Certes, il s’agit d’un signal fort. En liant la lutte contre l’exclusion à « la refondation du travail social » et à la modernisation de son appareil de formation dans le plan pluriannuel contre la pauvreté (1), le premier ministre réinscrit les professionnels dans une vision politique de leur action. « Cela fait bien longtemps qu’un gouvernement n’avait pas appréhendé le travail social dans cette perspective globale et cohérente », analyse Pierre Gauthier, président de l’Unaforis (Union nationale des associations de formation et de recherche en intervention sociale). Il faut, selon lui, remonter à la loi de lutte contre les exclusions de 1998 pour retrouver, à côté des différentes mesures, un chapitre sur le travail social et les formations sociales. Encore faut-il que cette reconnaissance au plan politique du travail social, réaffirmée par Marie-Arlette Carlotti, le 23 janvier, lors de l’assemblée plénière du Conseil supérieur du travail social (CSTS), ne se borne pas à une opération de communication, mais s’inscrive dans la durée, en particulier lors du vote des lois de finances annuelles.
L’Unaforis se réjouit néanmoins d’ores et déjà de l’élaboration d’un plan d’action pour le travail social dans le cadre d’« assises de l’intervention sociale » en 2014. Elle appelle, dès à présent, les centres de formation à se mobiliser dans les ateliers interrégionaux préparatoires. Tout comme la FNARS, qui entend consulter son réseau en vue de ces assises et va relancer, en 2013, les journées nationales du travail social (organisées en 2010).
Le plan envisage d’« associer étroitement » le Conseil supérieur du travail social (CSTS) à la préparation et à l’animation des assises (2). Une bonne nouvelle pour ses membres, qui n’avaient pas été réunis en assemblée plénière en 2012 et s’inquiétaient de la mise en sommeil de cette instance, pourtant restructurée en septembre 2010 afin d’en faire un outil plus opérationnel et plus réactif ! Faut-il encore que cette association du CSTS s’accompagne du souci de la ministre de valoriser et de rendre visibles ses travaux, souvent de grande qualité, remarque, assez amer, Michel Thierry, son vice-président. Une demande récurrente que ses membres n’arrivent guère à faire aboutir.
L’Unaforis se voit, en tout cas, confortée dans ses discussions avec les régions autour du modèle des hautes écoles professionnelles de l’action sociale et de santé (Hepass), que le Premier ministre veut « expertiser ». Le plan souligne en effet que la préparation des assises devra être l’occasion de « faire émerger un consensus », notamment, avec les conseils régionaux, sur le sujet. Si le ministère a retenu dans ses « orientations pour les formations sociales » 2011-2013, la création des Hepass, les positions sont très différentes d’une région à l’autre. Quant à l’Association des régions de France, qui a jusqu’ici fort peu communiqué sur la question, elle a émis des réserves dans le rapport sur « la coopération entre les établissements de formation et les universités » (3) en estimant que la structuration de l’appareil de formation relève, « pour la formation initiale et l’apprentissage, de la compétence stricte des régions ».
Si l’Unaforis est donc soutenue par le Premier ministre dans son projet, elle a aussi obtenu gain de cause sur une autre de ses revendications : les établissements de formation, dans une ou deux régions, vont à titre expérimental pouvoir délivrer, par délégation de l’Etat et à la place du recteur ou du préfet, la certification des diplômes d’Etat de travail social. « Au même titre que les universités, se félicite Pierre Gauthier. Ce qui est une reconnaissance des écoles du travail social comme établissements d’enseignement supérieur. »
Parallèlement, dans le cadre de ses réflexions sur la refonte de l’architecture de l’offre de formation, l’Unaforis entend mieux répondre aux sollicitations spécifiques des employeurs, « tout en maintenant une formation initiale généraliste », précise son président. Après avoir conclu un accord-cadre de partenariat avec le Syneas en décembre dernier (4), elle vient de signer une déclaration commune avec la Fegapei. Face à la nécessité de former des professionnels plus pointus et capables d’intégrer les nouvelles méthodes et techniques du secteur du handicap, les deux acteurs ont décidé de se rencontrer régulièrement pour mettre au point des modules spécialisés sur ce champ dans le cadre de la formation initiale (qui seraient optionnels) et de la formation tout au long de la vie. Ils devraient également réfléchir à la conception d’une formation de formateurs.
Objectif ? Mieux répondre aux besoins de l’accompagnement adapté des personnes handicapées. En effet, si des formations spécialisées existent pour les professionnels en poste, l’enseignement reste lacunaire et aléatoire selon les régions. Et de nombreux étudiants préfèrent aller se former à l’étranger et y trouver des em ? plois qui leur permettent d’acquérir les compétences très spécifiques, indisponibles en France. Ces travaux, qui associeront les acteurs du secteur, les établissements universitaires et la direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle seront présentés en commission paritaire consultative dans les semaines à venir.
(1) Voir ASH n° 2794 du 25-01-13, p. 34.
(2) Marie-Arlette Carlotti a annoncé la mise en place d’un comité de pilotage national associant l’Etat, les régions, les conseils généraux, les associations de lutte contre l’exclusion, de professionnels et de cadres de l’action sociale.
(3) Voir ASH n° 2785 du 30-11-12, p. 5.
(4) Voir ASH n° 2789 du 28-12-12, p. 13.