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Le Conseil d’Etat estime que le risque d’excision peut ouvrir le droit à l’asile

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Dans une décision du 21 décembre 2012, le Conseil d’Etat estime que, dans les pays et sociétés où l’excision est la norme sociale, les enfants non mutilés constituent un « groupe social » au sens de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et sont donc à même d’obtenir le statut de réfugié… à condition toutefois de pouvoir fournir des éléments attestant leurs craintes personnelles.

Le Conseil d’Etat était saisi de pourvois contre les décisions de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) du 12 mars 2009 portant sur les demandes d’asile formulées par une mère ivoirienne pour elle et sa fille née en France (1). Elle affirmait subir des pressions familiales pour rentrer dans son pays d’origine et craignait, en cas de retour en Côte d’Ivoire, de ne pouvoir s’opposer à la mutilation génitale de son enfant. En ce qui concerne la fille, la CNDA avait jugé que, du fait de son jeune âge – qui l’empêchait de manifester son refus de la pratique des mutilations sexuelles – et de sa naissance en France, elle ne pouvait être considérée comme réfugiée. Estimant toutefois qu’elle risquait un traitement inhumain et dégradant, elle lui avait octroyé la protection subsidiaire. La cour avait, de la même façon, rejeté la demande de statut de réfugié de la mère… mais, afin de protéger la vie familiale de l’enfant, lui avait octroyé la protection subsidiaire par « extension ».

Les fillettes risquant l’excision constituent un « groupe social »

Dans sa décision concernant l’enfant, le Conseil d’Etat rappelle en premier lieu que, selon la définition donnée par la convention de Genève, doit être considérée comme réfugiée toute personne qui, « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ». Un groupe social est constitué de « personnes partageant un caractère inné, une histoire commune ou une caractéristique essentielle à leur identité et à leur conscience, auxquels il ne peut leur être demandé de renoncer, ou une identité propre perçue comme étant différente par la société environnante ou par les institutions », explique la Haute Juridiction, ajoutant que « l’appartenance à un tel groupe est un fait social objectif qui ne dépend pas de la manifestation par ses membres, ou, s’ils ne sont pas en mesure de le faire, par leurs proches, de leur appartenance à ce groupe ».

Cela étant posé, le Conseil d’Etat énonce que, « dans une population dans laquelle les mutilations sexuelles féminines sont couramment pratiquées au point de constituer une norme sociale, les enfants et les adolescentes non mutilées constituent de ce fait un groupe social ». Et peuvent donc à ce titre obtenir le statut de réfugié.

Le risque encouru doit être démontré

Les sages du Palais Royal posent toutefois des conditions. Ainsi, pour être admise au statut de réfugié, l’intéressée doit « fournir l’ensemble des éléments circonstanciés, notamment familiaux, géographiques, sociologiques, relatifs aux risques qu’elle encourt personnellement ». Ce, afin de permettre à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides et, le cas échéant, au juge de l’asile, d’apprécier le bien-fondé de sa demande. En outre, l’admission au statut de réfugié peut être légalement refusée s’il existe à l’intérieur du pays une possibilité d’asile interne, c’est-à-dire « une protection sur une partie du territoire de son pays d’origine à laquelle il est en mesure, en toute sûreté, d’accéder afin de s’y établir et d’y mener une vie familiale normale ».

En l’espèce, le Conseil d’Etat a annulé la décision de la CNDA et renvoyé l’affaire devant cette dernière. La Haute Juridiction a en effet considéré que la circonstance d’être née en France ne permet pas de refuser la protection de la convention de Genève dès lors que la personne a la nationalité du pays où la mutilation est pratiquée. Aussi et surtout, elle a estimé que, en subordonnant la reconnaissance de la qualité de réfugié comme membre d’un groupe social à l’exigence que la personne en cause ait manifesté son appartenance à ce groupe, la CNDA a « entaché sa décision d’erreur de droit ».

Et pour les parents ?

Le même jour, dans une deuxième décision, le Conseil d’Etat a, en revanche, rejeté le pourvoi de la mère, considérant que la CNDA n’avait pas commis d’erreur en lui refusant la qualité de réfugié. Il n’a pas suivi les arguments de la requérante qui estimait qu’elle était elle-même membre d’un groupe social. Pour les Hauts Magistrats, en effet, « il n’était pas établi qu’elle pourrait, du fait de son opposition aux mutilations sexuelles auxquelles sa fille serait exposée si elle retournait avec elle en Côte d’Ivoire, être regardée comme relevant d’un groupe social et susceptible à ce titre d’être personnellement exposée à des persécutions ».

Enfin, notons que, dans une troisième décision, la Haute Juridiction a annulé l’octroi de la protection subsidiaire à la mère d’une fillette risquant l’excision en considérant que la CNDA n’avait pas recherché « si [elle] pouvait craindre sérieusement d’être exposée directement et personnellement, en cas de retour dans son pays d’origine, à un traitement justifiant l’octroi de la protection subsidiaire ». Ce faisant, le Conseil d’Etat a posé une condition à l’octroi de la protection subsidiaire par « extension ».

[Conseil d’Etat, 21 décembre 2012, n° 332491, n° 332492 et n° 332607, disp. sur www.legifrance.gouv.fr]
Notes

(1) Voir ASH n° 2605 du 17-04-09, p. 5.

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