Le sénateur (PC) Michel Billout a présenté le 6 décembre, à la commission des affaires européennes du Sénat, un rapport dans lequel il passe au crible la situation des Roms en Europe, évoquant les discriminations qui les frappent mais aussi, à l’inverse, les stratégies en cours pour leur intégration (1). « L’objectif ne doit plus être de chasser les Roms hors de son territoire mais bien de les intégrer », affirme l’élu de Seine-et-Marne. « Quand on rapporte la population rom (8millions) à la population de l’Union européenne [UE] (503 millions), la tâche ne paraît pas insurmontable », estime-t-il, « à condition de s’y atteler véritablement et de faire enfin tomber la barrière des préjugés ». Le sénateur insiste à cet égard autant sur la « dimension transnationale évidente du problème rom » – qui implique un investissement croissant de l’UE – que sur la nécessité, à l’échelon local, d’adopter un cadre cohérent pour l’intégration des populations rom présentes sur son territoire, « fondé sur une approche multidimensionnelle, où les questions de sécurité et d’immigration ne doivent plus prendre le pas sur la démarche intégratrice ». Une recommandation qui vaut aussi pour la France, où « il convient désormais d’aller plus loin dans nos efforts d’accompagnement des Roms vers l’intégration », juge Michel Billout.
En matière d’accès au travail, par exemple, le sénateur déplore que, malgré les assouplissements décidés par le gouvernement depuis l’été dernier (2), des dispositions transitoires soient toujours applicables aux ressortissants roumains et bulgares. Concrètement, « jusqu’à la fin de l’année 2013, les ressortissants de ces deux nationalités devront, à la différence des citoyens des autres pays européens, être en possession d’un titre de séjour et obtenir une autorisation de travail au même titre que les ressortissants étrangers extra-européens, pour pouvoir accéder au marché du travail français ». Or, explique l’élu, « ces procédures administratives constituent un obstacle majeur à leur intégration sur le marché du travail car elles sont longues – neuf mois en moyenne –, complexes et dissuasives pour les employeurs ». En résumé, pour Michel Billout, le maintien de ces mesures transitoires apparaît comme « profondément discriminatoire » et même « guère compréhensible ».
A ses yeux, des efforts substantiels devraient également être faits en matière d’accès au logement. Il juge ainsi plutôt négativement les « villages d’insertion » mis en place notamment en région parisienne au milieu des années 2000, estimant qu’ils présentent le danger de « maintenir une forme de ségrégation entre leurs habitants et le reste de la société ».
L’élu émet également plusieurs observations concernant la politique française en matière de sécurité et d’immigration, toujours sous l’angle de la question rom. Evoquant par exemple les expulsions de campements rom, il demande au gouvernement de veiller à ce que l’approche définie par la circulaire du 26 août 2012 (3) soit effectivement mise en œuvre. « Au regard des risques que ces expulsions font peser sur les populations, il est impératif que les décisions de justice ne soient exécutées par les préfets qu’à l’issue de l’établissement d’un diagnostic préalable des besoins des personnes menacées d’expulsion et, surtout, qu’une fois que des solutions de relogement appropriées leur auront été proposées. »
Michel Billout s’arrête également sur le dispositif français d’aide au retour, qui a créé un véritable appel d’air et qui mériterait selon lui d’être supprimé. Un vœu en passe d’être exaucé puisque le ministre de l’Intérieur a annoncé le 7 décembre qu’il avait décidé de mettre fin à l’aide humanitaire au retour avant la fin de l’année (voir encadré ci-contre). Le sénateur estime, en revanche, que l’aide à l’insertion constitue une possibilité intéressante qu’il conviendrait au contraire de développer. Cette aide – « qui jusqu’ici a été beaucoup plus circonscrite que ne l’est l’aide au retour » – peut être octroyée ponctuellement par l’office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) aux étrangers qui souhaiteraient créer une activité économique de retour dans leur pays d’origine. L’OFII accompagne alors les bénéficiaires au moyen d’aides au montage, au financement et au suivi de leur projet. Ainsi, pour Michel Billout, il pourrait être intéressant, parallèlement à la suppression de l’aide au retour pour les ressortissants européens, d’accroître en contrepartie les crédits alloués à l’aide à l’insertion.
Le ministre de l’Intérieur a annoncé, le 9 décembre, la suppression « avant la fin de l’année » du dispositif d’aide au retour, qui bénéficiait notamment aux Roms roumains. C’est plus précisément l’aide humanitaire au retour (300 € par adulte et 100 € par enfant), qui concernait les citoyens européens, qui va être supprimée. « A la place, le voyage de retour continue d’être pris en charge par l’Etat et il y aura un viatique de 50 € par adulte qui sera octroyé pour permettre aux personnes concernées de regagner leur domicile, une fois de retour dans leur pays », a expliqué Manuel Valls sur Europe 1. L’aide au retour volontaire est, pour sa part, maintenue « mais ses montants seront alignés sur les moyennes européennes et notamment sur ceux pratiqués en Allemagne, en Belgique ou encore en aux Pays-Bas ». « Soit 500 € par personne au lieu des 2 000 actuels », a indiqué le ministre.
(1) L’intégration des Roms : un défi pour l’Union européenne et ses Etats membres – Rap. Sén. n° 199 – Décembre 2012 – Disp. sur
(2) Une circulaire a supprimé, en août dernier, les taxes dues par les ressortissants roumains et bulgares lors de la délivrance du titre de séjour ou de son renouvellement. La liste des métiers qui leur sont ouverts a par ailleurs été élargie – Voir ASH n° 2772 du 31-08-12, p. 20 et n° 2779 du 19-10-12, p. 38.