Apparu au XVIIIesiècle, l’adjectif « exclusif » qualifie ce qui, par privilège, appartient uniquement à quelques-uns, explique Charles Gardou, professeur à l’université Lumière-Lyon 2. Or, précisément, « une société n’est pas un club dont des membres pourraient accaparer l’héritage » à leur seul profit. C’est cette irrécusable pétition de principe que le spécialiste du handicap défend avec brio dans un bref ouvrage nourri des réflexions d’auteurs qui lui ont donné matière à penser. Posant donc comme premier axiome que chacun est un légataire indivis du patrimoine social commun, Charles Gardou attire l’attention sur les multiples difficultés, maltraitances et discriminations auxquelles « la minorité numérique universelle de ceux qui vivent avec un corps ou un esprit rétif » se voit confrontée. Malgré un texte aussi important que la Convention internationale des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées – signée et ratifiée par la France –, ces dernières sont nombreuses à être « insularisées » dans des lieux spécialisés, ou bien à connaître un exil intérieur sous les regards indifférents ou stigmatisants qui les « infirment ». Se trouver ainsi directement ou indirectement maintenu en dehors de la société, c’est-à-dire vivre sans exister avec et parmi les autres, « est la plus cruelle des exclusions », souligne Charles Gardou, qui en appelle à « une intelligence collective de la vulnérabilité, conçue comme un défi […] à relever solidairement ». Il n’y a ni vie minuscule ni vie majuscule, martèle-t-il : si certains sont jugés grands, c’est, comme le disait Sénèque, parce qu’on mesure aussi le piédestal.
La société inclusive, parlons-en ! Il n’y a pas de vie minuscule
Charles Gardou – Ed. érès – 13 €