Après un parcours législatif chaotique (1), la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2013 a été définitivement adoptée le 3 décembre. L’ambition de ce texte : ramener le déficit du régime général de la sécurité sociale à 11,4 milliards d’euros (contre 13,1 milliards en 2012), tout en assurant un « haut niveau de protection des Français ». Pour ce faire, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie progressera de 2,7 % en 2013, soit une autorisation de dépenses de 175,4 milliards d’euros. Loin d’être consensuelle, la loi a été déférée au Conseil constitutionnel. Présentation de ses principales dispositions.
La loi prévoit que des expérimentations pourront être menées à compter de l’année prochaine, et pour une durée de cinq ans, sur de nouveaux modes d’organisation des soins destinés à optimiser le parcours de santé des personnes âgées en risque de perte d’autonomie, aujourd’hui fortement cloisonné. Cette organisation devra aussi permettre d’adapter le système de financement des soins, ce qui devrait contribuer à une meilleure visibilité de leur suivi médical : « le bon soin, au bon endroit et au juste coût », avait précisé la ministre de la Santé à l’issue du comité de pilotage dédié, réuni en septembre dernier (2).
Par ailleurs, les parlementaires ont adopté des dispositions permettant de rembourser à 100 % les interruptions volontaires de grossesse et les contraceptifs des mineures âgées de 15 à 18 ans pris en charge par l’assurance maladie (3). Pour ces dernières, la délivrance et le remboursement des contraceptifs se feront en outre à l’avenir de façon anonyme. Un an après la publication de la loi, le gouvernement devra remettre au Parlement un rapport sur les conditions dans lesquelles l’accès à une « contraception choisie et adaptée pour tous » pourrait être amélioré, notamment par une meilleure prise en charge financière.
Enfin, le texte prévoit que, à titre expérimental, les élèves et étudiants affiliés aux assurances sociales et à certaines mutuelles et inscrits dans un établissement d’enseignement supérieur situé dans une des villes qui seront listées par décret seront dispensés de l’avance des frais de santé pour la part des dépenses prises en charge par l’assurance maladie. Ces expérimentations pourront aussi s’appliquer si les élèves ou les étudiants ne bénéficient pas de mutuelle. Elles pourront débuter à compter de la publication du décret susmentionné, pour une durée de trois ans.
Afin de partager l’effort de solidarité entre les générations, la loi instaure, en vue du financement de la réforme de la prise en charge de la dépendance, une contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie de 0,3 % due notamment sur les pensions de retraite et d’invalidité versés à compter du 1er avril 2013 (4) – à l’instar de la contribution de solidarité pour l’autonomie de 0,3 % dont s’acquittent les salariés lors de la « journée de solidarité ». Y seront assujettis les retraités et les invalides imposables dont le montant d’impôt est supérieur à 61 €. L’année prochaine, la contribution sera versée à la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, pour une part de 95 % à la section consacrée à l’allocation personnalisée d’autonomie et pour une part de 5 % à celle dédiée à la promotion des actions innovantes, à la formation des aidants familiaux et accueillants familiaux, et au renforcement de la professionnalisation des métiers de service exercés auprès des personnes âgées et des personnes handicapées.
En outre, pour soutenir le secteur de l’aide à domicile, en difficulté financière, la LFSS pour 2013 abonde le fonds de restructuration créé en début d’année (5) de 50 millions d’euros supplémentaires. Les critères et les modalités de répartition de ces crédits entre les services d’aide et d’accompagnement à domicile seront définis par arrêté.
« C’est un budget de progrès qui témoigne du fort attachement à la politique familiale du gouvernement » qui vient d’être adopté, s’est félicitée la ministre déléguée à la famille dans un communiqué du 4 décembre. La LFSS pour 2013 autorise ainsi, jusqu’au 1er juillet 2015 au plus tard, l’expérimentation, sur certains territoires et pour des familles bénéficiaires du revenu de solidarité active, du versement en tiers payant du complément de libre choix du mode de garde de la prestation d’accueil du jeune enfant. « Contraintes d’avancer les frais de garde, certaines familles modestes peuvent renoncer à faire garder leur enfant », a expliqué le gouvernement lors de la présentation du projet de loi initial. Ajoutant que « l’accès à l’emploi des parents s’en trouve ainsi dégradé ». Par ailleurs, « et souvent sur les mêmes territoires, certaines assistantes maternelles gardent moins d’enfants qu’elles ne sont autorisées à le faire, faute de parents en mesure de procéder à l’avance des frais ». Concrètement, les familles seront donc dispensées de l’avance de la totalité des frais puisque l’aide de la caisse des allocations familiales (CAF) sera versée directement à l’assistante maternelle. Toutefois, l’employeur de l’assistante maternelle devra s’engager à suivre les actions d’accompagnement proposées par la CAF, les collectivités territoriales ou les organismes locaux chargés de l’information et du conseil aux professionnels de la petite enfance. De leur côté, les assistantes maternelles devront, d’une part, accepter d’accueillir les enfants aux horaires spécifiques de travail de l’employeur, en urgence ou sur des périodes de très courte durée si nécessaire et, d’autre part, suivre des actions d’accompagnement.
