On observe un renversement de tendance depuis déjà plusieurs années. Les jeunes, et non plus les personnes âgées, sont aujourd’hui les plus exposés à la pauvreté. Les 18-25 ans constituent 22,5 % des publics pauvres – sous le seuil de 60 % du niveau de vie médian (2) – alors qu’ils représentent 13,5 % de la population. Et leur taux d’extrême pauvreté – sous le seuil de 40 % du revenu médian – s’est accru de 38 % entre 2007 et 2009 ! Les structures luttant contre l’exclusion voient arriver un public « nouveau » de jeunes sans ressources et en rupture avec leur milieu familial. Si la question de l’endettement de ce public n’est pas encore, comme aux Etats-Unis ou en Suisse, un sujet de préoccupation, il faut rester vigilant : le recours au crédit progresse chez les moins de 30 ans…
A côté de jeunes qui accèdent au diplôme et connaissent une insertion professionnelle rapide, les peu ou pas diplômés sont exposés à un risque d’exclusion sociale durable. C’est sur le décrochage de ce public que nous tirons la sonnette d’alarme. Le diplôme trace une ligne de fracture de plus en plus forte au sein de la jeunesse alors même que l’école contribue à renforcer les inégalités sociales. La place importante laissée aux familles lors des orientations, la ségrégation de l’offre éducative à travers le système des filières notamment sont des facteurs réduisant les chances de réussite des jeunes de milieu modeste. Tandis que le poids accordé au diplôme, spécifique à la France, exacerbe la course aux titres.
Il y a des raisons conjoncturelles liées à la crise. Mais aussi des dimensions structurelles du fait de l’obsolescence de notre système éducatif par rapport aux enjeux d’une économie de la connaissance et celle de notre système de protection sociale dans une société prônant la mobilité et la flexibilité. Plutôt que de favoriser l’autonomie du jeune via des aides directes, l’Etat le prend en charge en soutenant sa famille. Or la transformation des modèles familiaux et l’augmentation des situations de rupture familiale amènent à se demander s’il ne serait pas préférable de trouver d’autres perspectives pour rendre le jeune moins dépendant de sa famille et lui permettre d’accéder à des droits sociaux universels qu’on lui refuse aujourd’hui.
Celles-ci se sont effectivement traduites par une multiplication de dispositifs. Il faut redonner du sens et de la cohérence à l’action publique en faveur des jeunes en concevant des politiques transversales articulant les interventions des ministères et des collectivités territoriales. Par ailleurs, l’action sociale envers les plus vulnérables est paradoxale : elle pose de fortes exigences en termes de responsabilisation tout en ne leur garantissant qu’une faible protection. Le fonds d’aide aux jeunes, le contrat d’insertion dans la vie sociale ou le contrat jeune majeur témoignent de cette logique contractuelle déséquilibrée : les jeunes sont sommés de s’engager et soumis à un suivi serré alors que la contrepartie financière est maigre et incertaine.
Reprise par la Commission sur la politique de la jeunesse présidée par Martin Hirsch en 2009 (4), la création d’une allocation d’autonomie était déjà étudiée dans les rapports De Foucauld en 2002 et Charvet en 2001. Cette piste, qui s’inspire de l’allocation étudiante versée à tous les jeunes dans les pays du nord de l’Europe, vise à rétablir l’égalité des chances face à la formation. Le président de la République s’est engagé à créer une allocation « sous conditions de ressources » pour les jeunes en formation. Le sujet devrait donc être à nouveau à l’agenda politique et peut-être sur la table du Comité interministériel de la jeunesse prévu en février 2013.
(1) Dans le cadre de sa fonction d’Observatoire de la jeunesse et des politiques de la jeunesse – « Inégalités entre jeunes sur fond de crise » – Voir
(2) Ce seuil était de 964 € en 2010.
(3) Dans un texte « Pour un big-bang des politiques jeunesse », voir ASH n° 2735 du 2-12-11, p. 27.
(4) Voir ASH n° 2617 du 10-07-09, p. 18.