Auditionnée par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale le 18 décembre, Marie-Arlette Carlotti est revenue plus en détail sur quelques-unes des annonces faites par le Premier ministre lors de la conférence nationale de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale du 11 décembre dernier (1). Des annonces qui, pour mémoire, seront traduites dans un plan du même nom, qui doit être adopté lors d’un comité interministériel de lutte contre l’exclusion le 21 janvier 2013.
Pour la ministre déléguée chargée de la lutte contre l’exclusion, le revenu de solidarité active (RSA) « jeunes » est un « échec » – moins de 9 000 bénéficiaires – du fait de ses modalités d’accès contraignantes. C’est pourquoi le gouvernement a décidé de créer une « garantie jeunes ». Rappelons que celle-ci devrait consister en la signature d’un contrat de un an renouvelable entre le jeune âgé de 18 à 25 ans et le service public de l’emploi, contrat par lequel ce dernier devra établir avec le jeune un projet d’insertion et lui proposer une formation ou un emploi. Durant ses périodes d’inactivité, l’intéressé percevra une allocation d’un montant égal au RSA. Dans tous les cas, ce contrat comportera une « clause de non-abandon », a assuré Marie-Arlette Carlotti, « c’est-à-dire qu’on ne laissera pas tomber le jeune tant qu’il n’a rien ». « Bien sûr », a-t-elle souligné, il faudra « harmoniser [ce nouveau dispositif] avec le contrat d’insertion dans la vie sociale, le service civique et le RSA “jeunes” ».
Par ailleurs, la ministre déléguée a indiqué qu’elle allait se battre pour que l’aide personnalisée de retour à l’emploi, qu’elle juge « utile », soit « renforcée » (2). Attribuée aux titulaires du RSA soumis à l’obligation de recherche d’emploi, cette aide permet la prise en charge de tout ou partie des coûts auxquels ils doivent faire face lorsqu’ils entament ou reprennent une activité ou une formation professionnelle (titre de transport, vêtements adaptés à l’emploi, frais de garde des enfants…).
Autre objectif du gouvernement : renforcer le financement de l’insertion par l’activité économique (IAE). Une nécessité, selon lui, car « certaines structures IAE ont dix sources de financement différentes ». Début 2013, l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) sera chargée de plancher sur ce sujet.
Marie-Arlette Carlotti a rappelé que le gouvernement allait engager un « travail de révision de l’architecture des prestations familiales », « sans la casser » mais pour la « réorienter vers les familles modestes, c’est-à-dire les familles monoparentales et nombreuses ». Un travail qui a été confié au président du Haut Conseil de la famille, Bertrand Fragonard, l’allocation de soutien familial et le complément étant particulièrement ciblés.
D’autres mesures doivent être discutées, en particulier avec les collectivités territoriales, a précisé la ministre déléguée, comme par exemple l’accès aux cantines scolaires pour les enfants dont les parents ont des revenus modestes. En effet, a-t-elle déploré, « certaines communes exigent que les deux parents de l’enfant travaillent pour donner accès à la cantine ».
S’agissant du non-recours aux prestations sociales, notamment à celles versées par les caisses d’allocations familiales (CAF), « il faut faciliter l’accès, mettre plus de transparence », a insisté Marie-Arlette Carlotti. « En particulier, la complexité des règles d’attribution des aidées versées par les CAF, le principe de fongibilité pour la récupération des indus [3] associés au manque d’information des allocataires sont autant de facteurs d’insécurité et de fragilisation des personnes à faibles revenus. » « Il faut y travailler d’autant plus que les flux d’indus et de rappels sont considérables et en progrès », a affirmé la ministre déléguée. Elle a, sur ce point, récemment confié à l’IGAS une étude dont les conclusions devraient lui parvenir « à la fin du premier semestre 2013 ».
Pour pallier les inégalités de santé, le gouvernement a non seulement l’intention de relever de 7 % en 2013 le plafonds de ressources à ne pas dépasser pour l’octroi de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) mais aussi, a précisé la ministre déléguée, d’améliorer son panier de soins s’agissant des soins dentaires et de l’optique. En outre, pour régler le problème du non-recours à une couverture complémentaire santé, elle a proposé qu’une convention soit signée entre la caisse nationale d’assurance maladie et l’Unccas (Union nationale des centres communaux d’action sociale) « afin que les centres communaux d’action sociale puisse pré-instruire les dossiers » de demande. Enfin, Marie-Arlette Carlotti a annoncé la création de dix permanences d’accès aux soins de santé (4).
En matière de lutte contre le surendettement, la ministre déléguée a rappelé que des mesures seraient prises afin de plafonner, pour les populations fragiles, les commissions d’intervention des banques et d’abaisser le plafond sur les frais incidents. Des mesures ont d’ores et déjà été introduites dans le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires présenté le 19 décembre en conseil des ministres. Y figurent également des dispositions renforçant le droit au compte, améliorant l’accès aux services bancaires et la procédure de surendettement (voir ce numéro, page 5). Au-delà, Marie-Arlette Carlotti souhaite que la taille des familles soit prise en compte pour déterminer la quotité des sommes insaisissables, actuellement égale au montant du RSA « socle » pour une personne seule, quelle que soit la composition du ménage. Elle a aussi proposé de « réfléchir à la création d’un sous-compte bancaire » pour chaque individu où pourraient être transférées les sommes insaisissables pour « mieux les protéger ». Une idée « énormément soutenue par les associations », selon la ministre déléguée, mais « très compliquée techniquement » à mettre en œuvre au dire des banques.
La ministre déléguée a rappelé que le gouvernement allait, par décret, ouvrir le droit aux tarifs sociaux de gaz et d’électricité aux personnes dont les ressources n’excèdent pas le plafonds de ressources pour l’octroi de l’aide à l’acquisition d’une couverture complémentaire santé (ACS) – et non plus celui de la CMU-C. Par voie de conséquence, a-t-elle précisé, cela va permettre aux personnes percevant l’allocation aux adultes handicapés et l’allocation de solidarité aux personnes âgées d’en bénéficier également.
Marie-Arlette Carlotti a par ailleurs insisté sur la simplification de la procédure de domiciliation pour les personnes sans domicile stable régie par la loi « DALO » du 5 mars 2007 (5). En outre, a-t-elle rappelé, les règles actuelles ne profitent pas aux demandeurs d’asile et aux bénéficiaires de l’aide médicale de l’Etat, une situation à laquelle « il faut remédier car c’est par la domiciliation que passe l’accès aux droits ».
(3) Afin de faciliter le recouvrement des indus, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a prévu que les indus de prestations familiales, d’allocation de logement sociale, d’aide personnalisée au logement, d’allocation aux adultes handicapés et de RSA peuvent être récupérés sur les échéances à venir de l’une ou l’autre de ces prestations.
(4) Ces permanences sont des cellules de prise en charge médico-sociale qui facilitent l’accès des personnes démunies non seulement au système hospitalier mais aussi aux réseaux institutionnels ou associatifs de soins, d’accueil et d’accompagnement social.