Il existe une nouvelle figure de la migration féminine, qui n’est plus celle de la migration familiale ou du regroupement familial, mais de femmes venues seules en France, ou s’y étant retrouvées rapidement isolées. Ces migrantes « représentent une grande part des patientes en situation d’errance et sans titre de séjour rencontrées en PMI ou à la maternité », explique Christine Davoudian, médecin de PMI de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), coordinatrice de ce petit ouvrage collectif, dense et bouleversant. Comment ces mères ou futures mères contraintes à une inexistence légale peuvent-elles penser l’avenir et donner des assises sûres à leurs bébés ? Peut-être parce qu’elles se voient offrir divers « espaces géographiques ou psychiques dans lesquels […] se poser, se réancrer, trouver une place et peut-être envisager de faire une place à leur enfant », répond Agnès Delage, sage-femme de PMI. L’unité de psychopathologie périnatale (UPP) de l’hôpital Delafontaine de Saint-Denis est un de ces lieux de réinscription (1). Mais, dans les conditions d’extrême précarité dans lesquelles vivent les intéressées, le lien mère-bébé est souvent très fusionnel, explique Brigitte Andrieux, puéricultrice à l’UPP. Aussi la relation de confiance créée à l’hôpital autour de la naissance doit-elle pouvoir être relayée à la sortie par des professionnels à même de poursuivre l’étayage de ces dyades vulnérables. Cependant, mettre en œuvre d’efficaces réseaux de sollicitude autour des « sans-papières » demande une telle énergie qu’il paraît impossible de le faire à une échelle autre qu’individuelle, regrette Brigitte Andrieux. Or ces situations d’exception sont loin d’être exceptionnelles.
Mères et bébés sans-papiers. Une nouvelle clinique à l’épreuve de l’errance et l’invisibilité ?
Sous la direction de Christine Davoudian – Ed. érès – 13,50 €
(1) Voir ASH n° 2768 du 13-07-12, p. 36.