Le CNCPH (Conseil national consultatif des personnes handicapées) « s’inquiète vivement du contenu de l’avant-projet de loi portant sur la décentralisation ». C’est ce qu’il a fait savoir dans une motion adoptée lors de son assemblée plénière du 17 décembre. Une déclaration votée à l’unanimité (moins une abstention) des membres présents à la réunion, de laquelle, il est vrai, les représentants des collectivités territoriales étaient absents.
Ce coup de sang, pour le moins inhabituel pour cette assemblée, correspond à « la volonté délibérée de faire front commun contre un manque de concertation avec les corps intermédiaires et, du coup, une mauvaise compréhension par le gouvernement des enjeux pour le destin des personnes handicapées », explique Christel Prado, présidente de l’Unapei. Nous avons su nous unir et nous sommes déterminés à aller plus loin ensemble si nous jugeons que les mesures envisagées ne sont pas guidées par l’amélioration de la situation des publics concernés. » Le CNCPH réclame donc l’engagement « rapide » d’« une réelle concertation avec les corps intermédiaires » sur le sujet du handicap dans le cadre de la réforme de la décentralisation.
Origine de la colère : l’avant-projet de loi qui, dans sa dernière version, prévoit le transfert des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et des établissements et services d’aide par le travail (ESAT) aux conseils généraux. Soit, pour le CNCPH, une « remise en cause » des principes d’égalité des droits et des chances et de participation des personnes handicapées, inscrits dans la loi du 11 février 2005.
Avec le projet gouvernemental, les maisons départementales des personnes handicapées ne seraient plus des groupements d’intérêt public mais deviendraient des services du département, placés sous l’autorité du président du conseil général. Exit donc leurs commissions exécutives « privant les personnes en situation de handicap et leurs familles de participer à leur fonctionnement ». Quid, en outre, des équipes pluridisciplinaires, « gage d’indépendance des décisions prises par les commissions des droits de l’autonomie des personnes handicapées »?, s’interroge le CNCPH. « Faut-il remettre en cause la loi du 28 juillet 2011 tendant à l’amélioration du fonctionnement des MDPH, dite “Paul Blanc”, et qui avait fait l’objet d’un large consensus ? », interpelle, de son côté, l’Uniopss. Laquelle pointe les risques d’une organisation uniquement départementale de ces structures alors que les disparités territoriales dans leur fonctionnement ont été régulièrement épinglées. « Leur rattachement direct aux conseils généraux doit s’accompagner d’une volonté de remédier aux dysfonctionnements actuels et de la mise en place d’un instrument d’évaluation des besoins et d’analyse stratégique, dans un souci de réforme de la tarification » plaide la Fegapei. Tout comme l’Uniopss, elle demande également le renforcement du rôle de la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie afin d’assurer une équité de traitement sur l’ensemble du territoire.
Quant au transfert des établissements et services d’aide par le travail aux conseils généraux, il n’est assorti d’aucun mécanisme de régulation des politiques départementales du handicap, relève le CNCPH. Il accentuera donc inévitablement les inégalités de traitement d’un département à l’autre. Sans compter, ajoute l’Uniopss, opposée à ce transfert, que le périmètre de couverture du public accompagné par les ESAT dépasse bien souvent le cadre du département et qu’il n’est pas sûr que les conseils généraux, soumis aux pressions concurrentielles, auront la volonté de développer l’emploi adapté dans leur territoire. L’Uniopss et la Fegapei estiment surtout urgent d’améliorer la situation financière de ces établissements pour leur permettre de pérenniser leur activité.
Pour le CNCPH, le gouvernement doit donc revoir sa copie afin de mettre l’accompagnement des personnes en situation de handicap au cœur de la réforme de la décentralisation. Celle-ci doit être l’occasion de mettre fin aux incohérences de l’organisation institutionnelle et d’éviter les ruptures dans les parcours des personnes.
Si le Conseil national consultatif des personnes handicapées tape donc aujourd’hui du poing sur la table, la fronde des associations couvait déjà depuis plusieurs semaines. Quatre jours avant la réunion du CNCPH, le Comité d’entente des associations représentatives des personnes handicapées et de parents d’enfants handicapés (70 organisations) avait rendu publique, quasiment dans les mêmes termes, une déclaration commune. Et, dès l’annonce le 5 octobre dernier par François Hollande de son intention de vouloir confier aux départements l’ensemble des politiques du handicap et de la dépendance, les associations avaient fait part de leurs inquiétudes et réclamé une concertation sur le sujet.