Au-delà du relèvement de l’âge légal de départ à la retraite et d’obtention d’une pension de vieillesse à taux plein (1), la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites a également eu un impact sur les dispositifs de retraite anticipée. Elle a en effet étendu aux travailleurs handicapés le dispositif de retraite anticipée applicable jusqu’alors aux assurés handicapés.
Le texte a aussi créé un nouveau dispositif de retraite anticipée qui permet aux assurés de partir dès l’âge de 60 ans au titre de la pénibilité, tout en bénéficiant d’une pension de vieillesse à taux plein. Pour ce faire, ils doivent présenter un taux d’incapacité permanente d’au moins 20 % reconnu au titre d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail, ou compris entre 10 et 20 %.
La loi du 9 novembre 2010 a, par ailleurs, porté à 18 ans l’âge de début d’activité requis pour bénéficier du dispositif de retraite anticipée pour « carrières longues ». Mais, conformément aux engagements pris par François Hollande lors de sa campagne présidentielle, cet âge a ensuite été repoussé à 20 ans par un décret paru l’été dernier. Depuis le 1er novembre, les assurés peuvent donc, sous certaines conditions, partir à la retraite avant l’âge légal s’ils ont commencé à travailler avant 18, 19 ou 20 ans et justifient de la durée d’assurance cotisée requise pour leur génération. Pour la ministre des Affaires sociales, Marisol Touraine, c’est une « mesure de justice sociale », qui entend « corriger » les conditions « très restrictives » du dispositif de retraite anticipée pour « carrières longues ». Lors d’une visite à la caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) le 31 octobre dernier, Marisol Touraine a indiqué que près de 28 000 personnes ont déjà reçu une réponse positive à leur demande de départ anticipé et que 110 000 autres devraient pouvoir prendre leur retraite l’année prochaine. La majeure partie des assurés partira entre novembre et février 2013, selon la caisse, qui a d’ailleurs précisé que, pour le seul régime général, 18 000 d’entre eux partiraient d’ici à la fin de l’année. Tous régimes confondus, le nouveau dispositif devrait engendrer un coût de 1,1 milliard d’euros en 2013 et de 3 milliards en 2017.
Les assurés dont la qualité de travailleur handicapé est reconnue peuvent désormais bénéficier du dispositif de retraite anticipée prévu en faveur des assurés handicapés (code de la sécurité sociale [CSS], art. L. 351-1-3, al. 1 et D. 351-1-5, al. 2 modifiés).
En pratique, la loi du 9 novembre 2010 et son décret d’application du 30 décembre 2010 n’ayant pas fixé de date d’entrée en vigueur de cette mesure, la CNAV considère qu’elle est « applicable aux assurés dont l’intervention en vue de connaître leurs droits à retraite anticipée se situe à compter du 11 novembre 2010 » (2). La date d’effet de la retraite anticipée peut donc être fixée au plus tôt le 1er décembre 2010. La caisse indique en outre que les assurés dont la demande de retraite anticipée a, avant la loi, fait l’objet d’un rejet au motif que la qualité de travailleur handicapé n’était alors pas prise en compte, peuvent déposer une nouvelle demande de pension dont la date d’effet sera fixée en fonction de la date de réception de cette demande (circulaire du 7 mars 2011).
Outre la condition de handicap, les assurés ayant la qualité de travailleur handicapé doivent remplir les mêmes conditions que celles requises des assurés handicapés pour pouvoir partir à la retraite de façon anticipée (âge, durée d’assurance, effets de l’anticipation…). Il appartient au dernier régime de retraite d’affiliation de s’en assurer (3).
Peuvent bénéficier du dispositif de retraite anticipée les assurés reconnus travailleurs handicapés, c’est-à-dire ceux dont les possibilités d’obtenir ou de conserver un emploi sont effectivement réduites par suite de l’altération d’une ou de plusieurs fonctions physique, sensorielle, mentale ou psychique (code du travail, art. L. 5213-1). « La qualité de travailleur handicapé n’est pas exprimée en pourcentage de handicap. Elle est liée à la gravité du handicap vis-à-vis de l’emploi », souligne la CNAV. Ajoutant que « la possession de cette qualité permet l’accession à un ensemble de mesures mises en place pour favoriser l’insertion professionnelle des personnes handicapées, comme, en particulier, l’orientation vers des établissements ou organismes spécialisés, ou l’aménagement des postes de travail » (circulaire du 7 mars 2011).
La reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé incombe à la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) (4) de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH). En tout état de cause, précise la CNAV, l’appréciation de la qualité de travailleur handicapé est fondée sur (circulaire du 7 mars 2011) :
→ l’existence d’une altération d’une ou de plusieurs fonctions physiques et mentales et, depuis 2006, sensorielles ou psychiques (en application de la loi « handicap » de 2005) ;
→ les répercussions éventuelles de cette altération sur les capacités de la personne à obtenir ou à conserver son emploi. « Cette appréciation doit alors prendre en compte non seulement les données médicales, mais aussi les possibilités d’emploi de la personne handicapée, si celle-ci est un demandeur d’emploi, et la nature du poste de travail, s’il s’agit d’un salarié. »
En outre, rappelle la CNAV, jusqu’à la loi « handicap » du 11 février 2005, les assurés dont la qualité de travailleur handicapé était reconnue étaient classés en trois catégories : A (handicap léger ou temporaire), B (handicap modéré et durable) et C (handicap grave et définitif). Classification supprimée depuis le 1er janvier 2006 par la loi de 2005 et un décret d’application du 19 décembre 2005 (5). Notant que la réforme des retraites de 2010 vise les travailleurs handicapés définis strictement à l’article L. 5213-1 du code du travail, indépendamment de toute référence à l’ancienne classification, la caisse considère que « le droit à la retraite anticipée des personnes handicapées est désormais ouvert au profit de l’ensemble des travailleurs handicapés, quelles que soient la date à laquelle ils ont été reconnus comme tels et la catégorie dans laquelle ils avaient été classés » (circulaire du 23 août 2011).
Signalons que le renouvellement de la qualité de travailleur handicapé n’est pas automatique. Il n’intervient qu’à la demande de la personne handicapée, à la date d’échéance de l’attestation de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, rappelle la CNAV. A noter également : la procédure de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé est engagée systématiquement lors de l’instruction de toute demande d’attribution ou de renouvellement de l’allocation aux adultes handicapés (circulaire du 7 mars 2011).
Selon la CNAV, certains assurés atteints d’un handicap se sont vu refuser, pour différentes périodes, la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé par la Cotorep ou la MDPH. Toutefois, les attestations délivrées par ces organismes font souvent état, pour lesdites périodes, de placement ou d’orientation professionnelle en établissement de travail spécialisé. La question est de savoir si ces personnes peuvent être, en conséquence, assimilées à des travailleurs handicapés.
La CNAV rappelle que, selon l’article L. 5213-2 du code du travail, l’orientation vers un établissement ou un service par le travail (ESAT), vers le marché du travail ou vers un centre de rééducation professionnelle vaut reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé. Toutefois, indique la caisse, il convient de tenir compte de la distinction introduite par la loi « handicap » de 2005 entre (lettre du 6 septembre 2012) :
→ les ESAT, qui ont notamment remplacé les centres d’aide par le travail (CAT) ;
→ et les entreprises adaptées (entreprises d’utilité sociale) – ex-ateliers protégés – et les centres de distribution de travail à domicile (CTCD).
Les entreprises adaptées et les CTCD ayant basculé dans le milieu ordinaire du travail, seuls les ESAT relèvent désormais du milieu du travail protégé, indique la CNAV, raison pour laquelle les personnes qui y exercent leur activité sont les seules à pouvoir être assimilées à des travailleurs handicapés. Dès lors, poursuit-elle, « toute période postérieure à l’entrée en vigueur de la loi du 11 février 2005 pour laquelle, à défaut de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, une orientation ou un placement en ESAT est mentionné sur l’attestation délivrée par la MDPH, doit être prise en compte pour l’ouverture du droit à la retraite anticipée des assurés handicapés ». Avant cette loi, « l’ensemble des structures ayant vocation à accueillir les travailleurs handicapés ne pouvant avoir accès à un emploi en milieu ordinaire du travail relevait du secteur protégé d’aide par le travail ». C’est pourquoi la CNAV indique que peuvent être assimilées à des travailleurs handicapés les personnes non reconnues comme tels « mais faisant l’objet d’un signalement de placement ou d’orientation dans un établissement d’aide par le travail, quelles qu’en soient la nature et la dénomination (ESAT, CAT…), sur l’attestation délivrée par l’organisme compétent (en particulier la Cotorep ou la MDPH) » (lettre du 6 septembre 2012).
