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La négociation sur la sécurisation de l’emploi débouche sur un accord

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Une complémentaire santé pour tous les salariés, des droits au chômage rechargeables, un compte personnel de formation… mais aussi des accords de maintien dans l’emploi avec baisse de salaire. Le texte mêle de nouveaux droits pour les salariés et une flexibilité accrue du travail.

Les délais étaient courts. Pourtant, après seulement trois mois de négociation (1), les partenaires sociaux sont finalement parvenus, dans la nuit du 11 au 12 janvier, à un projet d’accord national interprofessionnel (ANI) « pour un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l’emploi et des parcours professionnels des salariés ». Un nom barbare pour un texte qui crée, d’un côté, de nouveaux droits en faveur des salariés et, de l’autre, renforce la flexibilité du travail afin de permettre aux entreprises de faire face à la crise. Loin de faire l’unanimité parmi les organisations syndicales – FO et la CGT ont d’ores et déjà annoncé qu’elles ne signeraient pas le texte qu’elles jugent « inacceptable » –, le projet d’accord devrait pourtant être paraphé par une majorité de partenaires sociaux. Alors que seulement trois signatures sur cinq sont nécessaires côté syndical pour lui donner force obligatoire, la direction de la CFE-CGC s’est prononcée le 14 janvier en faveur de l’accord estimant qu’il apporte un « équilibre substantiel » au marché du travail. La CFTC l’a suivie lors de son bureau confédéral du 15 janvier. Et la CFDT, qui s’est dite favorable au texte à l’issue des négociations, devrait l’entériner lors de son prochain bureau. Quant à la partie patronale, le Medef, l’UPA et la CGPME ont tous trois annoncé leur volonté de le signer.

Mais l’ANI du 11 janvier est aussi une victoire pour François Hollande qui attendait de ces négociations un « compromis historique » permettant d’infléchir la courbe du chômage. Une fois signé par les partenaires sociaux, l’accord sera donc retranscrit par le gouvernement dans un projet de loi qui pourrait être présenté en conseil des ministres les 6 ou 13 mars prochain, puis examiné en urgence (une seule lecture par chambre) au Parlement en avril, pour une promulgation fin mai. Le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a d’ores et déjà demandé aux parlementaires de respecter, lors des débats, l’esprit du texte négocié. Tour d’horizon des principales mesures.

Généralisation de la complémentaire santé

Actuellement, la loi n’impose pas aux employeurs de financer, ou de cofinancer, une complémentaire santé pour leurs salariés. L’ANI prévoit, pour y remédier, une généralisation de ces complémentaires au plus tard le 1er janvier 2016. Concrètement, les entreprises qui ne seraient pas couvertes, le 1er juillet 2014, par un accord d’entreprise ou de branche proposant une couverture collective à adhésion obligatoire en matière de remboursements complémentaires de frais de santé devront proposer à tous leurs salariés (par accord collectif ou, à défaut, décision unilatérale de l’employeur) un panier de soins couvrant au minimum « 100 % de la base de remboursement des consultations, actes techniques et pharmacie en ville et à l’hôpital, le forfait journalier hospitalier, 125 % de la base de remboursement des prothèses dentaires et un forfait optique de 100 € par an ». Le financement de cette couverture en frais de santé devrait être partagé par moitié entre salariés et employeurs.

Par ailleurs, le texte prévoit de porter de 9 à 12 mois la durée maximale de la portabilité de la couverture santé et prévoyance pour les demandeurs d’emploi.

Création de droits rechargeables à l’assurance chômage

Autre avancée significative de l’accord du 11 janvier : la création de droits rechargeables à l’assurance chômage. Le dispositif, qui devrait être entériné dans le cadre de la prochaine convention d’assurance chômage – et ne devrait donc pas voir le jour avant janvier 2014 –, permettrait aux salariés qui reprennent un emploi après une période de chômage de conserver le reliquat de tout ou partie de leurs droits aux allocations du régime d’assurance chômage non utilisés, pour les ajouter, en cas de nouvelle perte d’emploi, aux nouveaux droits acquis au titre de la période d’activité ouverte par cette reprise d’emploi.

Surtaxation des CDD

Autre point fort de ces négociations, le texte prévoit une majoration de la cotisation patronale d’assurance chômage pour les contrats à durée déterminée (CDD) d’usage et ceux conclus en cas d’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise. Actuellement fixée à 4% quelle que soit la durée du contrat, la cotisation s’élèverait ainsi au 1er juillet 2013 à :

→ 7 % pour les CDD de moins de un mois ;

→ 5,5 % pour les CDD de un à trois mois ;

→ 4,5 % pour les CDD d’usage de moins de un mois.

A noter : les emplois saisonniers et les CDD de remplacement sont exclus de cette surtaxe.

Les contrats à durée indéterminée conclus avec des jeunes de moins de 26 ans et se poursuivant au-delà de la période d’essai seraient, quant à eux, exonérés de cotisations patronales d’assurance chômage, pendant quatre mois dans les entreprises de moins de 50 salariés et pendant trois mois dans les autres.

Par ailleurs l’ANI prend acte que la branche du travail temporaire souhaite expérimenter un contrat de travail à durée indéterminée au bénéfice des salariés intérimaires.

