Faut-il créer un poste de médiateur, au plan national, pour intervenir lors de conflits entre une personne aidée et un service social ou médico-social ? C’est ce que propose Laurent Giroux, consultant évaluateur externe, convaincu qu’il faut revoir le principe retenu par la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale. Depuis ce texte, en effet, tout usager d’un établissement ou d’un service social ou médico-social peut faire appel, pour faire valoir ses droits, à une personne qualifiée (1) figurant sur une liste établie conjointement par le directeur général de l’agence régionale de santé (ARS), le préfet et le président du conseil général. « Celle-ci doit par exemple être jointe au livret d’accueil des services d’aide à domicile ou affichée dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes [EHPAD] », rappelle Laurent Giroux. Or, d’après les évaluations qu’il a menées, rares sont les services à domicile à le faire. « Certains ne savent pas qu’ils doivent joindre cette liste, d’autres n’en connaissent même pas l’existence, d’autres encore ne savent pas où la chercher… »
Celle-ci doit normalement être disponible auprès des conseils généraux, des ARS et des Direccte (directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi). Est-ce le cas ? Le consultant a décidé de mener l’enquête. Pour interroger 57 départements choisis au hasard, il a fait appel à ses étudiants en licence professionnelle « directeur de services à domicile » et Master 1 « management du tiers secteur » du Pôle universitaire d’Alençon et de l’Université du Maine, où il enseigne. A eux de contacter les instances pour obtenir la liste. « Rares sont les interlocuteurs qui ont pu répondre immédiatement à la demande de l’étudiant, souligne Laurent Giroux. Sans parler de ceux qui ignoraient ce qu’était cette fameuse liste. Ne parlons pas des nombreuses fois où, faute de pouvoir répondre, les interlocuteurs ont basculé l’appel vers le poste d’un collègue… qui ne savait pas non plus ! » Onze ans après la promulgation de la loi, seuls 21 départements sur 57 peuvent fournir une liste de « personnes qualifiées » au grand public, selon l’estimation du consultant. « Quand elle existait, parfois, elle n’était plus à jour ou bien les coordonnées des personnes à contacter étaient incomplètes ou inexistantes. Il arrivait aussi que les personnes listées soient en conflit d’intérêts avec les établissements d’accueil ou services à domicile parce qu’elles en étaient clientes, salariées, bénévoles ou administratrices. La plupart du temps, ces personnes, désignées comme “qualifiées”, n’avaient en fait bénéficié ni de formation ni d’information pour assurer cette médiation. Enfin, l’une d’entre elles que nous avons contactée ne savait même pas qu’elle figurait sur la liste ! »
La pré-étude tirée de cette enquête (2) – qui devrait être étendue dans un second temps à l’ensemble des départements – a été transmise aux ministères concernés ainsi qu’aux partenaires du milieu gérontologique. « Malgré les limites liées aux modalités de l’exercice [3], il faut reconnaître que le principe de “personne qualifiée” est inefficace et qu’il faut trouver une autre solution. Seul un médiateur identifié et identifiable, présentant des garanties de moralité, de neutralité et d’indépendance, bénéficiant de moyens pour mener à bien son action mais également compétent pour savoir écouter, analyser les situations, orienter et agir auprès des autorités, pourrait répondre aux besoins », estime Laurent Giroux.
(1) Celle-ci a pour mission d’informer et d’aider les personnes à faire valoir leurs droits, d’assurer un rôle de médiation entre la personne et l’établissement ou le service afin de trouver les solutions au conflit qui peuvent les opposer et enfin de signaler aux autorités compétentes les difficultés liées à la tarification, à l’organisation du service ou encore à une situation de maltraitance.
(2) Etude DEFIS sur les listes de personnes qualifiées disponible sur le site
(3) L’enseignant souligne qu’une réponse indiquant que la liste n’existe pas n’est pas forcément fondée. En outre, la qualité du travail des étudiants a pu varier.