Les « propos humiliants et injurieux allant jusqu’au déni de paternité » d’un père à l’égard de ses enfants justifient que ceux-ci soient déchargés de l’intégralité de leur obligation alimentaire, a récemment décidé la Cour de cassation. La Haute Juridiction apporte ainsi un nouveau motif de dispense de l’obligation alimentaire en cas de manquement grave du débiteur à ses propres obligations.
Dans cette affaire, un père a demandé à la justice de condamner ses deux fils à lui verser une pension alimentaire de 900 € par mois. Cette demande ayant été rejetée tant par les juges de première instance que par ceux de la cour d’appel, il a porté l’affaire devant la Cour de cassation. Rappelons que, en application de l’article 205 du code civil, les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin. Cette règle connaît des exceptions fondées sur l’article 207 du même code qui prévoit que, lorsque le créancier de l’obligation alimentaire a lui-même manqué gravement à ses obligations envers le débiteur, le juge peut décharger ce dernier de tout ou partie de la dette alimentaire.
Les juges de première instance et d’appel ont considéré que le père avait manqué gravement à ses obligations envers ses fils et déchargé ces derniers de la totalité de leur dette alimentaire. Ils ont relevé un refus psychologique du père d’admettre son divorce avec la mère des enfants et « surtout » le remariage de celle-ci. Pour caractériser la gravité des manquements du père à l’égard de ses fils, ils ont retenu de multiples incidents survenus pendant une période de plus de dix ans après le prononcé du divorce en 1985 : harcèlement, violences verbales et physiques allant jusqu’à des coups de feu sur la résidence de la nouvelle famille. Ainsi ont-ils considéré que « la persévérance de ces attitudes inadaptées sur une très grande amplitude temporelle, au détriment de l’équilibre des enfants, parfaitement légitimes à vouloir trouver au sein de leur famille recomposée un épanouissement serein et harmonieux, de facto entravé par leur père, constitue manifestement un manquement grave justifiant de décharger les débiteurs de leur dette alimentaire ».
La Cour de cassation leur a donné raison et a à nouveau rejeté la demande du père. Toutefois, elle n’a pas retenu l’ensemble des arguments relevés par les juges d’appel pour justifier la gravité de ses manquements. Elle a considéré que les messages téléphoniques réitérés laissés par le père à ses fils, contenant des propos humiliants et injurieux, allant jusqu’au déni de paternité pour l’un d’entre eux, étaient suffisants, donnant ainsi une nouvelle portée à l’article 207 du code civil (1).
(1) Ce sont les juridictions qui évaluent le caractère suffisamment grave des manquements du créancier de l’obligation alimentaire. Ainsi, par exemple, ont été admis le manque d’affection par un tribunal d’instance et l’abandon moral et psychologique par une cour d’appel. De son côté, en 2007, la Cour de cassation a déchargé des parents de leur obligation alimentaire à l’égard de leur enfant en raison de violences répétées de celui-ci envers eux.