William, Jérémy et Jérôme sont jeunes et font la manche. Ils sont de ceux que les passants appellent des « punks à chiens ». Souvent jetés à la rue par leurs parents à l’adolescence, ils ont forgé une relation très forte avec leur ami canin. Pour tout un chacun, ils font partie de cette « meute urbaine » que l’on craint, et la présence de l’animal, souvent gros, y est pour beaucoup. Pourtant, dans le film que consacre Florence Gaillard à ces « couples » homme-chien, Boops, Patate, Patte blanche et Courou semblent être de tendres animaux de compagnie. Et la relation fusionnelle entre le jeune en errance et l’animal saute aux yeux. Le chien est un compagnon, un confident, un protecteur, et même celui qui tient chaud. C’est surtout celui, au final, qui aide à « tenir » – « Ma chienne, je la garde parce que si je suis encore là, c’est grâce à elle, parce qu’il y a eu bien des fois où j’ai eu envie de me foutre en l’air. Mais je la regardais et j’avais trop peur qu’on l’emmène à la fourrière et qu’on lui fasse du mal à elle aussi. Je me disais que j’avais pas le droit de lui faire ça, alors j’ai tenu. » C’est de cette relation que traite le documentaire Les chiens du macadam. A Paris et à Nantes, la réalisatrice a suivi chacun de ces duos hors normes pour raconter leur parcours et la façon dont le chien peut aider à s’en sortir. On découvre que la filiation de l’animal est particulièrement importante, dans la mesure où elle permet à son propriétaire de se situer dans une histoire et une hiérarchie propres au groupe d’appartenance dans lequel il vit. On comprend aussi comment la présence du chien donne des repères temporels au sans-abri : « Quand on est à la rue, une année ressemble à une autre. Mais quand ils ont un animal, ces jeunes peuvent placer des points de biographie personnelle en fonction de ce qui est arrivé à leur animal. Et cela permet même de se projeter », explique un éducateur spécialisé. « Ma chienne Boops est frileuse, confie William, 32 ans. Quand on dormait dehors, elle tremblait. Ça m’a motivé pour trouver un logement. Je dois m’occuper d’elle. C’est elle qui m’a sorti de la rue. » Reste à trouver, ou à inventer, de plus nombreuses structures pour héberger ces jeunes exclus avec leurs chiens.
Les chiens du macadam
Florence Gaillard – 52 min – 19,99 € sur