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Extension de la convention des ACI : entre progrès social et grand chambardement

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La convention collective des ateliers et chantiers d’insertion crée un socle minimal de droits, notamment pour les salariés en insertion. Un bouleversement pour les structures qui s’en tenaient au code du travail, mais aussi pour celles qui appliquaient déjà des accords.

Un « progrès social pour plus de 60 000 salariés », se félicite le Synesi (Syndicat national des employeurs spécifiques d’insertion). Six ans après sa création, l’organisation d’employeurs voit se concrétiser la reconnaissance de la branche professionnelle des ACI (ateliers et chantiers d’insertion) qu’elle appelait de ses vœux : depuis le 31 octobre dernier, la convention collective qu’elle a signée en mars 2011 avec la CFDT-PSTE (Protection sociale, travail, emploi) et la CFTC-protection sociale est étendue (1). Elle est donc applicable à l’ensemble des structures dont l’activité principale est d’être support d’ACI, soit un champ d’environ 1 000 structures. « Cette extension renforce le dialogue social dans le secteur, en intégrant les salariés en insertion », précise Luis Semedo, délégué national de Chantier école, membre fondateur du Synesi. « Dans le contexte actuel, il est plus intéressant de construire une branche que de jouer sa survie localement, en évitant les distorsions de droit, approuve Jean-Michel Mourouvin, secrétaire général adjoint du Synami CFDT, négociateur de la convention. En période de hausse du chômage, il est aussi important de créer des droits pour les précaires. »

De nouveaux paramètres

De fait, l’extension de la convention collective des ACI change les paramètres pour les 60 % d’employeurs du secteur qui n’appliquaient auparavant aucun texte conventionnel. Mais elle entraîne aussi un grand bouleversement pour ceux qui, au contraire, avaient choisi de s’en remettre à une convention collective existante (de l’animation ou du secteur social et médico-social…) avec, dans ce cas, des dispositions plus favorables. Selon les situations, très contrastées, tous les acteurs ne voient donc pas du même œil le nouveau paysage conventionnel.

Pour Charles-Hervé Moreau, président du Synesi, la convention collective des ACI comporte plusieurs avancées majeures : « La première est de fixer des minima conventionnels et de définir des emplois repères qui permettent une classification homogène dans toutes les structures. Les premiers salaires sont élevés au-dessus du SMIC, alors que beaucoup se limitent à des salaires proches du SMIC pour des encadrants. » Tous les trois ans, les salariés bénéficient d’une progression de 5 points d’ancienneté et, selon les emplois repères, de points d’« évolution professionnelle ». Preuve de la volonté des signataires de faire vivre rapidement le dialogue social : ils ont signé le 18 octobre un accord revalorisant la valeur du point de 2,28 % au 1er janvier 2013 (2).

Autre disposition : « Alors que les personnes en insertion sont souvent exclues des dispositifs de prévoyance, nous optons pour un système de couverture des grands risques pour l’ensemble des salariés, sans condition d’ancienneté, avec un maintien des droits neuf mois au maximum après avoir quitté la structure », poursuit Charles-Hervé Moreau. Les partenaires sociaux ont également souhaité mettre l’accent sur la formation professionnelle (ils ont choisi Uniformation pour organisme paritaire collecteur agréé), en portant le taux de contribution des employeurs à 1,6 % de la masse salariale, quelle que soit la taille de la structure. La commission paritaire nationale « emploi formation » devra proposer des actions visant à anticiper les besoins de professionnalisation, d’emploi et de formation de la branche. Laquelle devrait bientôt expérimenter, à partir d’une démarche déjà déployée par Chantier école, deux certificats de qualification professionnelle – l’un pour les permanents, l’autre pour les salariés en insertion – afin de permettre à ces derniers de valider leurs compétences en fin de parcours.

Dialogue social

Autre spécificité du texte : il crée une instance « Santé et conditions de travail » dans laquelle les salariés en insertion ? composent, au minimum, la moitié des représentants des personnels. « Un moyen de développer le dialogue social dans les structures de moins de 50 salariés », précise le président du Synesi. Ce qui n’est pas négligeable dans un secteur qui compte une majorité de petites entités, amenées du coup à réviser leur mode de gouvernance. « Il s’agit d’organiser le dialogue social en tenant compte de la parole des salariés accompagnés et en assurant la continuité de l’instance “Santé et conditions de travail”, sachant qu’elle comprend des salariés en contrat à durée déterminée », abonde Luis Semedo.

