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Martin Hirsch : « On est resté au milieu du gué »

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Le père du revenu de solidarité active, ancien Haut Commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté (1), estime que le chantier est inachevé.
Peut-on dire que le RSA est un échec ?

Certainement pas ! Il représente une avancée en permettant que les personnes modestes ne perdent pas le gain de leurs revenus en reprenant un travail, ce qui était le plus souvent le cas avec le RMI [revenu minimum d’insertion], soit immédiatement, soit au bout de la période d’intéressement, un an après la reprise d’emploi. Les craintes de départ sur d’éventuels effets pervers ont été dissipées : les études ont montré que le RSA n’était pas à l’origine d’une augmentation de la précarité et des temps partiels ou d’une pression négative sur les salaires. La preuve formelle a été apportée qu’il ne désincite pas au travail en mesurant ce qui se passe avant et après 25 ans : l’accès au RSA ne réduit pas la proportion de ceux qui travaillent.

En revanche, j’ai toujours dit qu’on était resté au milieu du gué. On a fusionné le RMI, l’API [allocation de parent isolé] et une partie des dispositifs d’incitation au retour à l’emploi, mais on a laissé en dehors l’ASS [allocation de solidarité spécifique] alors qu’un rapport devait être élaboré pour voir dans quelles conditions le dispositif pouvait l’intégrer, ainsi que la prime pour l’emploi (2). On n’a pas non plus assuré la bonne articulation avec les aides au logement (3). Il y a donc un problème de cohérence. Remédier au RSA « activité » est un enjeu majeur, mais on ne peut imputer au dispositif le faible taux de retour à l’emploi, lié à la crise et aux destructions d’emplois continues. Ces sujets dépassent de loin le revenu de solidarité active.

Le fonctionnement même du RSA activité n’est pas satisfaisant…

La fluctuation des revenus des allocataires est une conséquence de la précarité de l’emploi. La loi du 1er décembre 2008 prévoyait qu’un rapport examine la possibilité de réaliser des calculs mensuels afin de compenser ces effets « yoyo », par exemple en permettant la transmission directe d’informations des Urssaf vers les caisses d’allocations familiales. Celui-ci n’a pas été réalisé. Quant au non-recours, s’il n’est malheureusement pas l’apanage du RSA, plusieurs choses auraient pu être faites : lancer des campagnes d’information régulières et permettre à ceux qui n’ont pas fait la démarche trimestrielle d’avoir un rattrapage annuel, comme l’a préconisé le rapport de Marc-Philippe Daubresse (4). Mais celui-ci était davantage destiné à répondre à la polémique sur l’assistanat qu’à être mis en œuvre… Et puis il y a certainement à retravailler les conventions de partenariat entre l’Etat et les collectivités afin de repenser l’accompagnement professionnel et social des allocataires. Enfin, la majorité actuelle a, à juste titre, critiqué les conditions drastiques de l’accès des jeunes de moins de 25 ans au RSA. Il suffit d’un décret pour les assouplir.

Le barème est plus bas que ce que vous aviez prévu et que ce qui a été parfois expérimenté…

Il aurait pu être beaucoup plus important si on avait fusionné le RSA et la prime pour l’emploi et concentré l’enveloppe de cette dernière, aujourd’hui diluée vers 8 millions de personnes, sur celles et ceux qui ont les revenus les plus modestes. De plus, il y a eu un refus, au moment des arbitrages gouvernementaux, de faire bénéficier d’un complément de RSA ceux qui gagnent plus que le SMIC. Le barème s’arrête trop tôt alors qu’on prétendait défendre les classes moyennes. Tout cela pourrait être corrigé par la fusion avec la prime pour l’emploi.

Il ne s’agit pas de dépenser plus, mais mieux, et d’utiliser les fonds du revenu de solidarité active pour ce à quoi ils étaient prévus.

Vous dénoncez une spoliation des fonds destinés au RSA. Est-ce ce qui s’est produit ?

Bien sûr ! Deux sources ont alimenté son financement, en complément du RSA « socle » financé par les départements : une subvention équivalente à ce que l’Etat finançait pour l’API et les primes afférentes au RMI, et le produit de la taxe sur les produits financiers qui devait générer 1,5 milliard et a rapporté au moins 1,2 milliard les premières années. Comme on dépensait moins du fait du non-recours, la partie de subvention que l’Etat versait auparavant a été diminuée. Au lieu d’apporter 1,5 milliard net en plus, on a apporté entre 600 et 700 millions d’euros et la différence a disparu dans le budget général. Alors qu’on aurait pu augmenter le barème du RSA, financer plus d’accompagnement, plus d’emplois aidés, assouplir certaines conditions. Il y a eu une spoliation car le prélèvement a été fait, les ressources sont arrivées et, en même temps, on a repris une partie des ressources précédentes, année après année.

Vous reconnaissez avoir échoué sur l’objectif de réduire la pauvreté d’un tiers en cinq ans…

J’ai sincèrement poussé à inverser la tendance et je reconnais sans biaiser que cela ne s’est pas produit. Mais cela ne doit pas conduire à abandonner une po­litique d’objectifs chiffrés en matière de pauvreté. Cela oblige à la clarté et au vo­lontarisme.

Notes

(1) Aujourd’hui président de l’Agence du service civique.

(2) Calculée selon les revenus de l’année précédente.

(3) Calculées selon les revenus de l’année N-2.

(4) Voir ASH n° 2725 du 23-09-11, p. 8.

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