Carmen, 27 ans, habitait avec ses deux jeunes enfants dans une cabane de fortune à Villeneuve-le-Roi (Val-de-Marne) quand les habitants du campement ont été expulsés de force le 11 septembre dernier. Elle a dû abandonner presque toutes ses affaires. On lui a néanmoins offert deux nuits d’hébergement d’urgence dans un hôtel, mais elle a dû marcher pendant des heures avec ses enfants et ses bagages pour parvenir à l’établissement situé à plusieurs kilomètres de la gare la plus proche. Quand les représentants d’Amnesty International l’ont rencontrée, le 22 septembre, elle vivait dans une petite tente pour deux personnes, avec son mari et ses enfants, dans un campement informel à Champs-sur-Marne (Seine-et-Marne). Ils n’avaient accès ni à l’eau ni à des sanitaires, et aucun des enfants n’était inscrit à l’école.
Dans son rapport sur les expulsions forcées de Roms en Ile-de-France (1), Amnesty International répertorie des dizaines de situations similaires. L’organisation a effectué des missions de recherche en France en février, mai, juin et septembre de cette année afin de rencontrer des Roms migrants vivant dans des campements informels (2), ainsi que des membres d’ONG et de comités de soutien, des avocats, des représentants des pouvoirs publics locaux et des responsables du gouvernement. « Chaque année, selon elle, des milliers de Roms sont victimes d’expulsions forcées de campements informels et de squats, sans véritable information, consultation ou préavis suffisant. »
En donnant la parole à ceux qui vivent sous la menace constante de perdre leur toit, le document met l’accent sur les conséquences des expulsions sur le quotidien des familles, notamment en termes d’accès aux soins et de scolarisation. « Jusqu’ici, en dépit des propos encourageants du nouveau gouvernement et de la publication de la circulaire sur l’anticipation et l’accompagnement des opérations d’évacuation [3], les expulsions forcées ont continué à se succéder sous le gouvernement actuel », regrette Amnesty, qui liste une série de recommandations. Elle demande notamment au gouvernement français de modifier les lois existantes pour interdire les expulsions forcées et de veiller à ce que les normes internationales relatives aux droits humains soient respectées ; de suspendre les expulsions de campements informels pendant la trêve hivernale et de faire en sorte que toute personne ait accès à un recours effectif (avec indemnisation, restitution, réadaptation et réhabilitation), et soit assurée que la situation ne se répètera pas. Elle souhaite, en outre, que « nul ne se retrouve sans abri à la suite d’une expulsion et que tout logement ou hébergement de remplacement soit convenable au regard des normes internationales ». L’organisation interpelle aussi les maires pour que les enfants puissent être inscrits à l’école et que les habitants des campements informels aient accès aux services essentiels (eau, électricité, assainissement, ramassage des ordures).
(1) « Chassés de toutes parts : Les expulsions forcées de Roms en Ile-de-France » –
(2) A Sucy-en-Brie (94), à la Porte de Paris à Saint-Denis (93), à Noisy-le-Grand (93), Triel-sur-Seine (78), Thiais (94), Ris-Orangis (91), Champs-sur-Marne (77), à la Porte d’Aubervilliers, à La Courneuve (93), à Bobigny (93), Évry-Courcouronnes (91) et Ivry-sur-Seine (94).
(3) Voir ASH n° 2772 du 31-08-12, p. 20.