Ni simple exutoire, ni thérapie, la parole que les personnes connaissant la grande pauvreté osent prendre dans le cadre de l’Université populaire du mouvement ATD quart monde est à la fois conscientisation de leur expérience de vie et mobilisation pour la transformer. Ce sont les conditions de production de ce changement de rapport à soi-même et aux autres que Geneviève Defraigne Tardieu analyse en chercheuse engagée. Volontaire permanente au sein d’ATD, l’auteure montre, à travers plusieurs exemples d’échanges ayant eu lieu dans le cadre de l’Université d’Ile-de-France – qu’elle-même a animée plusieurs années –, comment les participants, pleinement reconnus par un entourage empathique, sont mis en capacité de dialoguer avec des interlocuteurs aux fonctions et positions variées. Comment, aussi, ils tirent parti de ces rencontres pour se penser et agir autrement. A cet égard, la restitution d’une séance de l’Université sur l’égalité des chances — notion difficile à appréhender, compte tenu de sa distance avec les réalités vécues par les militants — est particulièrement riche d’enseignements. Grâce à une information communiquée par l’expert invité lors de cette session, une participante a notamment réussi, dès le lendemain, à éviter l’expulsion d’une voisine et de ses quatre enfants. « L’effet émancipatoire de l’Université populaire ne se limite pas aux deux heures de la rencontre, mais agit bien plus largement », souligne Geneviève Defraigne Tardieu : en amont, par un travail préparatoire soutenu avec les militants, et en aval, par les multiples transformations individuelles et sociales que permet cette construction collective de sens.
L’Université populaire
Quart Monde. La construction du savoir émancipatoire
Geneviève Defraigne Tardieu – Ed. Presses universitaires de Paris Ouest – 25 €