Recevoir la newsletter

Lutte contre la surpopulation carcérale : des députés veulent rendre la libération conditionnelle automatique

Article réservé aux abonnés

Au 1er juillet 2012, on dénombrait 67 373 personnes détenues alors que le nombre de places disponibles était de 57 408, soit un taux moyen d’occupation de 117 % dans les établissements pénitentiaires et de 133 % dans les maisons d’arrêt. Sans revenir sur les conséquences d’une telle situation (violence, absence d’activités en détention, insalubrité…), la commission des lois de l’Assemblée nationale a, le 23 janvier, rendu public le rapport de la mission d’information sur la surpopulation carcérale, pilotée par le député (PS) Dominique Raimbourg, qui formule des propositions visant à y remédier (1). Les députés – qui souhaitent voir leurs recommandations prises en compte lors de la conférence de consensus sur la prévention de la récidive des 14 et 15 février (2) – plaident en faveur d’un « nouvel équilibre entre incarcérations et mesures de suivi et de contrôle en milieu ouvert, ce qui implique une profonde évolution culturelle et politique » (3).

Faire de l’emprisonnement le dernier recours

L’un des leviers pour diminuer la surpopulation carcérale réside, selon les députés, dans le développement des aménagements de peine, qui sont au cœur de la politique pénale de la garde des Sceaux (4). Il s’agit surtout de les favoriser « dans toute la mesure du possible » dès le prononcé du jugement, expliquent les auteurs du rapport, car ils permettent d’éviter l’incarcération du condamné et une exécution plus rapide de la peine, « sous une forme dont l’efficacité en matière de lutte contre la récidive est démontrée ». Mais « la palette des aménagements auxquels le juge peut recourir n’est pas infinie et se heurte à l’insuffisance des places disponibles en semi-liberté ou de placement à l’extérieur » (5), relève Dominique Raimbourg, rejoignant ainsi les conclusions du contrôleur général des lieux de privation de liberté (6).

Il propose notamment, comme c’est le cas pour les mineurs, de « mettre en place une césure entre la déclaration de culpabilité et le prononcé de la peine dans la procédure de comparution immédiate » afin que le juge puisse faire réaliser une enquête plus approfondie sur la personne concernée – dans un délai de un mois qui semblerait « suffisant », selon lui – et être en mesure de prononcer une alternative à l’incarcération ou un aménagement de peine. En matière de travail d’intérêt général (TIG), le député préconise de permettre au juge de prononcer cette mesure en l’absence du condamné dès lors qu’il est représenté par son avocat et qu’il fait part de son accord de principe à l’égard d’une telle mesure. L’élu recommande en outre que le TIG puisse être réalisé dans un délai maximum de deux ans contre 18 mois actuellement.

Signalons que, pour les peines de prison ferme aménageables non exécutées dans un délai de trois ans, les députés suggèrent de subordonner leur mise à exécution à un examen du dossier par le juge de l’application des peines (JAP), qui choisira alors entre l’incarcération, l’aménagement et la dispense de l’exécution.

De manière complémentaire, afin de rendre possible le prononcé d’un aménagement de peine par la juridiction de jugement, le rapport préconise d’expérimenter un système de veille sociale judiciaire pour permettre la mise en place de solutions d’hébergement d’urgence pour les condamnés à de courtes peines qui ont des problèmes de logement.

Favoriser la libération conditionnelle

Malgré la hausse des aménagements de peine, 80 % des condamnés n’en bénéficient toujours pas. Or, relèvent les députés, selon la direction de l’administration pénitentiaire, les libérés conditionnels ont un taux de recondamnation 1,6 fois plus faible que les libérés en fin de peine. Au-delà de leur impact sur la prévention de la récidive, ces mesures ont aussi l’avantage de se traduire par un « gain financier non négligeable pour l’Etat », souligne le rapport : alors que le coût moyen journalier d’une détention s’élève à 95 €, celui d’une semi-liberté est de 47 €, celui d’un placement à l’extérieur de 40 € et celui d’un placement sous surveillance électronique de 5 €. S’agissant plus particulièrement de la libération conditionnelle, les députés regrettent qu’elle soit peu utilisée (3,2 % des condamnés en bénéficiaient au 1er juillet dernier) alors qu’elle « permet un retour à la liberté à la fois accompagné et contrôlé ». Aussi proposent-ils de mettre en œuvre une « libération conditionnelle automatique, aux deux tiers de la peine, pour les personnes condamnées à des peines d’emprisonnement inférieures ou égales à cinq ans, sauf opposition motivée du JAP ». Etant précisé que la libération conditionnelle resterait possible dès la mi-peine. Pour les condamnés dont la peine est supérieure à cinq ans, précisent-ils, « seul l’examen de leur situation à mi-peine devrait être automatique ». Et, pour les condamnés à une peine de réclusion criminelle à perpétuité, cet examen automatique pourrait intervenir après une durée d’incarcération de 18 ans.

