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Sans-papiers : pour la CNCDH, la future « retenue » de 16 heures marque un « recul des droits »

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Le projet de loi relatif à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d’aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées (1), actuellement en cours d’examen au Parlement, « suscite de nombreuses inquiétudes ». A tel point que la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) a jugé bon de s’en autosaisir. Dans un avis du 22 novembre, l’instance n’est pas tendre avec le texte et en particulier avec la nouvelle procédure qu’il instaure – la « retenue » de 16 heures appelée à remplacer la garde à vue des sans-papiers –, qui, pour elle, marque un « nouveau recul » des droits des étrangers en situation irrégulière.

Rappelons que le nouveau régime de retenue spécifique prévu dans le projet de loi est censé combler le vide juridique provoqué par la Cour de cassation qui, le 5 juillet dernier, a déclaré non conforme au droit européen le placement en garde à vue (pour 24 heures renouvelables une fois) d’une personne sans papiers pour le seul motif qu’elle est en situation irrégulière (2). Un vide juridique qui fait qu’actuellement, une personne qui, à l’occasion d’un contrôle, refuse ou se trouve dans l’impossibilité de justifier de son identité peut simplement, si elle est soupçonnée du seul délit de séjour irrégulier, être retenue sur place ou conduite à un local de police pour une procédure de vérification d’identité d’un maximum légal de quatre heures. Un délai jugé par le ministre de l’Intérieur insuffisant pour engager une éventuelle procédure d’expulsion. D’où l’idée d’une « retenue » de 16 heures.

La CNCDH s’oppose d’emblée au principe même de la création d’une nouvelle procédure spécifique. Aux yeux de ses membres, les quatre heures de temps imparties actuellement pour vérifier l’identité d’une personne sont suffisantes pour permettre aux forces de l’ordre de s’assurer en même temps qu’elle est en règle avec la législation relative au séjour. Consciente toutefois que des situations complexes peuvent nécessiter des investigations particulières, la CNCDH préfère à la création d’une nouvelle « retenue » la voie d’un allongement de la durée de la procédure actuelle de vérification d’identité… à la condition que celui-ci soit « strictement nécessaire ». Les droits de l’étranger devraient en outre, dans ce cadre, être alignés sur ceux de la personne gardée à vue. Et la privation de liberté être « la plus brève possible ».

Si le législateur devait ne pas renoncer à la nouvelle procédure, la CNCDH estime que, à tout le moins, la durée prévue devrait être réduite. Elle lui apparaît en effet, en toute hypothèse, excessive « compte tenu de la finalité même de la mesure et en l’absence de toute suspicion de commission ou de tentative de commission d’une infraction ». Au passage, la commission souligne qu’« aucune justification chiffrée n’a été donnée » pour expliquer ce choix d’une durée de 16 heures. Et recommande plutôt de chercher une solution plus proportionnée comme « une permanence de nuit à la préfecture afin que les services de police puissent vérifier la régularité du séjour des intéressés dans un temps plus bref ».

Les critiques de l’instance ne s’arrêtent pas à des questions de délais mais concernent également les droits accordés à la personne placée en retenue. Des droits « beaucoup moins protecteurs » que ceux reconnus à une personne gardée à vue concernant le droit à un avocat, le droit à un interprète ou bien encore le droit au silence, affirme la commission. Le régime de la nouvelle retenue est également moins protecteur que celui de la rétention administrative, notamment concernant le droit de communiquer avec l’extérieur « qui est pourtant nécessaire pour permettre à l’étranger de prouver son droit au séjour ». Ainsi, pour la CNCDH, le projet de loi « s’inscrit dans le long processus de précarisation des droits des étrangers initié par les précédentes réformes ».

Notes

(1) Voir ASH n° 2777 du 5-10-12, p. 13.

(2) Voir ASH n° 2768 du 13-07-12, p. 18.

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