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Après la remise du rapport « Sicard », François Hollande annonce une loi sur la fin de vie

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Prise en compte de la douleur « encore aléatoire », séparation « trop radicale » entre soins palliatifs et soins curatifs, formation « insuffisante » des professionnels de santé à la culture palliative… Tel est le constat sévère posé par la commission de réflexion sur la fin de vie en France missionnée par le président de la République en juillet dernier. Pour mémoire, elle était chargée de réfléchir à la possibilité d’aller au-delà du droit au laisser mourir de la loi « Leonetti » du 22 avril 2005, droit pour le patient d’arrêter un traitement ou de refuser l’acharnement thérapeutique. Son président, le professeur Didier Sicard, a remis son rapport à François Hollande le 18 décembre (1). Rappelons qu’un des engagements de campagne du chef de l’Etat était d’instaurer une « assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité » (2). Des mesures seront prochainement prises dans le domaine de la fin de vie, notamment par le biais d’une loi en 2013, a annoncé l’Elysée dans un communiqué.

Faire appliquer la loi « Leonetti » et développer les soins palliatifs

La commission « Sicard » juge la « médecine désarmée » pour prendre en charge les patients en fin de vie ce, malgré le cadre législatif existant. « Il est inacceptable que la loi “Leonetti” ne soit toujours pas appliquée après sept ans d’existence », dénonce-t-elle (3). Elle recommande donc un « effort majeur d’appropriation » de cette loi par la société et par l’ensemble des soignants, notamment par le biais de campagnes régulières d’information et un effort massif de formation. Par ailleurs, même si l’offre de soins palliatifs est « en constant développement depuis 2007 », la commission relève que la situation de la grande majorité des patients qui meurent à l’hôpital n’a pas été modifiée, notamment parce que les lits identifiés « soins palliatifs » sont « loin d’être totalement consacrés à l’activité prévue » (4). Pour elle, il faut renforcer l’intervention des agences régionales de santé dans ce domaine. Elles doivent ainsi être chargées de s’assurer que chaque établissement de santé ou médico-social a accès à une équipe mobile de soins palliatifs, de veiller à la couverture du territoire en soins palliatifs à domicile et de développer la coordination entre l’hospitalisation à domicile (HAD), les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) et les équipes de soins palliatifs. Une réflexion sur la fusion entre HAD et SSIAD doit en outre être menée, estime-t-elle. Prenant acte des difficultés et des retards ainsi constatés, l’Elysée indique que la ministre de la Santé et son homologue chargée de la recherche et de l’enseignement supérieur devront faire des propositions « avant la fin du mois de mai 2013 », notamment en matière de formation des médecins et de développement de la prise en charge palliative, y compris à domicile.

Renforcer le recours aux directives anticipées et encadrer la sédation

Pour la commission, il faut aussi « avoir conscience que le recours aux seules unités de soins palliatifs ne pourra jamais résoudre la totalité des situations ». Plaidant pour la banalisation des directives anticipées, elle recommande d’organiser régulièrement des campagnes d’information. Elle appelle le ministère de la Santé à élaborer un modèle de directives anticipées à l’usage des médecins traitants qui pourront les proposer à leurs patients adultes, y compris ceux en bonne santé. Elle l’invite également à formaliser par décret un deuxième modèle de directives anticipées portant spécifiquement sur les traitements en fin de vie pour les cas de maladie grave diagnostiquée ou d’intervention chirurgicale pouvant comporter un risque majeur. Autre recommandation : créer un fichier national informatisé des directives anticipées « facilement utilisable en cas d’urgence ». Plus globalement, le rapport souligne la nécessité de respecter la parole du malade et son autonomie.

