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Secteur du handicap : un rapport pose les bases d’une réforme d’ampleur

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La mission « Vachey-Jeannet » recommande notamment de mettre en place un financeur unique par type de structures, d’abandonner la tarification au prix de journée et de privilégier l’évolution de l’offre existante.

Le secteur des établissements et services pour personnes handicapées souffre de « l’absence d’outils pertinents qui permettraient d’adapter l’offre aux besoins des personnes accueillies ». C’est le « constat majeur » posé par une mission conjointe des inspections générales des affaires sociales et des finances lancée par le précédent gouvernement, et connue sous le nom de mission « Vachey-Jeannet ». Son rapport, remis à Marie-Arlette Carlotti, a été rendu public après sa présentation au Conseil national consultatif des personnes handicapées le 28 novembre (1). Il souligne que le système actuel de financement du secteur est « inadapté » et propose une réforme de grande ampleur s’échelonnant jusqu’en 2016. Mais certaines mesures peuvent être mises en œuvre sans attendre, précise la mission. Ce qui pourrait bien être le cas au vu du programme d’actions présenté par la ministre déléguée aux personnes handicapées en octobre dernier. Marie-Arlette Carlotti avait en effet annoncé une remise à plat du secteur, avec une réforme de la tarification « de moyen, voire de long terme », tout en prévoyant « d’avancer plus rapidement en ce qui concerne l’objectif de simplification » (2).

L’impossible mesure de l’adéquation de l’offre aux besoins

Le secteur est marqué par des bouleversements législatifs récents – loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale et loi « handicap » du 11 février 2005 –, rappelle la mission. On est ainsi passé d’une notion de prise en charge des personnes handicapées, dans une « logique d’isolement de la société », à une notion d’accompagnement dans une démarche d’accès à tout pour tous. Pour les rapporteurs, les établissements et services, « toujours indispensables dans beaucoup de situations », doivent s’adapter en favorisant « au maximum » l’autonomie des personnes qu’ils accompagnent. Mais, déplorent-ils, faute d’outils appropriés, il n’est pas possible, d’une part, de chiffrer les besoins non satisfaits qui relèvent d’un accompagnement par un établissement ou un service et, d’autre part, de savoir si le service rendu par ces derniers est adapté aux besoins et rémunéré au juste prix. Rappelant le « contexte de finances publiques contraintes », la mission somme le gouvernement de ne « pas laisser un secteur de la solidarité nationale qui mobilise tous les ans plus de 16 milliards d’euros dans une absence quasi complète d’instruments de pilotage à la hauteur des enjeux ».

Des blocages liés aux modes de financement

Le système de planification, de financement et de tarification des structures n’a pas été adapté aux nouveaux besoins des personnes handicapées, déplore la mission, qui relève plusieurs obstacles à cette évolution. Tout d’abord, estime-t-elle, « la diversité des financeurs conduit à des décisions d’autorisation et des tarifications qui ne sont pas toujours cohérentes ni équitables ». De plus, « le fléchage des moyens ne permet pas forcément une mobilisation adaptée au territoire ». Autre difficulté identifiée : la tarification à la journée ou au forfait est « devenue dans bien des cas un obstacle à la qualité de l’accompagnement ». La mission estime encore que « la combinaison de prestations de services et d’établissements, la fluidité du parcours de la personne entre différentes structures du système médico-social, sanitaire ou de droit commun sont souvent difficiles ». « Une réforme est donc souhaitable », conclut-elle.

Un financeur unique par type de structures

Actuellement, l’assurance maladie et les conseils généraux se partagent le financement des maisons d’accueil spécialisées (MAS), des foyers d’accueil médicalisés (FAM), des services d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés (Samsah) et des centres d’action médico-sociale précoce (CAMSP). L’Etat assure quant à lui le financement des établissements et services d’aide par le travail (ESAT). Or, soulignent les rapporteurs, ces cofinancements des mêmes structures ou de structures complémentaires sont « facteurs de complexité, voire de blocage ». Ils recommandent donc la mise en place d’un financeur unique pour permettre « une meilleure programmation et un meilleur pilotage de la dépense ». A savoir, l’assurance maladie pour les MAS, les FAM, les Samsah et les CAMSP.

Dans le même temps, le rapport préconise l’unification des MAS et des FAM en une seule catégorie juridique car ces structures accueillent un public identique de personnes lourdement handicapées. A l’inverse, c’est une scission des Samsah en fonction de leur vocation sociale ou sanitaire qui est recommandée. Le financement des services orientés sur l’accompagnement serait ainsi confié aux conseils généraux tandis que ceux qui assurent principalement des soins seraient reconfigurés en services de soins infirmiers à domicile relevant de l’assurance maladie. Ces modifications pourraient intervenir dès 2014, selon le calendrier fixé par la mission. Pour les ESAT, elle préconise un transfert de compétences de l’Etat vers les conseils généraux, qui pourrait être mis en œuvre dès 2013 à l’occasion de l’acte III de la décentralisation (3). Ces mesures, affirme-t-elle, peuvent être réalisées sans charges nouvelles pour l’assurance maladie ou les départements : d’une part, en reprenant via la dotation générale de décentralisation (DGD) les crédits consacrés aujourd’hui par les conseils généraux au financement de ces structures et en les réintroduisant dans l’objectif global de dépenses (OGD) « personnes handicapées », d’autre part, en abondant la DGD des crédits des ESAT.