La Fédération nationale de l’action sociale-FO, qui a signé certains accords mais pas la convention collective (3), juge, quant à elle, que le texte est trop peu ambitieux. « Là où il n’y avait rien, il crée des droits pour les salariés en insertion et fixe des minima, mais ces derniers sont insuffisants, juge Véronique Menguy, conseillère fédérale et négociatrice de la convention. Ils ne sont pas à la hauteur du niveau de responsabilité demandé à un moniteur d’atelier. La grille est construite à partir de compétences dont la structure a besoin, pas d’un diplôme. » Elle témoigne de « tiraillements » dans l’interprétation de la convention pour le reclassement des salariés (la classification qui conditionne la rémunération doit être mise en œuvre au plus tard au 1er septembre 2013). « Celui-ci nécessite parfois d’âpres négociations avec la direction », reconnaît Jean-Michel Mourouvin.

Des zones d’incertitude

Quid, par ailleurs, des salariés qui bénéficiaient auparavant de dispositions plus favorables ? Si les structures sont tenues de dénoncer le texte qu’elles appliquaient, la convention collective des ACI stipule qu’elle ne peut « en aucun cas porter atteinte aux avantages acquis individuellement ou collectivement antérieurement à la signature de ladite convention en ce qui concerne les salaires, les conditions et la durée de travail, ni motiver la rupture du contrat de travail ». Dans le cas où le salaire est inférieur à celui que touchait antérieurement le salarié, le texte prévoit un « salaire différentiel » pour assurer le maintien de la rémunération sur la base des 12 mois précédents. Mais sur nombre d’autres points, « il faut faire jouer le dialogue social, auquel les très petites entreprises ne sont pas forcément habituées », relève Jean-Michel Mourouvin.

La FNARS (Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale) n’était, pour sa part, pas partie prenante d’une convention collective spécifique. Elle préférait aménager les conventions collectives existantes afin de ne pas créer un « sous-secteur » et de faire accéder les salariés en insertion au droit commun, dans le cadre d’un emploi pérenne. Certes, il a été plus rapide pour le Synesi de créer sa convention. Mais l’extension de cette dernière « crée une forme d’incertitude, des risques de confusion dans des structures déjà fragilisées, alors que, malgré des points positifs, il n’y a pas toujours de plus-value », considère Alexis Goursolas, chargé de mission à la FNARS, qui, néanmoins, a rejoint la commission « emploi formation » de la branche des ACI. Des différends pourraient naître, selon lui, de la nécessité de « définir, selon plusieurs indices, si l’ACI est pour la structure une activité principale, notion qui ne fait pas l’objet de définition opposable ».

Le surcoût entraîné par la convention est, précise-t-il, variable selon les territoires, les accords appliqués ou les pratiques de direction. Pour certains employeurs, il sera nul, pour d’autres, il pourra les mettre dans le rouge. Les réseaux concernés ont cependant prévu un accompagnement des structures. « Dans le cadre du CNAR (centre national d’appui et de ressources)-IAE, des dispositifs locaux d’accompagnement [4] travaillent sur les conséquences du texte sur l’organisation et les finances des structures », indique Luis Semedo. La question des charges supplémentaires ne manquera pas d’émerger au cours des tours de table des financeurs. Dans un contexte budgétaire tendu, Jean-Michel Mourouvin ne cache pas son inquiétude : « Nous devons empêcher que des structures en difficulté se servent de la convention pour détruire des acquis. »

Notes

(1) L’arrêté portant extension de la convention collective comporte certaines exclusions (notamment sur des dispositions concernant l’aménagement de la durée du travail) et réserves (comme sur les indemnités de licenciement) eu égard au code du travail. Les partenaires sociaux devraient y être attentifs lors des prochaines commissions nationales paritaires.

(2) Le point est donc porté à 5,83 €. Le coefficient d’entrée est de 250 points pour un assistant technique A et de 280 € pour un accompagnateur A.

(3) La CGT action sociale avait, quant à elle, pris position contre l’« émiettement » des conventions collectives. La CFE-CFC n’a pas été partie prenante des négociations.

(4) Les DLA apportent un appui aux structures d’utilité sociale – associations, coopératives d’intérêt collectif, structures de l’insertion par l’activité économique – souhaitant consolider ou développer leur activité, et donc leurs emplois.

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