Selon l’article D. 351-1-5 du code de la sécurité sociale, les travailleurs handicapés peuvent bénéficier du dispositif de retraite anticipée à partir de 55 ans et jusqu’à l’âge légal de départ à la retraite qui, depuis le 1er juillet 2011, progresse de 4 mois par an et par génération, pour atteindre 62 ans en 2017 (6).
Les assurés dont la qualité de travailleur handicapé a été reconnue doivent avoir accompli dans le régime général et, le cas échéant, dans un ou plusieurs autres régimes de retraite de base obligatoires, une durée totale d’assurance ou de périodes reconnues équivalentes et une durée d’assurance ayant donné lieu à cotisations à leur charge (CSS, art. D. 351-1-5). Durées d’assurance déterminées à partir de la durée d’assurance requise pour obtenir une pension à taux plein et qui varient en fonction de l’âge de départ et de l’année de naissance, conformément au tableau ci-dessous :
(A noter) S’agissant des générations nées à compter de 1955, la loi du 9 novembre 2010 prévoit que la durée d’assurance requise pour le taux plein – à partir de laquelle est déterminée la durée totale d’assurance et la durée d’assurance cotisée – est fixée par décret publié l’année de leur 56e anniversaire. Pour les assurés dont la durée d’assurance générationnelle n’est pas encore déterminée, il convient d’appliquer, dans l’attente, la dernière durée d’assurance connue. En vertu de ce principe, il convient donc de retenir la durée d’assurance applicable aux assurés nés en 1955 pour ceux nés à compter de 1956 (circulaire CNAV du 2 février 2012).
Les assurés doivent aussi avoir possédé la qualité de travailleur handicapé durant l’intégralité des durées d’assurance requises. Pour cela, les assurés peuvent se prévaloir non seulement des périodes accomplies en qualité de travailleur handicapé au sens du code du travail mais aussi de celles effectuées en tant que personne handicapée atteinte d’une incapacité permanente de 80 % ou de niveau comparable, sous réserve qu’ils aient sollicité, au moment de la reconnaissance de leur taux d’incapacité, la qualité de travailleur handicapé (circulaire du 7 mars 2011).
Pour la mise en œuvre de la concomitance entre durées d’assurance et handicap, il convient (circulaire CNAV du 23 août 2011) :
→ soit de retenir de date à date la période de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé si elle est exprimée comme sur l’attestation de reconnaissance ;
→ soit de convertir en période de date à date la période exprimée en durée (exemple : attestation de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé pour une durée de 5 ans, établie le 14 septembre 2010 = période du 14 septembre 2010 au 14 septembre 2015).
L’assuré qui souhaite partir à la retraite de façon anticipée doit fournir à sa caisse de retraite l’attestation de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, délivrée par la MDPH au sein de laquelle siège la CDAPH – ou la Cotorep avant 2006. Ce document doit mentionner la période au titre de laquelle est reconnue la qualité de travailleur handicapé, période qui va de 1 à 5 ans selon la situation des usagers. Au-delà de cette attestation, indique la CNAV, peuvent être aussi produites les pièces suivantes (circulaire du 7 mars 2011) :
→ l’attestation récapitulative des prestations et orientations accordées à la personne handicapée, dès lors que la qualité de travailleur handicapé est mentionnée à ce titre (avec indication de la période concernée) ;
→ la notification de décision d’insertion professionnelle faisant état de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (avec indication de la période concernée).
Si les assurés ne sont plus en possession de l’un ou l’autre de ces documents, il leur appartient de contacter la MDPH concernée afin d’en obtenir un duplicata.
Quelle que soit leur durée d’assurance, les travailleurs handicapés obtenant une retraite anticipée bénéficient d’une pension de vieillesse au taux plein de 50 %. S’ils ne justifient pas de la durée maximum d’assurance pour avoir une pension entière, ils bénéficient d’une majoration de leur pension afin de pallier les effets de la proratisation, indique la CNAV. Cette majoration est déterminée par application d’un coefficient égal au tiers de la durée d’assurance cotisée au régime général en étant handicapé par rapport à la durée totale d’assurance dans ce régime en étant ou non handicapé.
Signalons enfin que la pension de vieillesse attribuée à l’âge légal de départ peut, elle aussi, être majorée si l’assuré qui en est titulaire remplissait, avant cet âge, les conditions pour ouvrir droit à la retraite anticipée. Le montant de la pension est alors porté à celui de la retraite anticipée majorée qui aurait été servie à l’assuré avant l’âge légal s’il en avait fait la demande, dès lors que ce dernier montant est supérieur au premier, précise la CNAV (circulaire du 7 mars 2011).
À SUIVRE…
Travailleurs handicapés. Les assurés dont la qualité de travailleur handicapé a été reconnue peuvent partir en retraite à partir de 55 ans tout en bénéficiant d’une pension de vieillesse à taux plein.
A quelles conditions ? Ils doivent justifier d’une durée d’assurance totale et d’une durée d’assurance cotisée qui varient selon leur année de naissance et de l’âge auquel ils prennent leur retraite. Ils doivent en outre avoir possédé la qualité de travailleur handicapé durant l’intégralité des durées d’assurance requises.
Quelles démarches ? Ils doivent fournir à leur caisse de retraite leur attestation de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé délivrée par la MDPH, leur attestation récapitulative des prestations et des orientations qui leur ont été accordées ou de la notification de décision d’insertion professionnelle.
Dans ce numéro
I. La retraite anticipée des travailleurs handicapés
A. Les critères de départ
B. La procédure à suivre
C. Le montant de la pension
Dans un prochain numéro
II. La retraite anticipée au titre de la pénibilité
III. La retraite anticipée pour « carrières longues »
Retraite des travailleurs handicapés
Loi n° 2010-1330 et décision du Conseil constitutionnel n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010, J.O. du 10-11-10.
Décret n° 2010-1734 du 30 décembre 2010, J.O. du 31-12-10.
Circulaires CNAV n° 2011-21 du 7 mars 2011, n° 2011-63 du 23 août 2011 et n° 2012-13 du 2 février 2012, disponibles sur
Lettre CNAV du 6 septembre 2012, disponible sur
Retraite pour pénibilité
Loi n° 2010-1330 et décision du Conseil constitutionnel n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010, J.O. du 10-11-10.
Décrets n° 2011-352, n° 2011-353 et n° 2011-354 du 30 mars 2011, J.O. du 31-03-11.
Arrêté du 30 mars 2011, NOR : ETSS1107970A, J.O. du 31-03-11.
Circulaire n° DSS/SD2/2011/151 du 18 avril 2011, disponible sur
Circulaire CNAV n° 2012-63 du 13 septembre 2012, disponible sur
Retraite pour « carrières longues »
Loi n° 2010-1330 et décision du Conseil constitutionnel n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010, J.O. du 10-11-10.
Décret n° 2012-847 du 2 juillet 2012, J.O. du 3-07-12.
Décret n° 2010-1734 du 30 décembre 2010, J.O. du 31-12-10.
Circulaire CNAV n° 2012-60 du 4 septembre 2012, disponible sur
(2) C’est-à-dire le lendemain du jour de la publication de la loi au Journal officiel.
(3) La CNAV souligne que, si le dernier régime d’affiliation n’est pas le régime général et qu’il a reconnu le droit à l’anticipation, cette décision s’impose au régime général (circulaire du 7 mars 2011).
(4) Avant la loi « handicap » du 11 février 2005, qui a institué cette commission, c’était la Cotorep qui procédait à cette reconnaissance.
(5) Décret n° 2005-1589 du 19 décembre 2005, J.O. du 20-12-05.