Recevoir la newsletter

Les centres sociaux vent debout contre le « français langue d’intégration »

Article réservé aux abonnés

Le concept de formation « français langue d’intégration », issu des dispositions de la loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, va-t-il s’imposer aux associations ? C’est en tout cas la crainte de la Fédération des centres sociaux et socioculturels de Paris, rejointe par la fédération nationale et plusieurs autres organisations.

Depuis plusieurs mois, les acteurs issus d’associations de proximité se mobilisent contre « une nouvelle approche de la formation linguistique des migrants », en contradiction avec leurs valeurs et leurs pratiques pédagogiques. En cause : deux décrets du 11 octobre 2011, l’un relatif au niveau de connaissance de la langue française exigé des postulants à la nationalité française, et l’autre à la création d’un label de qualité « français langue d’intégration » dont les organismes de formation doivent se prévaloir pour délivrer les attestations (1). Le texte qui prévoit l’agrément des associations selon les critères du référentiel utilisé pour ce label n’a pas encore été publié.

C’est pourquoi les organisations montent au créneau pour tenter d’y faire barrage. « Tout le travail social avec les migrants passe par un travail préalable sur la langue. Historiquement, les centres sociaux ont toujours développé des activités dans ce sens, sans réduire la question de l’intégration, du vivre ensemble à l’apprentissage linguistique, explique Patrick Isabel, délégué de la Fédération des centres sociaux et socioculturels de Paris. Les associations concourent à répondre à la demande des migrants, car l’Etat ne pourvoit pas à toutes les demandes, avec des pratiques didactiques qui s’appuient sur leur réalité, celle des territoires et des conditions d’accueil. Or le ministère de l’Intérieur a installé un cadre réducteur et normatif qui entre en opposition avec la notion de projet associatif et la démarche de territoire. »

Manque de concertation

L’objectif des centres sociaux, qui dénoncent le manque de concertation sur les textes réglementaires, est donc de défendre une approche globale et diversifiée visant l’autonomie des personnes, dans un souci de proximité et de participation des habitants, fidèle au concept de l’éducation populaire. Sur le plan idéologique, est aussi contestée, dans le référentiel, la confusion entre le « droit à la langue » et le « devoir de respect des principes fondateurs de la République française, piliers d’un “vivre ensemble à la française”, que les Français ont l’ambition de considérer comme universels ». Ce qui, critiquent les centres sociaux, induit un jugement de valeur entre civilisations.

Dans un courrier adressé le 9 novembre aux ministres de l’Intérieur, du Travail et de la Formation professionnelle, de la Culture, de l’Enseignement supérieur et au ministre délégué chargé de la Ville, la Fédération des centres sociaux et socioculturels de Paris, ainsi que sept organisations cosignataires (2), demandent une concertation avec les pouvoirs publics. Outre des exigences en terme de contenu et de procédures – inadaptées à la spécificité de leurs actions –, elles craignent que l’agrément devienne une condition d’accès aux financements publics. « Aujourd’hui, les ateliers sociolinguistiques sont essentiellement financés par la politique de la Ville, explique Patrick Isabel. L’agrément, tel qu’il est défini, verrait la disparition de nombreuses associations indispensables dans les quartiers. »

« Des bases partagées »

Les signataires demandent aux ministères d’engager un dialogue permettant de « définir les bases partagées d’une intervention sur le champ des formations linguistiques qui reconnaissent les spécificités [des] associations tout en les consolidant ». Ils suggèrent de s’inspirer de la charte de l’accompagnement à la scolarité signée en 2001 par plusieurs ministères. Un tel document viendrait, à leurs yeux, « reconnaître et positionner l’action et le rôle des associations dans la formation, l’accompagnement, l’intégration des migrants comme citoyens et sujets de droits dans une société française soucieuse de leur accueil et d’un vivre ensemble solidaire ». Une pétition a également été lancée.

Reste, pour Patrick Isabel, à engager une réflexion de fond sur les enjeux de l’apprentissage linguistique. « Chaque année à Paris, 25 000 demandes sont satisfaites (dont 10 % par les centres sociaux), pour environ 50 000 migrants qui souhaitent apprendre le français ». Depuis octobre 2011, le concept de « français langue d’intégration » a également fait l’objet de critiques de la part d’universitaires.

Notes

(1) Voir ASH n° 2730 du 28-10-11, p. 37.

(2) Réseau Chrétiens-Immigrés Paris, Fédération des centres sociaux et socioculturels des Yvelines, délégation du Secours catholique de Paris, association Germae, Fédération des centres sociaux et socioculturels de l’Essonne, Fédération des centres sociaux et socioculturels des Hauts-de-Seine, RADYA (Réseau des acteurs de la dynamique ASL).

Côté terrain

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur