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La CC 51 quasiment rayée d’un trait de plume, quel sort pour les salariés ?

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La fin du « délai de survie » de la convention partiellement dénoncée et l’absence d’avenant de substitution créent un vide juridique, que la FEHAP veut combler par sa « recommandation patronale ». Trois syndicats en appellent à Marisol Touraine et à Michel Sapin.

La situation est aussi critique qu’inédite. Depuis le 2 décembre, les 200 000 salariés des établissements adhérents à la FEHAP (Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs) ont perdu l’essentiel de leur convention collective. Après la dénonciation partielle du texte, il y a un an, par la fédération d’employeurs, et, au terme de négociations très tendues finalement placées sous l’égide du ministère du Travail, la FEHAP a présenté, le 12 novembre , un dernier « avenant de substitution » qui a fait l’objet d’une opposition majoritaire des syndicats de salariés. Résultat : l’avenant est inapplicable et, avec l’extinction du « délai de survie » de la convention du 31 octobre 1951, salariés et employeurs se retrouvent dans un vide juridique.

Comment, concrètement, les directeurs d’établissement vont-ils pouvoir gérer la situation ? Logiquement, l’absence de dispositions conventionnelles sur les parties dénoncées par la FEHAP a pour conséquence de renvoyer les salariés au socle minimal du code du travail. Sauf que, pour éviter cette situation, la fédération d’employeurs demande à ses adhérents d’appliquer, depuis le 2 décembre, la « recommandation patronale » qu’elle avait présentée le 4 septembre aux syndicats. Du fait de sa nature – ce n’est pas un accord collectif, mais une décision unilatérale qui s’impose aux adhérents – et de son contenu jugé régressif, elle avait provoqué l’ire des organisations de salariés qui en avaient appelé à la ministre des Affaires sociales. Marisol Touraine, qui avait refusé de l’agréer, avait invité les partenaires à se remettre autour de la table.

Le dialogue social ayant de nouveau échoué, la FEHAP espère que la ministre va revoir sa position. Elle invite donc à appliquer sa « recommandation » dans les établissements du secteur sanitaire, qui ne relèvent pas de l’agrément des pouvoirs publics, mais aussi, par anticipation, dans le secteur social et médico-social « sachant que la procédure d’agrément, dont le délai court jusqu’au 11 janvier 2013, est toujours en cours », explique Sylvie Amzaleg, directrice des relations du travail à la FEHAP. En attendant, le texte n’est pas opposable aux financeurs.

Les préconisations patronales

Dans le cas où les employeurs suivraient ce conseil, quels changements pour les salariés ? La « recommandation patronale » intègre les 15 points (voir encadré ci-dessous) que la FEHAP veut modifier (1). Certains changements ne s’appliquent pas aux salariés présents dans leur établissement au 1er décembre 2011 (date de la dénonciation), du fait du maintien des droits individuels acquis (qui ne pourraient être levés que par un accord de substitution). C’est le cas pour les jours fériés. Seuls les salariés embauchés après le 1er décembre 2011 ne pourraient plus les récupérer lorsqu’ils coïncident avec un jour de repos. Même chose pour la majoration pour heures supplémentaires. La recommandation patronale entraînerait, pour ceux em­bauchés après le 1er décembre 2011, la suppression du taux de majoration à 100 % des heures supplémentaires effectuées la nuit ou les dimanches et jours fériés. Seuls les taux légaux (25 ou 50 %) subsisteraient. Une iniquité dans le traitement des salariés qui s’annonce, en outre, compliquée à gérer.

Si les cinq fédérations syndicales se rejoignent pour dénoncer une « casse des garanties collectives », elles divergent sur les stratégies à déployer. La CFDT ? Santé-sociaux, qui avait signé, comme la fédération CFE-CGC, l’« avenant de substitution » du 12 novembre, renvoie les opposants à leurs responsabilités : désormais, juge-t-elle, « la seule issue à ce dossier est l’agrément par Marisol Touraine de la “recommandation patronale”, même si elle est insatisfaisante pour les salariés et fatale pour le dialogue social ». En effet, explique Claudine Villain, secrétaire nationale de la CFDT Santé-sociaux, « cette décision unilatérale n’engage que la FEHAP et ne pourra pas évoluer par la négociation collective ». Pour Sylvie Amzaleg en revanche, la convention collective « continue d’exister. Le dialogue social va se poursuivre, il y a notamment tout un travail à faire sur l’intégration des nouveaux métiers. » Reste néanmoins à savoir comment les partenaires sociaux réussiront à se remettre autour de la table après une telle rupture.

Appel aux ministres

De leur côté, les fédérations CFTC, CGT et FO s’en remettent de nouveau aux ministres et à la responsabilité de l’Etat. Dans une lettre ouverte adressée le 5 décembre à la ministre des Affaires sociales, Marisol Touraine, et au ministre du Travail, Michel Sapin, elles confirment « leur refus de voir une grande partie des garanties collectives des salariés réduites pour pallier les insuffisances budgétaires de certains établissements, et qui sont la conséquence des restrictions financières imposées depuis des années ». Pour elles, la négociation « n’est toujours pas allée à son terme ». Elles demandent donc l’intervention des ministres auprès de la fédération d’employeurs pour « la convaincre de signer au plus vite un avenant de prolongation de la période de survie de la CC 51 et de revenir en commission mixte paritaire ».

Dans certains établissements, délégués syndicaux et employeurs ont déjà négocié une prolongation du délai de survie la convention. « Il faudrait le prolonger jusqu’à la fin mars et réinterroger les employeurs sur leur volonté ou non de continuer d’appliquer la convention collective, estime Michel Rollo, président de la CFTC Santé-sociaux. Comment vont-ils articuler les accords d’établissement sur les 35 heures et la recommandation ? On a déplacé le centre de gravité des négociations du niveau national vers les établissements. »

Avocat conseil auprès d’associations du secteur sanitaire et social, Louis-Philippe Bichon veut encore croire à la solution de l’accord de survie de la convention, sous peine d’« aller dans le mur ». « L’application de la recommandation patronale entraîne une insécurité sociale, mais aussi juridique, fait-t-il valoir. Le tribunal de grande instance a confirmé que la dénonciation de la FEHAP n’était pas totale [2], mais n’a pas répondu sur la validité de la dénonciation partielle qui requiert, selon la jurisprudence, un accord de toutes les parties. Il pourrait encore y avoir des contentieux sur le sujet entre employeurs et salariés ! » Dans le même temps, rassure-t-il, la dénonciation partielle ne concerne pas les établissements non adhérents à la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs.

Mais le Snaless (Syndicat national des associations laïques employeurs du secteur social, médico-éducatif et médico-social) a, de son côté, également dénoncé partiellement la CC 51, sur les mêmes points. Il a jusqu’à la mi-avril pour négocier un « avenant de substitution ». L’issue des ces imbroglios passe, selon le Snaless, par « une logique de convention collective unique et étendue », avec « des convergences avec la convention collective du 15 mars 1966 ». Cette perspective d’une convention unique, mise sur la table par les membres de l’Unifed (Union des fédérations et syndicats nationaux d’employeurs sans but lucratif du secteur sanitaire, médico-social et social), tarde à se concrétiser.

L’ÉVOLUTION DE L’ANCIENNETÉ MODIFIÉE PAR LA « RECOMMANDATION PATRONALE »

Parmi les 15 points modifiés par la recommandation de la FEHAP figure, outre les jours fériés et la majoration pour heures supplémentaires, l’évolution de l’ancienneté. La prime d’ancienneté atteint 37 % (avec une application progressive des nouveaux taux), contre 30 % auparavant, mais avec une évolution sensiblement différente. Alors qu’elle est aujourd’hui de 1 % par an, elle connaît un ralentissement en milieu de carrière : après la dixième année et jusqu’à la trentième, elle est de 3 % tous les trois ans. Autre modification : en cas de recrutement, la reprise de l’expérience professionnelle est de 30 % pour tous les salariés, y compris les non-qualifiés (qui n’y ont pas droit dans la convention), mais les taux précédents de 100 % ou de 75 % disparaissent. La promotion assure aux salariés une augmentation d’au moins 10 %, hors « prime décentralisée », entre l’ancien et le nouveau métier.

Les indemnités de licenciement sont celles définies par les dispositions légales et réglementaires (doublées toutefois si le licenciement fait suite à un accident ou une maladie professionnels). Le montant de l’allocation de départ à la retraite est compris entre un et sept mois de salaire (au lieu de six), mais en fonction d’un nombre plus important de tranches. Si elle est plus favorable, le salarié déjà présent conserve son allocation actuelle pendant deux ans.

Notes

(1) Elle reprend également à l’identique les dispositions qui ont été dénoncées seulement pour des raisons techniques (indivisibilité de certains blocs de la convention), comme les classifications et la structure de la rémunération (sous réserve des points dénoncés).

(2) Voir ASH n° 2744 du 27-01-12, p. 15.

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