Un financement au forfait à titre transitoire

Le rapport préconise de mettre fin à la tarification au prix de journée qui génère des « risques de non-maîtrise de l’enveloppe » et une « complexité inutile pour les établissements, les tarificateurs et les payeurs ». Et, sans attendre la définition du « système cible qui paraîtra le mieux adapté », recommande de généraliser, à titre transitoire, un financement par dotation globale. Une mesure qui pourrait entrer en vigueur dès 2014. En complément, afin d’alimenter le dialogue budgétaire et d’étayer les décisions des autorités de tarification, la mission appelle l’administration centrale à reprendre l’exploitation des indicateurs socio-économiques – abandonnée il y a quatre ans –, tout en s’appuyant sur l’expérimentation d’indicateurs de gestion par l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux.

Priorité à l’évolution de l’offre existante

Dans l’état des connaissances sur les besoins restant à satisfaire, « ce serait une erreur d’engager un nouveau programme massif de créations de places équivalent à celui de 2008-2012 », juge la mission. Le plan, qui a prévu 50 000 places nouvelles (+ 12 %), est « en bonne voie de réalisation, mais n’a pas satisfait tous les objectifs qui lui étaient assignés ». Face à une offre approchant 450 000 places, les deux inspections recommandent de privilégier l’évolution de l’existant. Ce qui implique, selon elles, de généraliser un système d’échanges de données entre les maisons départementales des personnes handicapées, les établissements et les responsables des programmations départementales et régionales. Il faut aussi, estime la mission, harmoniser la formulation des décisions d’orientation des commissions des droits et de l’autonomie, mettre en place une gestion des listes d’attente, et surtout exonérer d’appel à projets les cas d’adaptation de l’offre d’un établissement existant dans le cadre d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens. Parallèlement, elle recommande d’accroître la fongibilité des enveloppes médico-sociale et sanitaire, en particulier s’agissant de la psychiatrie. Chaque agence régionale de santé (ARS) devrait ainsi être chargée de définir une cible de reconversion de structures psychiatriques en établissements médico-sociaux en vue d’un plan pluriannuel d’adaptation de l’offre.

D’une façon générale, la mission estime indispensable de mieux connaître l’offre existante. Elle recommande ainsi de confier aux ARS un recensement des jeunes adultes handicapés maintenus en établissements pour enfants et adolescents handicapés au titre de l’amendement « Creton ». Notant une progression de ces cas (plus de 6 000 en 2010), elle conseille le lancement d’appels à projets spécifiques, de type expérimental et très ouverts quant aux modalités de réponse aux besoins. Elle appelle également à répertorier les solutions existantes pour les personnes handicapées vieillissantes et à diffuser les bonnes pratiques identifiées. Autre chantier : la prise en charge des personnes handicapées françaises dans les établissements médico-sociaux belges. La mission demande aux pouvoirs publics de clarifier leurs objectifs en la matière. « Veut-on tarir les orientations vers la Belgique, voire rapatrier autant que possible et pour autant que les familles le souhaitent les enfants et adultes placés aujourd’hui ? », s’interroge-t-elle. Auquel cas elle recommande d’augmenter les enveloppes régionales d’autorisation de création de places (par diminution équivalente de l’enveloppe des placements extra-frontaliers) et de s’assurer que les modes d’accompagnement créés répondent aux attentes des familles, notamment de personnes autistes.

Des mesures de simplification

La mission prône plusieurs mesures de simplification de la réglementation existante. Elle recommande ainsi de clarifier les cas de prise en charge des transports, dont la dépense – actuellement estimée à environ 400 millions d’euros – est croissante et régulièrement contestée par l’assurance maladie. Elle suggère de confirmer que le transport collectif reste « la règle de base » et de préciser que les transports individuels sont possibles pour les personnes dont le handicap ne permet pas un transport collectif. Il faut aussi mieux définir le financeur, en fonction de la finalité du déplacement, et mettre en place une politique d’incitation à la maîtrise des coûts par les structures, estime-t-elle. Enfin, elle préconise de reprendre la révision des « annexes XXIV » qui régissent les établissements et services d’éducation spéciale prenant en charge les enfants et les adolescents handicapés mais qui sont aujourd’hui « obsolètes ».

Notes

(1) Etablissements et services pour personnes handicapées : offre et besoins, modalités de financement – Octobre 2012 – Disp. sur www.igas.gouv.fr.

(2) Voir ASH n° 2778 du 12-10-12, p. 5.

(3) Une mesure déjà évoquée par le président de la République qui, en octobre dernier, a annoncé que les conseils généraux « se verront confier l’ensemble des politiques du handicap » – Voir ASH n° 2778 du 12-10-12, p. 10.

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