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Modèles familiaux et mal-logement : la Fondation Abbé-Pierre décrypte les nouvelles fragilités

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La transformation de la structure familiale, qui s’est accélérée au cours des dernières années, est un facteur supplémentaire de difficulté d’accès au logement. Premières touchées : les familles monoparentales et les personnes seules.

« Ces 20 dernières années, les évolutions de la structure familiale ont des répercussions fortes tant au niveau économique que sur le logement, mais n’ont pas été prises en compte dans les politiques », souligne Patrick Doutreligne, délégué général de la Fondation Abbé-Pierre. Dans l’espoir d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur le sujet, la fondation a choisi d’y consacrer une analyse – dont les données ont été jusqu’ici peu explorées – dans son 18e rapport sur l’état du mal-logement, rendu public comme chaque année le 1er février (1).

Elargissement des publics mal logés

La transformation du modèle familial – 8 % des ménages sont des familles monoparentales (2,5 fois plus nombreuses qu’en 1968) et 33 % sont composés de personnes seules – est venue modifier le rapport au logement, déjà bouleversé par le durcissement de l’environnement socio-économique. Sur un plan purement statistique, elle a d’abord l’effet non négligeable d’augmenter la demande. Et en même temps que la crise du logement déstabilise les trajectoires résidentielles des ménages, la mutation des structures familiales élargit le cercle des personnes exposées au mal-logement. Premiers touchés par le phénomène : les parents isolés, le plus souvent des femmes. Parmi les familles monoparentales, 32 % vivent en dessous du seuil de pauvreté, contre 6,5 % des couples avec enfants. Surreprésentées dans la demande de logement social, elles le sont aussi dans les recours effectués au titre du droit au logement opposable et dans la demande d’hébergement. A Paris, les familles représentent 49 % des personnes hébergées via le 115, soit une explosion de 400 % en dix ans… « Plus de la moitié d’entre elles sont des femmes seules avec enfants qui ont été expulsées de leur domicile et 84 % sont sans aucune ressources financières. » Les effets de la monoparentalité touchent aussi les pères séparés, qui connaissent « fréquemment une période marquée par des conditions de logement précaire » (hébergement chez un tiers, hôtel…) quand ils ne conservent pas le domicile familial. La résidence alternée pose, en outre, des contraintes supplémentaires en matière de logement que, bien souvent, les pères ne parviennent pas à concilier avec leur budget. Au point que leurs problèmes de logement « jouent un rôle primordial dans leurs difficultés à exercer leur rôle parental ».

C’est également parmi les personnes seules « que l’exposition au mal-logement est la plus forte ». Sans double source de revenus, sans bénéficier des économies d’échelle dans les dépenses ou d’aides liées aux enfants, non prioritaires dans l’attribution d’un logement social, « ce sont elles qui supportent le plus des efforts financiers excessifs pour se loger ». Elles représentent ainsi 39 % des ménages disposant d’un reste-à-vivre inférieur à 500 €par mois. Le phénomène est aussi préoccupant pour les personnes âgées isolées qui sollicitent de plus en plus les structures d’aide. Quant aux familles recomposées, bon nombre d’entre elles se retrouvent, face au coût des loyers, « assignées à résidence ou bloquées dans des logements trop étroits, devant renoncer parfois à offrir à leurs enfants un espace de vie adapté et décent ». 30 % des familles très nombreuses vivent dans un logement surpeuplé.

Adapter les réponses

Le rapport appelle donc la puissance publique et les acteurs de la chaîne du logement à réagir. Le dispositif d’hé ? bergement, en effet, ne tient pas suffisamment compte de la diversité de la demande. Les adultes avec enfants sont les principales victimes des refus de places. L’articulation avec les dispositifs d’attribution des logements sociaux fait aussi défaut. Pour répondre aux situations de séparation conjugale, la fondation suggère des solutions temporaires, « comme la mise à disposition de logements pour des pères séparés qui n’ont pas les conditions de logement adéquates pour accueillir leurs enfants ». Elle invite également les bailleurs sociaux à adapter leurs réponses en termes d’offre, de critères d’attribution, de politique de mobilité résidentielle…

Autre levier : les aides au logement, qui doivent être plus réactives aux changements de situation. Pour l’heure, la législation fait peu cas des séparations. Ainsi, en cas de résidence alternée, l’enfant n’est pris en compte que pour l’un des deux parents. Si certaines caisses d’allocations familiales et collectivités ont imaginé des réponses spécifiques, elles ne peuvent, pour la fondation, « s’affranchir d’une réflexion plus globale sur les conditions de mobilité au sein du parc de logements et sur la solvabilisation des ménages au regard de l’évolution des comportements conjugaux et familiaux ».

Au final, « la sécurisation financière des ménages, la mobilité résidentielle et l’accompagnement et le soutien aux familles doivent éviter des moments de basculement dans l’exclusion », conclut Patrick Doutreligne. Une réflexion que la fondation soumettra à la ministre du Logement le 1er février, lors de la présentation de son rapport. Ses représentants devaient, par ailleurs, être reçus le 31 janvier par François Hollande.

LE CONTRAT SOCIAL, UN AN APRÈS…

Il y a un an, François Hollande signait le « contrat social pour une nouvelle politique du logement » proposé par la Fondation Abbé-Pierre aux candidats à la présidentielle. Comme promis, un volet de son 18e rapport livre un état des lieux, sans concession, du suivi des engagements du chef de l’Etat.

Si les premières mesures prises pour construire des logements accessibles vont dans le bon sens, il restera difficile, selon la fondation, « de produire 150 000 logements sociaux sans inverser le mouvement de désengagement financier de l’Etat dans un contexte où les collectivités territoriales et les organismes HLM peuvent difficilement augmenter leur effort ».

Autre inquiétude : le nombre de logements PLAI (prêts locatifs aidés d’intégration) représente moins d’un quart de la production annoncée. « Très peu de choses sont mises en place pour la captation de logements existants », ajoute Patrick Doutreligne. De plus, l’Etat n’a pas répondu à l’appel des associations d’élaborer une loi de programmation permettant de sécuriser les financements sur le quinquennat.

Idem dans le champ de l’hébergement et de l’accès au logement : après les mesures annoncées pour 2013, « rien ne garantit encore un changement de pratiques sur le long terme et l’inscription dans un plan quinquennal d’une action publique cohérente fondée sur une approche globale du mal-logement fait encore défaut ». Egalement insuffisantes : les mesures en matière de prévention, de solvabilisation et d’accompagnement.

Au-delà du renforcement déjà effectué des critères de la loi SRU, la fondation demande une relance du plan de rénovation urbaine et l’instauration d’une contribution de solidarité urbaine. A ses yeux, « l’année 2013 sera déterminante pour donner à la politique du logement les orientations nouvelles nécessaires à l’instauration d’un véritable système de protection sociale du logement ». Ce qui nécessite d’articuler les mesures d’urgence et structurelles, les dimensions sociale, économique et financière de la politique du logement, mais aussi une plus grande cohérence en matière de gouvernance. Si la nouvelle étape de la décentralisation devrait renforcer l’échelle inter-communale, « le rôle de l’Etat doit être réaffirmé et repensé » pour garantir le droit au logement.

M. LB.

Notes

(1) Prochainement disponible sur www.fondation-abbe-pierre.fr.

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