Autre recommandation de la mission : renforcer l’accompagnement socio-éducatif de la surveillance électronique « afin d’en faire autre chose qu’un simple mécanisme de “désencombrement” des établissements pénitentiaires ».

Rénover le suivi des condamnés

Afin d’améliorer le suivi des sortants de prison, il convient, d’après les députés, de renforcer les moyens des services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) qui en ont la charge, par exemple en créant des équipes mobiles de personnels d’insertion et de probation. Une préconisation déjà émise par un rapport de 2011 des inspections générales des finances et des services judiciaires (7). Le rapport suggère en outre de créer un service départemental de l’insertion regroupant les SPIP et les associations agissant sur mandat judiciaire, service qui serait l’interlocuteur unique des institutions de droit commun et coordonnerait l’action des SPIP et des associations, en proposant notamment des alternatives à la détention à tous les stades de la procédure judiciaire. Pour les parlementaires, cette organisation contribuerait, pour partie, au désengorgement des SPIP. Par ailleurs, s’inquiètent-ils, « l’augmentation anticipée du nombre de personnes suivies en milieu ouvert par les SPIP ne pourra pas, pour des raisons budgétaires évidentes, être entièrement absorbée par une hausse des effectifs, même accompagnée d’une répartition plus fine des moyens humains sur le territoire ». Aussi estiment-ils souhaitable l’« intervention d’autres acteurs dans le processus d’exécution des peines en milieu ouvert », tels que les forces de police ou de gendarmerie nationales qui pourraient être « davantage impliquées dans le contrôle du respect des obligations et interdictions imposées aux personnes suivies par les SPIP ».

Vers un « numerus clausus » dans les prisons ?

Si la mise en œuvre de l’ensemble des mesures qu’ils formulent ne suffisait pas à faire baisser la surpopulation carcérale, les députés préconisent d’instaurer un numerus clausus dans les prisons, c’est-à-dire de limiter le nombre de personnes incarcérées à celui des places opérationnelles. Ce qui, en outre, constituerait « un premier pas vers le respect de l’encellulement individuel », principe posé par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 (8). L’application de ce numerus clausus conduirait donc à la sortie anticipée d’un condamné – celui dont le reliquat de peine serait le plus faible – en cas de nouvelle incarcération à la suite d’un placement en détention provisoire ou de la mise à exécution d’une peine d’emprisonnement. Cette sortie s’effectuerait sous le régime d’un aménagement de peine (semi-liberté, placement à l’extérieur ou sur surveillance électronique, fractionnement de peine…). S’exprimant le 27 janvier au Grand jury RTL/Le Figaro/LCI, la ministre de la Justice, Christiane Taubira, s’est dite opposée à cette mesure car « il ne s’agit pas d’adapter des peines au nombre de places de prison, il s’agit d’appliquer la loi actuelle », qui permet d’aménager les peines.

Notes

(1) « Penser la peine autrement : propositions pour lutter contre la surpopulation carcérale » – Rapport d’information n° 652 – Disponible sur www.assemblee-nationale.fr.

(2) Voir ASH n° 2775 du 21-09-12, p. 13 et n° 2788 du 21-12-12, p. 10.

(3) A noter que le vice-président (UMP) de la mission, Sébastien Huyghe, a désapprouvé « une large partie de ses préconisations », qui, selon lui « aboutiraient à une hausse de la délinquance ».

(4) Voir ASH n° 2776 du 28-09-12, p. 46.

(5) Au 1er janvier 2012, 1 857 personnes bénéficiaient d’une mesure de semi-liberté alors qu’il n’y avait que 768 places disponibles, réparties entre 11 centres et 7 quartiers de semi-liberté. Soit un taux moyen d’occupation de 140 %.

(6) Voir ASH n° 2780 du 26-10-12, p. 13.

(7) Voir ASH n° 2733 du 18-11-11, p. 15.

(8) Voir ASH n° 2682 du 12-11-10, p. 43 et n° 2709 du 13-05-11, p. 15.

Côté cour

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur