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Ecoles-universités : des recommandations pour des « coopérations équilibrées »

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Renforcer les partenariats avec les universités sans remettre en cause le caractère professionnel des formations.? Tel est le sens des recommandations du groupe de travail mandaté sur le sujet. Avec une priorité : la reconnaissance des diplômes de niveau III au grade de la licence.

Les coopérations entre le monde universitaire et les centres de formation en travail social sont désormais incontournables. L’inscription de l’appareil de formation dans l’espace européen de l’enseignement supérieur avec la mise en place du système « licence, master, doctorat » (LMD), mais aussi les évolutions rendent nécessaire « un haut niveau de compétences en combinant étroitement savoirs professionnels et savoirs théoriques », comme le soulignent les « Orientations pour les formations sociales 2011-2013 ». Pour avancer sur ce sujet, débattu depuis plusieurs décennies et politiquement délicat, la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) a confié en juillet 2011 à ? Marcel Jaeger, titulaire de la chaire « travail social et intervention sociale » du Conservatoire national des arts et métiers, la responsabilité d’un groupe de travail, dont le premier intérêt a été de réunir l’ensemble des partenaires.

Le rapport qu’il vient de rendre (1) met en évidence qu’il s’agit d’une question ancienne : pour complexes qu’elles soient, les relations entre établissements de formation en travail social (EFTS) et universités sont, dans certains cas, contemporaines de la naissance des professions du travail social. Et, le plus étonnant, c’est que ces coopérations ont continué à se développer malgré un très faible portage politique. Tout d’abord, en 1975, le législateur choisit de confier la formation des travailleurs sociaux à des écoles « consolidées comme des centres de formation professionnelle » plutôt qu’à l’université. Et cette orientation professionnelle sera réaffirmée par la loi du 13 août 2004 qui transfère les formations sociales aux conseils régionaux – et fera l’impasse sur les partenariats avec les universités.

Dans ce contexte, la direction de l’action sociale se montre très prudente sur ces coopérations qu’elle limite, en 1976, au recours à des vacataires issus de l’université. Une conception restrictive destinée à préserver l’équilibre « entre formation générale et préparation plus directe à l’exercice d’une profession ». Finalement, en dehors de l’impulsion donnée à la création du diplôme supérieur en travail social en 1978 – remplacé par le diplôme d’Etat d’ingénierie sociale (DEIS) en 2006 –, qui, parce qu’il était associé à une maîtrise, a ouvert la voie des doubles certifications, il n’y a pas eu de volonté politique de développer les relations avec les universités. En 1992, le groupe le travail piloté par Pierre Cornillot et Michel Thierry sur « la valorisation universitaire de la formation des travailleurs sociaux » en fera les frais : ses propositions pour promouvoir des formules intégrées licence/diplôme d’Etat resteront lettre morte. Et, quand la Cour des comptes aborde, en 2006, le rôle de l’Etat dans la formation des travailleurs sociaux, elle ne fait qu’une seule fois référence à l’université dans une recommandation sur… la mobilité étudiante ! Alors même que les partenaires sociaux sont convaincus de l’importance du dossier : dans un avis du 24 mai 2000, le Conseil économique et social invite à intensifier l’effort de conventionnement entre universités et centres de formation par des incitations publiques.

Des collaborations « en creux »

Pourtant, malgré la frilosité des pouvoirs publics, les partenariats ne vont pas cesser de se développer. Dès 1977, une enquête effectuée pour l’Association nationale des assistants de service social relève un double mouvement des universités qui voient dans le travail social un marché possible et des travailleurs sociaux qui voient dans les premières un moyen de développer leur capacité d’analyse et de revaloriser leur statut. Reste que ces coopérations « se sont généralement constituées en creux, en fonction des opportunités locales et, souvent, en fonction des relations interpersonnelles entre des acteurs de la formation en travail social et des universitaires ».

Un autre intérêt du rapport est de donner une photographie, pour la première fois, des partenariats existants. Selon l’étude réalisée de novembre 2011 à juin 2012 par le cabinet Strasbourg Conseil à la demande de la DGCS, 64 écoles de travail social, 9 universités et 4 lycées (à partir des réponses de 125 établissements) font état de coopérations formalisées. 87 % des coopérations concernent la formation (voir encadré ci-dessous), 8 % la recherche et 4 % les conditions d’études et de vie des étudiants.

Si des difficultés d’ordre administratif ou pédagogique sont signalées, les EFTS et les universités soulignent les effets positifs de ces coopérations en termes d’ouverture et de reconnaissance (au sein de la communauté universitaire ou auprès des professionnels) et d’accroissement de la qualification pour les étudiants. Reste qu’elles dépendent beaucoup des relations interpersonnelles et qu’elles sont freinées par le faible soutien institutionnel, notamment au sein des universités, ou par le peu de reconnaissance du secteur social par la communauté académique. Tirant les leçons des expériences de certains établissements, le rapport identifie les conditions favorables à leur développement : pour assurer une gouvernance adaptée, il suggère ainsi, en se basant sur les initiatives développées en Languedoc-Roussillon, d’aller plus loin que le conventionnement en adoptant des formules du type groupement d’intérêt public et d’inscrire les coopérations dans une dynamique de territoire. Enfin, ces rapprochements rendent nécessaires des réajustements de l’offre de formation des EFTS et la construction de dispositifs d’accompagnement pour les étudiants en difficulté.

Evolution des esprits

Le groupe de travail invite donc à renforcer les coopérations universités-centres de formation sans remettre en question l’ancrage des diplômes de travail social dans le registre professionnel, et fait état des attentes des partenaires sur le sujet. On notera d’ailleurs l’évolution des esprits dans un environnement national et international profondément modifié, puisque l’Unaforis (Union nationale des associations de formation et de recherche en intervention sociale) et le RUFS (Réseau universitaire des formations du social) s’accordent sur l’existence d’un système mixte de formation au travail social où les futures hautes écoles professionnelles d’action sociale et de santé (Hepass) et l’université ont chacune leur place. Quant à la Commission paritaire nationale de l’emploi et de la formation professionnelle de la branche, elle se dit également favorable au rapprochement des établissements avec l’université tout en insistant sur des rapports équilibrés « afin de proportionner l’apport sur les “contenus métier” et celui sur les “cultures métiers” ». Plus étonnante, la position défensive de l’Association des régions de France, qui s’est peu exprimée jusqu’ici : si elle est favorable à l’ancrage des formations sociales dans l’enseignement supérieur, elle se dit réservée sur le modèle des Hepass, « qui propose prioritairement une structuration de l’appareil de formation existant, qui est, pour ce qui concerne la formation initiale et l’apprentissage, de la compétence stricte des régions ». Crainte d’une remise en cause de son rôle de chef de file de la formation professionnelle ?

Le groupe de travail s’est accordé autour de plusieurs recommandations. Une urgence tout d’abord, achever le processus d’intégration des formations sociales dans le cadre du système LMD. Avec une revendication majeure : reconnaître les diplômes d’Etat de niveau III au grade de la licence, donc au niveau II du répertoire national des certifications professionnelles et au niveau 6 du cadre européen des certifications. Le rapport veut en effet « mettre fin à l’injustice du décrochage des formations sociales » par rapport aux infirmiers pour lesquels le choix a été fait de la délivrance conjointe au diplôme d’Etat du grade de licence avec une implication statutaire (catégorie A de la fonction publique avec, pour les professionnels en poste, le renoncement à la retraite à 55 ans). Il estime aussi que cette mesure préviendra « le risque émergeant de baisse d’attractivité des diplômes de travail social ». Reste que ce dossier est dans une impasse politique et budgétaire. Selon la même logique, il est proposé de conférer le grade de master à l’ensemble des diplômes de niveau I et d’ouvrir les formations sociales à la voie doctorale afin de mieux associer formation et recherche.

Pas d’obligation mais des incitations

Deuxième recommandation : développer des « coopérations équilibrées » avec les universités. Toutefois, face aux incertitudes liées au nouveau chantier de la décentralisation et afin d’éviter des velléités de domination d’un des partenaires, le groupe de travail se montre très prudent. Il n’est pas favorable à une obligation de conventionnement avec les universités, contrairement à ce qui a été mis en place pour le diplôme d’Etat infirmier. Il se prononce plutôt pour des incitations fortes à la signature de conventions tripartites universités-Hepass-conseils régionaux, la région apparaissant garante de l’équilibre. Estimant, par ailleurs, « impératif » que celles-ci traitent de la recherche, il souhaite l’intégration des EFTS dans les pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) (2). Enfin, le rapport propose un suivi des coopérations par le Conseil supérieur du travail social et une évaluation par l’AERES (Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur).

LES COOPÉRATIONS EN MATIÈRE DE FORMATION

149 coopérations portent sur la formation ou le parcours des étudiants :

→ 54 concernent les formations de niveau III et visent à organiser :

– une double certification (diplôme d’Etat couplé à une licence de sciences de l’éducation, de sociologie ou d’administration économique et social [33 %]),

– des mobilités des étudiants et/ou des enseignants (30 %),

– des cours « croisés » formateurs/universitaires (17 %) ;

→ 44 concernent les formations de niveau II et I et portent sur :

– la coopération obligatoire dans le cadre du DEIS construit avec un master (50 %),

– l’organisation d’une double certification pour le Caferuis et le Cafdes avec un master (34 %),

– la participation d’universitaires aux enseignements ;

→ 45 concernent des formations dispensées par une université et portent sur :

– la participation des écoles de travail social sous forme d’ingénierie pédagogique ou d’intervention de formateurs (75 %),

– des partenariats dans le cadre du DEIS (16 %),

– un appui à la préparation des étudiants en licence aux concours d’entrée aux écoles de travail social.

Notes

(1) « La coopération entre les établissements de formation préparant aux diplômes de travail social et les universités ».

(2) Les PRES permettent aux universités, aux grandes écoles et aux organismes de recherche de mutualiser leurs activités et leurs moyens. On en compte 26.

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