Amélioration de la formation des salariés et des demandeurs d’emploi

Dès 2013, un compte personnel de formation plafonné à 120 heures pourrait également être instauré. Il devrait être « universel » (toute personne en disposera dès son entrée sur le marché du travail et jusqu’à son départ à la retraite), « individuel » (chacun bénéficiera d’un compte, salarié comme demandeur d’emploi) et « intégralement transférable » (« la personne garde le même compte tout au long de sa vie professionnelle », compte qui « ne peut jamais être diminué du fait d’un changement d’employeur »).

L’accord assouplit en outre les conditions d’accès au congé individuel de formation des salariés de moins de 30 ans en CDD et crée, dans les entreprises d’au moins 300 salariés, un droit à « une période de mobilité sécurisée » permettant de découvrir un emploi dans une autre entreprise.

Par ailleurs, le texte prévoit de verser une prime de 1 000 € aux demandeurs d’emploi bénéficiant d’un contrat de sécurisation professionnelle expérimental (mis en place par l’ANI du 31 mai 2011), au 7e mois d’accompagnement, pour ceux engagés dans une formation qualifiante ou certifiante et dont les droits à l’assurance chômage s’éteignent avant la fin de la formation engagée.

Encadrement du temps partiel

« Au plus tard au 31 décembre 2013 », énonce l’accord, la durée minimale d’activité des salariés à temps partiel sera fixée à 24 heures par semaine, sauf pour les salariés des particuliers employeurs et ceux âgés de moins de 26 ans poursuivant des études. Cette durée pourra être réduite à la demande exprès du salarié qui souhaite cumuler plusieurs emplois pour atteindre au minimum cette durée. Les heures de travail effectuées au-delà de la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévue au contrat devraient être majorées de 10 % jusqu’à ce que leur nombre atteigne le 1/10 de cette durée. Au-delà, la majoration serait portée à 25 %. Des négociations de branches sur les modalités d’exercice du temps partiel sont également prévues dans celles dont au moins un tiers des effectifs sont embauchés à temps partiel.

Logement

Les parties signataires sont également convenues que l’Union des entreprises et des salariés pour le logement affecte annuellement, sur la période 2013-2015, 100 millions d’euros « au financement de résidences collectives temporaires avec services proches de moyens d’accès aux centres-villes », 200 millions « au financement d’une offre de logements meublés en colocation situés en cœur de ville », 100 à 150 millions « à la compensation mise en œuvre dans le cadre de la garantie des risques locatifs ou de tout autre dispositif s’y substituant au bénéfice des salariés » et 120 millions « aux aides financières à la mobilité (Mobili-Pass et Mobili-Jeunes) ». Ces services et aides bénéficieront prioritairement, selon l’accord, aux primo-entrants sur le marché du travail, aux salariés sous contrats courts et aux salariés en mobilité professionnelle.

Bouleversement des règles de licenciement économique

L’ANI du 11 janvier entérine les accords de maintien dans l’emploi. Objectif : éviter tout licenciement pour motif économique lorsque l’entreprise rencontre de « graves difficultés conjoncturelles ». En contrepartie de cette garantie d’emploi, les salariés auxquels elle s’applique acceptent que leur temps de travail ou leurs salaires soient baissés pour une durée limitée, par accord d’entreprise. En cas de refus du salarié, son contrat de travail est rompu à l’initiative de l’employeur pour motif économique. Et l’entreprise s’exonère « de l’ensemble des obligations légales et conventionnelles qui auraient résulté d’un licenciement collectif pour motif économique ».

La réglementation des licenciements économiques collectifs est également bouleversée. Si le seuil de déclenchement du plan de sauvegarde de l’emploi est inchangé (licenciement d’au moins 10 salariés sur une période de 30 jours), la procédure, elle, est modifiée. En outre, l’accord change l’ordre des licenciements pour motif économique. A défaut d’accord de branche ou d’entreprise en disposant autrement, l’employeur pourra ainsi, pour fixer l’ordre des licenciements économiques, privilégier les « compétences professionnelles » aux autres critères légaux (charges familiales, ancienneté…).

Par ailleurs, les partenaires sociaux sont convenus d’engager, « dans les deux semaines suivant la signature [de l’]accord », une négociation sur le recours à l’activité partielle visant à mettre en œuvre un nouveau régime d’activité partielle. Ils ont également souhaité porter de 9 à 12 mois la durée maximale du congé de reclassement « afin d’harmoniser sa durée avec celle des contrats de sécurisation professionnelle ».

Autres mesures

Le texte prévoit un certain nombre de mesures renforçant l’information des salariés sur les perspectives et les choix stratégiques de l’entreprise : « information et consultation anticipée des instances représentatives du personnel », « représentation des salariés dans les organes de gouvernance », « articulation de la négociation sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et du plan de formation », « mobilité interne », « création d’un conseil en évolution professionnelle » externe à l’entreprise…

Enfin, l’accord modifie un certain nombre de règles en matière de contentieux judiciaire portant notamment sur la contestation du licenciement (l’accord fixe les montants de l’indemnité forfaitaire en cas de conciliation) et sur les délais de prescription en cas d’action ayant pour objet une réclamation portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail (24 mois contre actuellement cinq ans).

Notes

(1) Voir ASH n° 2774 du 14-09-12, p. 11 et n° 2778 du 12-10-12, p. 11.

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