011 au défenseur des droits –, selon laquelle les Roms mineurs se voient régulièrement refuser l’aide médicale de l’Etat. Il en conclut que les autorités auraient dû prendre des mesures raisonnables pour aborder les problèmes spécifiques auxquels les communautés rom doivent faire face du fait de leurs conditions de vie souvent insalubres et des difficultés qu’elles rencontrent pour accéder aux soins de santé.
Dans un communiqué du 28 janvier, Médecins du monde se réjouit de cette décision et espère qu’elle poussera le gouvernement, d’une part, à faire appliquer de manière effective sur tout le territoire la circulaire du 26 août 2012 visant à mieux préparer et accompagner les opérations d’évacuation des campements illicites de Roms (2) et, d’autre part, à prendre des mesures d’intervention positive en faveur de cette population.
(1) Dans sa décision, le comité indique que, selon une étude de Romeurope, sur les 1 132 enfants rom d’âge scolaire vivant à Marseille, Lyon et Nantes, seulement 335 (29,59 %) étaient inscrits à l’école et 168 (14,84 %) effectivement présents en classe pour l’année scolaire 2008-2009.