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Le plan de lutte contre la pauvreté laisse les associations sur leur faim

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Bien que satisfaites des progrès contenu dans le plan interministériel, les associations affichent leur déception devant l’absence de programmation budgétaire. Plusieurs de leurs revendications n’ont pas été retenues.

Plus d’un mois après la conférence de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, les associations espéraient beaucoup plus du plan quinquennal annoncé à l’issue du comité interministériel de lutte contre les exclusions, le 21 janvier (voir ce numéro, page 34). Si la plupart saluent largement l’impulsion politique et les avancées qu’il contient, elles déplorent ne pas avoir été entendues sur leurs revendications, pour beaucoup portées par les groupes de travail, pour amender les mesures déjà annoncées le 11 décembre. A quelques ajouts et plusieurs précisions près, le plan en est, en effet, une copie presque conforme.

Peu de mesures quantifiées

La demande majeure, portée par le Collectif Alerte, de traduire le plan dans une loi de programmation pluriannuelle qui donnerait – après la grande loi de 1998 – davantage de portage politique et de lisibilité aux engagements, est restée lettre morte. L’Uniopss (Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux), qui doit accueillir François Hollande en clôture de son congrès, le 25 janvier à Lille, continue de plaider en ce sens (voir ce numéro, page 22). « A ce stade, nous n’avons aucune indication de financement durant le quinquennat, s’inquiète Bruno Grouès, conseiller spécial auprès du directeur général de l’association. Non seulement il n’y a pas de crédits affectés, mais il y a beaucoup de mesures non quantifiées. » Toujours en matière de « gouvernance », le choix de François Chérèque, ancien secrétaire général de la CFDT, pour suivre et évaluer le plan, est, en revanche, largement approuvé. « Le fait qu’il vienne du monde syndical montre que la pauvreté est désormais prise en compte dans l’ensemble des politiques publiques », se félicite Bruno Grouès, qui a siégé avec le nouveau président du Think tank Terra Nova à la Conférence nationale de santé. Avec néanmoins une réserve : son statut d’inspecteur général des affaires sociales « lui donnera-t-il l’autorité politique nécessaire pour peser sur les ministres ou les préfets ? »

Un signe envers le travail social

Sur le fond, la préparation d’un « plan d’action en faveur du travail social » – à l’issue d’ateliers interrégionaux en 2013 puis d’« assises de l’intervention sociale » en 2014 – apparaît comme un signal important. « Elle montre la volonté de marquer un acte politique fort en faveur du travail social, comme le fut la circulaire de Nicole Questiaux en 1982 », approuve Marcel Jaeger, professeur titulaire de la chaire de travail social et d’intervention sociale au CNAM. Reste cependant à définir les objectifs et le périmètre de la démarche. « Le terme d’intervention sociale témoigne-t-il de la volonté d’une approche très large ? », s’interroge-t-il.

Plusieurs autres décisions venues préciser les orientations annoncées sont bien accueillies, comme la prise en compte par les partenaires sociaux de l’impact de leurs négociations sur les privés d’emploi ou l’allongement à 12 mois de la durée moyenne des contrats aidés. Sur le front du respect des droits, ATD quart monde se réjouit du travail confié à l’inspection générale des affaires sociales sur la « récupération des indus », du taux de 10 % qui devrait être réservé dans les crèches aux enfants vivant en situation de pauvreté et de la volonté de construire une « alliance entre les familles défavorisées et l’école ». Mais la vigilance est de mise sur les déclarations de bonnes intentions. La volonté de redynamiser les permanences d’accès aux soins de santé, par exemple, n’est pas vraiment nouvelle. « C’est une bonne chose, souligne Jean-François Corty, directeur des missions France de Médecins du monde. Mais les crédits dévolus à ces structures seront-ils enfin fléchés dans les hôpitaux afin de les obliger à les mettre en œuvre ? » Beaucoup de mesures sont, par ailleurs, renvoyées à des audits, missions ou expérimentations, comme celle sur les parcours d’insertion des jeunes sous main de justice ou pris en charge par l’aide sociale à l’enfance. « Mais nous n’avons plus besoin de micro-projets en la matière ! », lance Florent Guéguen, directeur général de la FNARS (Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale). Si les constats et les solutions sont connues, « la contrainte budgétaire reste le nœud du problème ».

