« On pense dans ma tête. On utilise ma tête pour penser. Cette pensée ne m’appartient plus. » Filmée par sa sœur, Irène Philippin, 41 ans, tente de décrire ses crises de schizophrénie. Elle rappelle que lors de sa première hospitalisation, à l’âge de 23 ans, personne n’arrivait à mettre de mot sur sa maladie. Un médecin a même annoncé à ses parents : « Votre fille a perdu la raison. » Car Irène a des délires mystiques, des crises de persécution, des hallucinations où elle voit apparaître devant elle aussi bien le diable que Hitler… La famille a besoin d’en savoir plus. « Quand on ne connaît pas l’ennemi, on ne peut pas se battre », témoigne sa mère Paulette, femme calme et décidée. Elle affirme : « Les sentiments qu’on peut avoir dans une situation pareille, c’est une espèce d’épouvante, qu’on essaie de ne pas montrer, parce que… à quoi ça sert ? » Cécile Philippin n’a pas seulement réalisé un documentaire sur la maladie, mais surtout un film sur la famille, l’amour, la solitude, le rapport à autrui. Pas de drame dans Les voix de ma sœur. Juste une histoire vraie, filmée en partie dans les couloirs de l’hôpital Sainte-Anne, à Paris – où Irène a été internée cinq fois en quatorze ans –, et en partie dans l’appartement qu’elle occupe aujourd’hui.
En racontant son quotidien, ses hospitalisations – « on attend, on attend, on se promène dans les couloirs… » –, la façon dont elle s’applique à présent à reconstruire sa vie, notamment en écrivant des poèmes ou en fréquentant un groupement d’entraide mutuelle, elle cherche à déstigmatiser sa maladie. « Il faut utiliser ces drôles de maladies pour en faire quelque chose de beau », dit-elle. Son état est désormais stabilisé. Chaque jour, Irène Philippin se rend au centre médico-psychologique pour prendre son traitement.
Les voix de ma sœur ont remporté le premier prix au Festival international du film de santé de Liège (Belgique) et la Clé d’argent du Festival international Ciné-vidéo-psy de Lorquin (Moselle).
Les voix de ma sœur
Cécile Philippin – 49 min – Les Films du palier – Le 11 décembre à Bobigny, le 14 décembre à Nancy – Autres projections :