Par ailleurs, la commission recommande de mieux encadrer la « sédation profonde », également dénommée sédation terminale, dans le cadre prévu par la loi « Leonetti » (5). En effet, explique-t-elle, « lorsque la personne en situation de fin de vie, ou en fonction de ses directives anticipées figurant dans le dossier médical, demande expressément à interrompre tout traitement susceptible de prolonger sa vie, voire toute alimentation et hydratation, il serait cruel de la “laisser mourir” ou de la “laisser vivre” sans lui apporter la possibilité d’un geste accompli par un médecin, accélérant la survenue de la mort ». La sédation profonde, qui est décidée par le médecin pour soulager la souffrance, a des « conséquences réelles sur l’accélération de la mort », indique encore la commission. Sa mise en œuvre nécessite donc l’adoption de recommandations de bonnes pratiques, portant notamment sur la discussion collégiale et sur l’information de l’entourage du patient, plutôt qu’une nouvelle disposition législative, est-il souligné.

Maintenir l’interdiction de l’euthanasie et réfléchir à l’assistance au suicide

Sans se prononcer ouvertement en faveur de la légalisation de l’assistance au suicide (mise à la disposition du malade de médicaments lui permettant de mettre lui-même fin à son existence avant son terme), la commission relève qu’il existe des demandes en ce sens faites par certaines personnes atteintes d’une maladie évolutive et incurable au stade terminal. Toutefois, constate-t-elle, ces demandes sont « très rares » quand il existe « réellement » une possibilité d’accompagnement sous forme de soins palliatifs. En outre, elles « peuvent correspondre davantage à une volonté de pouvoir disposer d’un recours ultime qu’à une réelle décision d’interrompre sa vie avant terme » (6). Aussi, dans l’hypothèse d’une loi sur l’assistance au suicide, la commission recommande-t-elle notamment au législateur de prévoir les mesures permettant de s’assurer de la demande « explicite et répétée de la personne » et de l’examen médical et collégial de l’existence d’une situation de fin de vie. Elle se déclare en revanche défavorable à la dépénalisation de l’euthanasie, en soulignant que « tout déplacement d’un interdit crée nécessairement de nouvelles situations limites, suscitant une demande infinie de nouvelles lois ». De son côté, l’Elysée a annoncé qu’un projet de loi sera déposé au Parlement en juin 2013, estimant que la législation actuelle « ne permet pas de répondre à l’ensemble des préoccupations légitimes exprimées par des personnes atteintes de maladies graves et incurables ». Le Comité consultatif national d’éthique va donc être saisi et devra rendre un avis sur les directives anticipées, sur les modalités de l’assistance au suicide pour un malade « conscient et autonome », ainsi que sur les conditions permettant de rendre « plus dignes » les derniers moments d’un patient dont les traitements ont été interrompus à la suite d’une décision prise à sa demande ou de sa famille ou d’une décision des soignants.

Notes

(1) Disp. sur www.elysee.fr.

(2) Plus précisément, il s’agissait de permettre à « toute personne majeure en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, [de] demander, dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité ».

(3) Plusieurs rapports ont déjà fait état de la méconnaissance de la loi et de sa non-application. Ce constat a été posé dès 2007 par les rapports « Aubry » et « Hennezel » et, en 2008, par le rapport « Leonetti ». Une récente étude de l’Institut national d’études démographiques l’a également souligné – Voir ASH n° 2525 du 5-10-07, p. 8, n° 2529 du 2-11-07, p. 11, n° 2585 du 5-12-08, p. 21 et n° 2786 du 7-12-12, p. 9.

(4) Le premier rapport de l’Observatoire national de la fin de vie a également dénoncé en début d’année l’insuffisance de l’offre en soins palliatifs – Voir ASH n° 2748 du 24-02-12, p. 7.

(5) Le rapport rappelle que cette pratique s’inscrit dans le cadre de la loi « Leonetti », la mise en œuvre de traitements sédatifs étant encadrée par l’article R. 4127-37 du code de la santé publique.

(6) Dans l’Etat de l’Oregon, aux Etats-Unis, où le suicide assisté concerne deux décès pour mille, la moitié des personnes en fin de vie qui demandent – et obtiennent – les médicaments leur permettant de mettre fin à leurs jours ne les utilisent pas, indique par exemple la commission.

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