Les associations réclamaient davantage de réformes structurelles. Au rang des demandes non satisfaites : l’extension du RSA (revenu de solidarité active) à tous les jeunes en parcours d’insertion. « La garantie jeunes est intéressante, mais nous en contestons le périmètre puisqu’elle va concerner 100 000 jeunes alors que le taux de pauvreté de ce public est de 23 % », déplore Florent Guéguen. Alors que le chef de l’Etat avait fait de la jeunesse une priorité de campagne, « cela ne se retrouve pas dans le plan. Nous allons continuer à porter cette théma­tique avec Louis Gallois, le président de la FNARS, auprès de Valérie Fourneyron et de Michel Sapin dès la fin du mois. » Vieille revendication également, la fusion entre la couverture maladie universelle et l’aide médicale de l’Etat n’est pas à l’ordre du jour. « Nous sommes à demi-satisfaits de l’annonce de la simplification de l’accès à l’AME, ajoute Jean-François Corty. Une étude des freins existants va être conduite, mais nous les connaissons déjà ! » La situation dramatique de l’accès aux soins des enfants à Mayotte a, en outre, été oubliée.

Le collectif des associations unies pour une nouvelle politique publique du logement avait également réclamé des décisions plus ambitieuses, dont un moratoire des expulsions locatives, une revalorisation significative des aides au logement et, surtout, au-delà des mesures annoncées pour 2013, une programmation sur le quinquennat qui garantisse une offre suffisante de logements à loyers accessibles. Si le plan reprend l’objectif de créer 150 000 logements sociaux par an, « les moyens pour l’atteindre ne nous semblent pas au rendez-vous », estime Patrick Doutreligne, délégué général de la Fondation Abbé-Pierre. Une inquiétude partagée par le président de l’Union sociale pour l’habitat, Jean-Louis Dumont, lors de ses vœux à la presse, le 23 janvier.

Elargir les diagnostics

Pour le collectif, la méthode annoncée pour sortir de la « gestion au thermomètre » du dispositif d’hébergement ne va pas assez loin. « Nous demandons des diagnostics qui ne se limitent pas aux personnes hébergées dans le dispositif hivernal mais s’étendent à toutes les situations de mal-logement. Nous sommes en train de formuler des propositions de méthodologie », poursuit Florent Guéguen. Le collectif a d’ores et déjà annoncé le lancement d’un « compte à rebours », baromètre destiné à contrôler la mise en œuvre effective, dans 20 territoires sentinelles, des plans territoriaux de sortie de l’hiver qui doivent être élaborés avant le 15 février pour éviter les remises à la rue au printemps.

Malheureusement, les « oubliés » de la conférence de décembre sont aussi ceux du plan. « Il n’y a pas de stratégie globale d’accompagnement social et d’accès aux droits des migrants », regrette Florent Guéguen. La FNARS compte d’ailleurs interpeller le ministre de l’Intérieur sur le sujet. De son côté l’APF (Association des paralysés de France) ne décolère pas : « Aucune mesure concrète et directe ne concernera les deux millions de personnes en situation de handicap vivant sous le seuil de pauvreté ». Elle rappelle que l’augmentation de l’allocation aux adultes handicapés (dont le montant est inférieur au seuil de pauvreté) de 25 % en cinq ans « ne constitue qu’un rattrapage de la perte de pouvoir d’achat » subie par ses bénéficiaires et qu’elle a été « grignotée » par de nombreux frais supplémentaires (hausse du forfait hospitalier, déremboursement des médicaments…). De plus, les allocataires de l’AAH n’auront toujours pas accès à la CMU-C, malgré le relèvement de son plafond. Sur l’interministérialité, le gouvernement a donc encore de gros progrès à faire.

LES ORGANISATIONS DE PRÉCAIRES VEULENT ÊTRE MIEUX ENTENDUES

Alors que se déroulait, le 21 janvier, le comité interministériel, quatre associations représentant les personnes précaires – le MNCP, l’APEIS, AC ! et le DAL – avaient manifesté leur colère par un « jeté de miettes » de pain dans le hall du ministère des Affaires sociales. Et décroché, le lendemain, un rendez-vous avec la ministre déléguée chargée de la lutte contre l’exclusion. « Nous avons redit que les mesures prises n’étaient pas à l’échelle des enjeux, explique Pierre-Edouard Magnan, délégué fédéral adjoint du MNCP. Alors que 20 milliards sont consacrés à la compétitivité et que 6 milliards de prestations sociales ne sont pas sollicitées, on augmente le RSA de moins de 10 € par mois. »

Les associations ont fait part d’une autre revendication : « Alors que s’organise la participation des personnes en situation de pauvreté à l’élaboration des politiques publiques, nous voulons que les organisations collectives de précaires soient aussi associées. Sur ce point, la ministre a indiqué qu’elle nous ferait des propositions. »

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