En outre, pour tenir compte des nouveaux modèles familiaux, la LFSS pour 2013 étend le congé de paternité – aujourd’hui octroyé au seul père de l’enfant – au conjoint salarié de la mère, à son concubin ou à son partenaire pacsé, sous réserve que le père de l’enfant ait renoncé à ce droit. Le congé est par la même occasion rebaptisé « congé de paternité et d’accueil de l’enfant ». Rappelons que le congé est de 11 jours consécutifs ou 18 jours consécutifs en cas de naissances multiples et que le père ou le compagnon de la mère doit avertir son employeur un mois avant la prise de ce congé de la date de début et de fin de congé. Ces dispositions s’appliquent aussi aux agents des fonctions publiques territoriale, hospitalière et de l’Etat.
Enfin, les parlementaires ont adopté un amendement présenté par le gouvernement permettant, en cas d’impayé de loyer, de rétablir les allocations de logement familiale et sociale si le dossier de surendettement du locataire est recevable devant la commission de surendettement. Les allocations seront alors versées au bailleur, sauf refus de sa part ou dans les cas d’indécence du logement. Ces dispositions s’appliqueront, à la demande des débiteurs, à compter du 1er janvier prochain aux demandes déclarées recevables et en cours d’instruction devant la commission de surendettement.
S’agissant des particuliers employeurs, ils peuvent actuellement payer les cotisations sociales des salariés qu’ils emploient à leur domicile soit sur leur salaire réel, soit sur un forfait égal au SMIC. Dans cette dernière hypothèse, les cotisations sont réduites pour les salaires qui dépassent le SMIC, affaiblissant de fait le niveau de protection sociale des salariés (retraite, chômage…). En outre, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 a supprimé l’abattement de cotisations sociales pour les particuliers employeurs optant pour la déclaration au réel, ce qui a rendu le dispositif de déclaration au forfait plus avantageux « au détriment des finances publiques et des droits des salariés », a précisé l’exposé des motifs du projet de loi initial. La LFSS pour 2013 supprime donc la possibilité de cotiser sur le forfait. Une mesure qui « ne touche pas les aides à domicile pour les personnes âgées ou en situation de dépendance ou de handicap, qui bénéficient d’exonérations spécifiques, ou encore les aides spécifiques à la garde des enfants de moins de 6 ans », a assuré le gouvernement. Gain attendu : 340 millions d’euros pour la sécurité sociale et 135 millions pour les autres régimes sociaux (assurance chômage, retraite complémentaire).
Par ailleurs, la loi remplace la majoration pour tierce personne (MTP) dont bénéficient actuellement certaines victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle (AT-MP) par une « prestation complémentaire pour recours à une tierce personne ». La MTP est, pour mémoire, calculée sur le montant de la rente des victimes, elle-même liée au dernier salaire perçu. Mais il existe un plafond dont le niveau est jugé insuffisant pour les personnes qui ont les besoins d’assistance les plus importants (taux d’incapacité supérieur à 80 %). La prestation complémentaire pour recours à une tierce personne, elle, sera fixée exclusivement en fonction des besoins d’assistance de la victime d’AT-MP (6). Un barème fixant les niveaux de la prestation sera établi par voie réglementaire. Ces dispositions entreront en vigueur à compter du 1er mars prochain. Les titulaires actuels de la MTP pourront en conserver le bénéfice tant qu’ils en remplissent les conditions d’attribution. Toutefois, à tout moment, ils pourront opter pour la nouvelle prestation, cette option étant définitive.
(1) Après le rejet du texte en première lecture par les sénateurs communistes et l’opposition, une commission mixte paritaire s’est réunie à l’Assemblée nationale et au Sénat. Comme elle n’est pas parvenue à un compromis, le texte a de nouveau été examiné par les deux chambres. Le Sénat l’ayant encore rejeté, le dernier mot est finalement revenu aux députés.
(3) Selon le gouvernement, le remboursement des IVG devrait coûter 13,5 millions d’euros et celui de la contraception 11 millions.
(4) Ce prélèvement devrait représenter « moins de deux euros par mois » pour les retraités, a indiqué Marisol Touraine lors de la séance des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale, le 2 octobre.
(6) « Certes, cette mesure constitue une avancée, souligne la FNATH. Il n’en reste pas moins qu’elle ne s’apparente qu’à une “mesurette” face au chantier de l’amélioration de l’indemnisation des victimes du travail », que l’association réclame depuis longtemps. En outre, elle regrette que la nouvelle prestation ne puisse être attribuée qu’aux victimes d’AT-MP justifiant d’un taux d’incapacité supérieur à 80 % « alors même que nombre de victimes présentant un taux inférieur ont besoin d’une aide humaine ».