Recevoir la newsletter

Plan contre la pauvreté : les associations en position de « vigie »

Article réservé aux abonnés

Même si le contexte budgétaire avait tempéré leurs espoirs, les associations espéraient des engagements de plus grande ampleur. Elles estiment cependant avoir été entendues sur plusieurs points et restent mobilisées sur la mise en œuvre.

Neuf mois après que François Hollande leur en a fait la promesse, l’annonce par le Premier ministre des grands axes du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale (voir ce numéro, page 5), qui devrait être adopté le 22 janvier par le comité interministériel de lutte contre les exclusions, a, pour les acteurs de terrain, sonné comme l’heure du verdict. Une chose est sûre, tous se réjouissent de la méthode – large concertation, participation des personnes en situation de pauvreté, mobilisation interministérielle –, ainsi que de celle annoncée pour le suivi. Un projet de loi de programmation aurait néanmoins été « un signe politique fort », insiste Dominique Balmary, président de l’Uniopss (Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux). Autre signe positif de rupture : la volonté affichée par le Premier ministre d’en finir avec la stigmatisation de la pauvreté.

« Saupoudrage » ?

Certes, après la conférence des 10 et 11 décembre, plusieurs mesures doivent encore être précisées, ainsi que le financement des engagements. Mais le chiffrage global du chantier s’avère très en deçà des attentes. Jean-Marc Ayrault avance un coût de 2 à 2,5 milliards d’euros sur le quinquennat. Pas de quoi produire le « choc de solidarité » réclamé, s’indigne le MNCP (Mouvement national des chômeurs et précaires), qui regrette une « pichenette », en comparaison avec les « 20 milliards pour la compétitivité ». Un « saupoudrage » et des « mesurettes d’urgence » qui ne résoudront pas les drames de la précarité, critique aussi AC ! (Agir contre le chômage).

Sur le fond, les membres du collectif Alerte qui, symboliquement, ont aussitôt réagi dans l’enceinte même du Conseil économique, social et environnemental, saluent plusieurs avancées, même si les associations sont loin d’avoir tout obtenu. Le groupe de travail sur l’accès aux droits et les minima sociaux avait estimé à environ 3 milliards d’euros l’enveloppe nécessaire pour retrouver le ratio originel du RMI par rapport au SMIC (50 %, au lieu de 43 % aujourd’hui). Au lieu de sa proposition de revaloriser l’allocation de 15 % sur cinq ans, en plus d’une meilleure indexation que celle sur les prix, le gouvernement a opté pour une progression de 10 % d’ici à 2017, à raison de 2 % dès septembre. A peine une dizaine d’euros supplémentaires par mois, calcule Bernard Thibaud, secrétaire général du Secours catholique. En outre, « aucun moyen n’a été annoncé pour l’accompagnement des publics et aucune allusion n’a été faite au lien nécessaire entre l’accompagnement so­cial et professionnel ».

Sur le volet santé, le Premier ministre a annoncé une revalorisation de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) de façon à couvrir 500 000 personnes supplémentaires. La mesure ne va pas assez loin pour Médecins du monde, qui rappelle que quatre millions de personnes n’ont pas de couverture maladie. L’association continue de plaider pour une augmentation du seuil d’attribution de la CMU-C au niveau du seuil de pauvreté. « Le Premier ministre a évoqué une amélioration en matière de domiciliation, mais pas l’intégration de l’aide médicale de l’Etat dans la CMU, ce qui est une mauvaise nouvelle », souligne Thierry Brigaud, président de Médecins du monde. Le développement des permanences d’accès aux soins de santé, promis depuis plusieurs années, fait partie des points de vigilance.

Sur la concrétisation du plan, notamment sur l’hébergement et l’accès au logement, « nous allons jouer notre rôle de vigie républicaine », promet également Christophe Robert, délégué général adjoint de la Fondation Abbé-Pierre. Avec la création de 4 000 places supplémentaires d’hébergement d’urgence et autant en centres d’accueil pour demandeurs d’asile – ce dont se réjouissent France terre d’asile et Forum réfugiés –, et des moyens à la même hauteur pour l’accès au logement, les propositions du groupe de travail pour 2013 « sont reprises pour les deux tiers », explique-t-il. « Mais quid de la transformation en profondeur du secteur ? Le Premier ministre ne s’est prononcé que pour 2013. Il a rappelé que l’engagement de construction de 150 000 logements sociaux par an serait tenu, sans évoquer les moyens pour l’atteindre. » Outre cette vision « à court terme », il regrette le silence sur la revalorisation des aides au logement, sur un moratoire sur les expulsions, ou encore sur les « diagnostics à 360° » qui permettraient d’évaluer toutes les situations de mal-logement (taudis, caves, parkings…) dans les territoires.

Les familles attendront

Hormis la reconnaissance du statut de centre parental, les annonces en faveur des familles sont les plus timides. Même si la notion de territorialisation est présente dans le discours du Premier ministre, les projets de territoire pour l’enfance demandés n’ont pas été mentionnés. La question d’une meilleure redistribution envers les familles pauvres a été renvoyée aux travaux du Haut Conseil de la famille. « Nous sommes déçus, mais pas résignés », rassure Pierre-Yves Madignier, président d’ATD quart monde, qui a piloté le groupe de travail avec Dominique Versini. « Les propositions de l’atelier sont largement passées sous silence », s’inquiète de son côté la Convention nationale des associations de protection de l’enfant (CNAPE), qui appelle le gouvernement à « prendre à leur juste mesure les difficultés de l’enfance et de la jeunesse de notre pays ».

Rien de vraiment concret non plus sur l’accès à l’emploi, si ce n’est, pour les jeunes, la mise en place d’une nouvelle forme de contrat d’insertion, sur le modèle du CIVIS, qui devra être assortie des moyens nécessaires pour les missions locales. Sur l’insertion par l’activité économique ou la sécurisation des parcours professionnels, « les éléments positifs annoncés doivent être concrétisés dans le plan quinquennal, estime Louis Gallois, président de la FNARS (Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale), par ailleurs auteur du rapport sur la compétitivité. Le rôle des entreprises, qui doivent prendre la mesure de la question des ­personnes éloignées de l’emploi, n’a pas été suffisamment évoqué. »

Des « pauvres invisibles » ?

Les acteurs de terrain auraient, apprécié davantage de propositions concrètes sur le partenariat des pouvoirs publics avec les associations, « confrontées à un effet ciseaux entre la diminution de leurs ressources et l’augmentation des besoins », rappelle Dominique Balmary. Les acteurs resteront également vigilants sur la prise en compte de certains publics, comme l’a promis le Premier ministre – les personnes sous main de justice, les migrants, les personnes âgées et les personnes handicapées notamment. Ces dernières vont-elles rester des « pauvres invisibles » ?, redoute la FNATH (Association des accidentés de la vie).

Dans un courrier du 6 décembre à Jean-Marc Ayrault, l’Association des paralysés de France) fait part de son « immense déception ». Les travaux ont ignoré « ou presque, deux millions de personnes en situation de handicap ou atteints de maladie invalidante qui vivent largement sous le seuil de pauvreté ». Elle demande que soient érigés au rang des priorités « l’engagement d’une réflexion sur le revenu d’existence » et, à court terme, « la mise en place d’un véritable système d’indexation de l’allocation aux adultes handicapés ».

Côté terrain

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur