Recevoir la newsletter

Les professionnels veulent une réforme pour sauver la spécialisation de la justice des mineurs

Article réservé aux abonnés

La garde des Sceaux a plusieurs fois affirmé vouloir défendre les principes de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à la justice des mineurs, et les professionnels entendent bien le lui rappeler. D’autant qu’en janvier 2013 le délai octroyé par le Conseil constitutionnel pour appliquer une décision qui pourrait mettre à mal ses fondements aura expiré. Le 8 juillet 2011, l’instance a, au nom du principe d’impartialité des juridictions, ordonné à la France de mettre fin à la possibilité, pour le juge des enfants qui a suivi un mineur pendant la phase d’instruction, de présider le tribunal pour enfants vers lequel il le renvoie à des fins de jugement (1).

Continuité éducative

Dès cette décision inattendue, dans un contexte de durcissement des réponses à la délinquance juvénile, les organisations professionnelles avaient dénoncé la remise en cause de la continuité et de l’individualisation de la réponse pénale permise par la notion de « juge référent » (2). « Le précédent gouvernement ayant expédié les questions posées en faisant voter à la va-vite la “mutualisation” des tribunaux pour enfants d’une cour d’appel, aucune réflexion n’a été engagée sur la manière dont la décision du Conseil constitutionnel pouvait être mise en œuvre tout en préservant lorsque c’est possible la continuité éducative si nécessaire à des adolescents destructurés, ainsi que le permet la jurisprudence européenne », écrivaient, dans un courrier du 19 décembre à Christiane Taubira, le Syndicat de la magistrature, le Syndicat des avocats de France, la CGT-PJJ et le Syndicat national des personnels de l’éducation et du social (SNPES)-PJJ-FSU.

Si la question de la neutralité du magistrat spécialisé peut dans certains cas se poser, la Cour européenne des droits de l’Homme a reconnu que la justice des mineurs « doit nécessairement présenter des particularités par rapport au système de la justice pénale applicable aux adultes ». Sans considérer tous les enjeux de la réforme demandée par le Conseil constitutionnel, la loi « Ciotti » du 26 décembre 2011 (2) s’est limitée à prévoir que la présidence du tribunal pour enfants puisse être assurée par un juge des enfants d’un autre tribunal du ressort de la cour d’appel. Les magistrats s’étaient alors insurgés contre un « expédient » qui néglige la question du temps et des moyens dont disposent les magistrats.

Généraliser les « binômes » ?

De surcroît, explique le Syndicat de la magistrature, « la volonté de renforcer la répression de la délinquance des mineurs à l’œuvre depuis une quinzaine d’années, la multiplication des déferrements et l’institution de permanences pénales dans les grands tribunaux ont déjà considérablement entamé la logique de continuité du suivi judiciaire. Au hasard des permanences et des affaires qui regroupent des mineurs relevant de plusieurs cabinets, il arrive régulièrement aujourd’hui qu’un mineur ne soit pas jugé par “son” juge, voire pour la petite poignée de jeunes multiréitérants qu’on ne sache plus très bien quel est le juge référent. »

Les organisations professionnelles appellent donc la garde des Sceaux à examiner leurs propositions. L’Association française des magistrats de la jeunesse (AFMJF) préconise de préserver la continuité éducative en généralisant les « binômes » habitués à se concerter au sein d’une équipe stabilisée. Le Syndicat de la magistrature propose que le parquet ait le choix entre deux voies. « Si la culpabilité n’est pas discutée, une première audience de déclaration de culpabilité pourrait intervenir immédiatement devant le juge référent afin de statuer sur les intérêts civils et les éventuelles mesures éducatives provisoires, la mesure éducative ou la peine étant prononcée lors d’une audience ultérieure. » Ou bien, si le dossier nécessite des investigations sur les faits, la saisine d’un autre juge des enfants ou d’un juge d’instruction spécialisé. A l’issue de l’instruction, le mineur serait jugé par son juge référent. Cette solution pourrait aussi être utilisée en cas de dégradation de la relation entre le juge et le mineur ou sa famille.

De telles dispositions nécessiteraient une réforme législative, soulignent les syndicats, qui s’inquiètent qu’« aucun calendrier n’ait été annoncé et aucune concertation engagée » sur la restauration annoncée des principes fondateurs de l’ordonnance de 1945, « profondément mis à mal par les réformes législatives de ces dernières années et la restructuration à marche forcée de la protection judiciaire de la jeunesse [PJJ] ». Toutes les procédures de jugement accéléré et les dispositions ayant un caractère d’automaticité, la fin du recentrage de la PJJ sur le pénal et le manque de moyens dont disposent les éducateurs (notamment en termes de réponse en hébergement éducatif) sont des questions qu’ils souhaitent rapidement voir à l’agenda politique.

Notes

(1) Voir ASH n° 2718 du 15-07-11, p. 5

(2) Voir ASH n° 2738 du 23-12-11, p. 19.

Côté terrain

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur