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Le défenseur des droits s’inquiète du sort des mineurs isolés étrangers

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Il recommande que les tests d’âge osseux ne soient pas les seuls éléments pris en compte pour déterminer leur âge et que l’évaluation de leur degré d’isolement soit menée « de manière bienveillante » par des professionnels ayant suivi une formation spécifique.

Le défenseur des droits tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme à propos du sort réservé aux mineurs isolés étrangers en errance sur le territoire français. Dans une décision du 21 décembre(1), Dominique Baudis affirme être « depuis plusieurs mois particulièrement saisi » de cas de mineurs isolés étrangers ne parvenant pas à être pris en charge et donc à bénéficier d’une mesure de protection. Il formule à cet égard 15 recommandations à la garde des Sceaux, pour rappeler que « l’intérêt supérieur de l’enfant doit primer » sur les enjeux relatifs à la politique de maîtrise des flux migratoires. « Un mineur isolé étranger est avant toute chose un mineur en danger, accessoirement de nationalité étrangère », insiste-t-il ainsi en préambule. Plusieurs de ses recommandations portent sur le premier accueil de ces jeunes ainsi que sur leur accès au dispositif de protection de l’enfance.

Une évaluation complète avant toute intervention policière

Le défenseur a relevé que, dans plusieurs départements, les mineurs isolés étrangers étaient présentés aux services de police avant toute évaluation socio-éducative. Il recommande par conséquent qu’une évaluation complète de la situation de ces jeunes par les services socio-éducatifs puisse intervenir avant toute convocation, audition ou présentation systématique à la police de l’air et des frontières en vue de vérifier leur identité et leur minorité. En effet, explique?Dominique Baudis, la pratique contraire laisse préjuger une fraude et fait peser sur ces mineurs une suspicion préjudiciable à leurs démarches futures. « Un entretien avec les forces de police peut se révéler particulièrement déstabilisant pour des jeunes gens ayant vécu des traumatismes dans leur pays d’origine, traumatismes parfois commis par les forces de sécurité », souligne-t-il.

La détermination de l’âge

Dominique Baudis déplore aussi que, dans la plupart des situations dont il a été saisi, les mineurs isolés étrangers voient leur identité, leur âge, leur histoire et leur parcours remis en cause sinon déniés par leurs interlocuteurs. La détermination de l’âge, en particulier, pose souvent problème. Ainsi, « de nombreux mineurs isolés étrangers se voient déclarer majeurs, alors même qu’ils sont en possession de documents d’état civil attestant de leur minorité ». Le défenseur recommande à cet égard que l’appréciation de l’authenticité des documents d’état civil dont peut être détenteur un mineur isolé soit établie conformément aux prescriptions de l’article 47 du code civil, qui instaure une présomption de régularité formelle de l’acte d’état civil établi à l’étranger dans les formes usitées du pays concerné et encadre strictement l’éventuelle contestation de l’authenticité du document.

Dominique Baudis évoque également les tests d’âge osseux. Compte tenu de leur « fiabilité déficiente eu égard à d’importantes marges d’erreur », il recommande que ces tests ne puissent, à eux seuls, servir de fondement à la détermination de l’âge du mineur. « Les résultats de tels examens ne doivent constituer qu’un élément d’appréciation parmi d’autres à la disposition du juge des enfants. » A défaut, le défenseur estime qu’une disposition légale « prévoyant que le doute doit systématiquement profiter au jeune et emporter la présomption de sa minorité » devrait être adoptée.

La détermination du degré d’isolement

L’évaluation d’un mineur isolé ne se résume pas à présumer sa majorité ou sa minorité. Elle doit conduire aussi à déterminer le degré d’isolement du jeune ainsi que les éléments spécifiques de vulnérabilité qui appellent une protection particulière, indique Dominique Baudis. Dans cet objectif, le défenseur des droits recommande que ce processus d’évaluation soit « mené de manière bienveillante par des professionnels qualifiés, assistants de service social ou éducateurs spécialisés ayant reçu une formation complémentaire à la problématique des mineurs isolés étrangers et maîtrisant les techniques d’entretien adaptées à l’âge, au sexe de l’enfant », en présence d’un interprète « dès que cela s’avère nécessaire ».

En tout état de cause, une contestation sur la minorité ou sur la situation d’isolement de l’enfant devrait pouvoir donner lieu à une audience devant le juge des enfants, estime encore Dominique Baudis, afin que ce magistrat statue rapidement sur le besoin de protection et ordonne les mesures nécessaires qui en découlent. Pour le défenseur des droits, « l’absence de décision du juge des enfants ne permet pas à ces jeunes de faire appel et contrevient donc aux droits de la défense ».

Enfin, Dominique Baudis évoque les disparités importantes qui existent entre les départements. « Certains sont extrêmement sollicités par la prise en charge des mineurs isolés quand d’autres pourtant frontaliers ne le sont pas du tout. » Face à ce phénomène, il reprend deux des propositions faites par Isabelle Debré en mai 2010 dans son rapport sur les mineurs isolés étrangers (2) : la création, au sein du Fonds national de protection de l’enfance, d’un fonds d’intervention destiné aux départements particulièrement confrontés à l’accueil de cette population, et la mise en place de plateformes territoriales pour coordonner les actions de mise à l’abri, d’évaluation et d’orientation en amont de la prise en charge au titre de la protection de l’enfance.

Notes

(1) Décision n°MDE-2012-179 du 21 décembre 2012.

(2) Voir ASH n° 2659 du 14-05-10, p. 5.

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