Le décrochage scolaire des jeunes dépend-il de leurs conditions de vie ? C’est l’hypothèse du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq), selon lequel il résulte de facteurs qui se cumulent et se combinent différemment selon le marché du travail, la structure conjugale et familiale, le degré de familiarité des parents avec les normes scolaires, l’habitat et le cadre de vie prédominant au plan territorial (1). A partir de là, il repère cinq configurations territoriales ayant un impact sur la réussite scolaire, dont deux requièrent, selon lui, une action publique prioritaire.
Le premier ensemble, qui cumule « précarité de vie familiale et d’emploi », correspond à la France industrielle et périurbaine du Nord, de la Picardie, de la Lorraine et de l’Est jusqu’à Montbéliard et Oyonnax. Il concentre la part la plus élevée de jeunes de 15-24 ans sans diplôme qui ne sont plus scolarisés (33 % contre 25 % en moyenne nationale). Ces territoires réunissent plusieurs facteurs pénalisants : une part élevée d’adultes non diplômés et de chômeurs, de familles monoparentales, nombreuses et logeant en HLM. Ce qui ne favorise guère la socialisation avec le monde de l’école, l’accès aux livres et aux journaux. Le second ensemble combine « fragilité culturelle, précarité d’emploi ». Il est surtout constitué de communes isolées ou rurales, en Aquitaine, Pays-de-la-Loire et Provence-Alpes-Côte d’Azur et marqué par un faible niveau de qualification associé à un chômage fréquent. Le taux moyen par canton des 15-24 ans sans diplôme atteint 29 %.
A côté de ces deux ensembles, le Céreq repère d’autres zones qui pourraient, dans une moindre mesure, être jugées prioritaires. En effet, si la proportion de jeunes sans diplôme y est plus faible, bien que préoccupante (21-25 %), les conditions de vie ne sont pas favorisées sur tous les plans. C’est le cas des territoires cumulant « sécurité économique et soutien culturel » qui rassemblent des familles de classes moyennes autour de villes comme Caen, Nantes, Toulouse, Avignon, Lyon, Besançon, Mulhouse… ; ou des zones combinant « sécurité économique et précarité de la vie familiale », en grande périphérie des centres urbains (particulièrement en Ile-de-France et dans quelques cantons en Rhône-Alpes). Enfin, le Céreq situe, un peu à l’écart, un « milieu rural vieillissant » dans les massifs montagneux (Alpes, Pyrénées, Massif central, Morvan) mais aussi à l’Ouest (Manche, Ille-et-Vilaine, Charentais). Si les revenus sont bas et la part d’emplois stables réduite, le taux de jeunes non diplômés est faible (22 %).
Le centre d’études propose donc d’agir sur l’exposition au risque de rupture éducative en prenant en compte les contextes, parallèlement aux suivis individuels souvent préconisés. Il suggère en particulier de différencier les politiques éducatives, sociales et culturelles de lutte contre le décrochage selon les profils des territoires.
(1) « Les risques sociaux du décrochage : vers une politique territorialisée de prévention ? » – Bulletin de recherche emploi-formation du Céreq n° 304 – Décembre 2012 – Disponible sur