Après la FNARS (Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale) (1), c’est au tour du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE) et du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées (HCLPD) d’indiquer au gouvernement, dans des avis adoptés respectivement les 8 et 9 janvier (2), ce qu’ils souhaiteraient voir inscrit dans le futur plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale qui doit être présenté le 21 janvier. Plan dont les grandes lignes ont été dévoilées lors de la Conférence nationale du même nom en décembre dernier (3). Au regard de ses missions, le CNLE demande d’ailleurs au gouvernement à être « étroitement associé au suivi de la mise en œuvre et à l’évaluation du plan […], aux côtés de la personnalité qui en sera chargée ».
De façon générale, le CNLE juge « intéressante » la méthode du gouvernement pour aborder le problème de la pauvreté mais regrette qu’« aucun lien n’[ait] été fait avec le nouvel acte de décentralisation » (4) et que les organisations syndicales n’aient pu participer qu’aux travaux préparatoires de la conférence afférents à l’emploi. Sur ce dernier point, l’instance demande donc que, « à l’avenir, les organisations syndicales soient mieux associées à l’élaboration des politiques de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale » et que les associations de lutte contre la pauvreté ne soient pas exclues des débats sur l’emploi.
Le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale se réjouit des mesures annoncées en matière d’emploi, de travail et de formation professionnelle. Néanmoins, il « attend des développements plus précis et plus ambitieux concernant certains leviers essentiels pour l’insertion et demande que des moyens financiers suffisants soient fléchés pour leur mise en œuvre dans le plan pluriannuel, en particulier pour les mesures concernant : la valorisation de l’insertion par l’activité économique, l’accompagnement des chômeurs par Pôle emploi, l’accès à l’emploi des jeunes et l’optimisation des contrats aidés ». En outre, le conseil souhaite que certaines propositions formulées lors des travaux préparatoires « pour désengorger le marché du travail » ne soient pas éludées, comme le rétablissement de l’allocation équivalent retraite.
Si les propositions en matière de logement et d’hébergement apparaissent « équilibrées » au CNLE, ce dernier se montre toutefois préoccupé par le logement car, « bien que les mesures annoncées soient positives [construction de 150 000 logements sociaux par an (5)], elles ne sont financièrement garanties que pour 2013 et sans visibilité pour la suite. De plus, elles sont conditionnées par la volonté des collectivités territoriales d’exercer leur droit de tirage sur ces financements. » Aussi le conseil attire-t-il l’attention du gouvernement sur le fait que la moitié au moins de ces logements sociaux (75 000) devraient être des logements très sociaux, la prévision actuelle étant de 35 000 logements financés par des PLAI (prêts locatifs aidés d’intégration) par an, « ce qui est insuffisant ». De son côté, le HCLPD demande au gouvernement de s’assurer que « les logements produits [soient] d’un niveau de loyer compatible avec les barèmes des aides au logement » car, selon lui, à l’heure actuelle, « 75 % des logements sociaux livrés ont un loyer supérieur aux plafonds pris en compte pour l’aide personnalisée au logement, ce qui les rend inabordables aux plus modestes ». Un dépassement qui « touche même les logements PLAI », dénonce-t-il.
Par ailleurs, si le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées approuve le recours à la réquisition de logements vacants, il note toutefois que « son impact quantitatif ne sera pas à la hauteur des besoins ». Quant à l’encadrement des loyers (6) et à la garantie des risques locatifs, certes « utiles », ils « ne permettront pas, seuls, de mobiliser une offre abordable aux ménages les plus modestes, en particulier ceux qui relèvent du droit au logement opposable », estime l’instance. Pour y parvenir, il conviendrait notamment, selon elle, de développer une offre attractive de conventionnement permettant d’obtenir des propriétaires volontaires l’engagement de louer à des ménages prioritaires dans les conditions de logement social et de lancer un programme d’acquisition de logements vendus vacants en secteur diffus.
Déplorant le « manque de mobilisation » de certains départements dans la mise en œuvre des droits fondamentaux, le HCLPD insiste plus généralement pour que le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale soit accompagné de « consignes claires aux préfets », telles que prendre en compte le droit au logement opposable (DALO) et le droit à l’hébergement dans la gestion des expulsions locatives (7) ou respecter les délais fixés pour mettre en œuvre les décisions des commissions de médiation « DALO ».
Si la revalorisation annoncée du revenu de solidarité active – de 10 % d’ici à 2017 – est « un pas important », elle reste toutefois « insuffisante » pour le CNLE, qui renouvelle donc sa demande de voir augmenter la prestation de 25 % d’ici à la fin du quinquennat. Pour lui, la lutte contre la « grande » pauvreté doit également passer par une revalorisation de l’aide personnalisée au logement, un point que le gouvernement n’a pas évoqué jusqu’à présent.
Pour le conseil, enfin, les mesures en faveur des familles vulnérables, de l’enfance et de la réussite éducative ne sont « pas à la hauteur des recommandations » qu’il avait avancées, ni de celles du groupe de travail du même nom préparatoire à la conférence de décembre qui plaidait « pour une véritable politique de l’enfance et pour un statut de l’enfant avec des droits propres, indépendants des droits des parents ». Recommandations auxquelles le gouvernement devrait « accorder toute sa vigilance », estime le CNLE, en particulier celles ayant trait à la fragilisation des familles et au placement des enfants.
(1) Voir ASH n° 2791-2792 du 11-01-13, p. 12.
(2) Les avis du CNLE et du HCLPD sont respectivement disponibles sur
(3) Voir ASH n° 2787 du 14-12-13, p. 5 et n° 2789 du 28-12-12, p. 6.
(4) Un projet de loi de décentralisation devrait être présenté en conseil des ministres en mars prochain.
(5) Voir ASH n° 2759 du 11-05-12, p. 5.
(6) Voir ASH n° 2771 du 24-08-12, p. 12.
(7) Le Haut Comité fait ici référence à la circulaire du 26 octobre dernier qui a déjà donné des consignes très claires – Voir ASH n° 2781 du 2-11-12, p. 36.