Le président du comité de suivi de la mise en œuvre du droit au logement opposable (DALO), Xavier Emmanuelli, a remis le 28 novembre au chef de l’Etat le sixième rapport annuel de l’instance (1). Comme les années précédentes, le comité de suivi fait le constat d’une loi très inégalement appliquée. Et, pour améliorer la situation, avance des propositions dont il demande qu’elles soient prises en compte dans le futur plan quinquennal de lutte contre la pauvreté et l’exclusion, actuellement en préparation. Aussi et surtout, le comité déplore que, « trop souvent, le renoncement s’insinue ». « On pose en préalable qu’il ne serait pas possible de reloger tous les prioritaires DALO, se dispensant ainsi d’en chercher les moyens », écrit Xavier Emmanuelli dans son avant-propos, sollicitant en conséquence du président de la République un « rappel à la loi ». L’Etat, en tant que garant du DALO, doit « user de toutes ses prérogatives » pour le faire respecter, estime le président du comité. Ce droit « doit être réaffirmé au plus haut niveau de l’Etat ». D’où son appel à François Hollande.
Comme chaque année, le rapport du comité de suivi dresse un bilan chiffré de l’application de la loi DALO. Le nombre de recours déposés n’a cessé de progresser depuis le 1er janvier 2008, date à laquelle le recours amiable a été ouvert devant les commissions de médiation. La tendance s’est encore vérifiée au premier semestre 2012 avec près de 7 000 recours par mois (contre un peu plus de 6 000 en 2011 et un peu plus de 5 700 en 2010…). L’Ile-de-France a représenté 59 % des recours. Une part en légère diminution puisqu’elle était de 61 % les deux années précédentes. En province, sept départements ont eu plus de 100 recours par mois : Bouches-du-Rhône, Haute-Garonne, Var, Nord, Rhône, Alpes-Maritimes, Hérault. 14 départements en ont eu entre 30 et 100, dont la Réunion qui a enregistré sur les six premiers mois de 2012 autant de recours que pendant toute l’année précédente. 21 départements ont eu une activité DALO modérée, enregistrant entre 10 et 29 recours par mois. Enfin, 51 départements ont eu moins de 10 recours par mois. La Meuse est le seul département à n’avoir reçu aucun recours depuis la mise en place du DALO. Autre donnée intéressante : 88 % des recours ont visé à obtenir un logement. Seulement 12 % concernaient une demande d’hébergement (contre 14 % en 2011).
Le rapport du comité de suivi rend compte également du profil des requérants. Les recours « logement » ayant fait l’objet d’une décision au premier semestre 2012 émanaient ainsi à 59 % de personnes de nationalité française et à 38 % d’étrangers (dont seulement 3 % de ressortissants communautaires). S’agissant de la composition familiale des demandeurs, le comité note la forte représentation des familles monoparentales (34 %) et des personnes isolées (32 %).
Comment ont été accueillis ces recours ? Le rapport indique que, toujours au premier semestre 2012, 37 % des requérants ont obtenu une décision favorable (contre 38,9 % en 2011) et 7 % ont été relogés avant que la commission ne rende une décision. Le comité note également l’augmentation du taux de décision de rejet (55,2 % contre 51,8 % en 2011).
Dans quelle proportion les ménages désignés prioritaires ont-ils obtenu ce qu’ils demandaient ? S’agissant des relogements, le comité estime que, au plan national, « les chiffres sont particulièrement préoccupants ». Ainsi, seuls 50 % des ménages ayant reçu une décision favorable ont obtenu un relogement. Un taux en chute par rapport à 2011 et ses 61,7 % de ménages prioritaires relogés. Un phénomène qui est surtout le fait de l’Ile-de-France, où ce taux est passé de 49,1 % l’an dernier à 33,6 % au premier semestre 2012. Conséquence de cette chute, le retard de relogement s’accroît. Ainsi, le rapport estime que, en Ile-de-France, 27 500 ménages prioritaires sont en attente d’un relogement.
Le bilan est également sombre s’agissant des décisions relatives à l’hébergement, dont l’application est « très fortement défaillante ». Ainsi, moins d’une personne prioritaire sur trois (29 %) a reçu une offre, indique le comité de suivi pour qui « il n’est pas interdit de voir un lien entre l’absence d’offre d’hébergement suite au recours DALO et la diminution du nombre de ces recours ». Pour l’instance, du reste, la crise de l’hébergement interroge le sens même de la voie de recours ouverte par la loi DALO. « Le non-respect du droit à l’hébergement va bien au-delà des requérants. Il touche même aujourd’hui des familles à qui le 115 n’est pas en capacité d’apporter la réponse immédiate et inconditionnelle prévue par la loi. » Au passage, le comité souligne que le droit à un hébergement d’urgence a été récemment rappelé par le Conseil d’Etat, qui a qualifié son non-respect d’atteinte à une liberté fondamentale (2).
Entre le 1er septembre 2011 et le 31 août 2012, 5 525 ménages prioritaires DALO ont déposé un recours au tribunal administratif à la suite de la non-mise en œuvre de la décision favorable de la commission de médiation. Un chiffre stable par rapport aux années précédentes. La répartition géographique des recours continue, par ailleurs, d’être fortement concentrée. Les tribunaux franciliens enregistrent ainsi 79 % d’entre eux (39 % pour Paris). La région Provence-Alpes-Côte d’Azur et l’Hérault en enregistrent 14,4 %.
Sur 5 547 jugements rendus, 78,1 % ont débouché sur une injonction au préfet et 11 % sur un rejet.
Le comité de suivi avance 47 propositions dont certaines figuraient déjà dans les rapports précédents. En matière d’hébergement, l’instance propose notamment que les projets territoriaux de sortie de l’hiver annoncés par le gouvernement (3) fassent l’objet de « conférences territoriales » dans chaque département. Organisées une fois par an, elles associeraient le conseil général, les intercommunalités, les acteurs de la santé, du logement et de l’hébergement. Leur objet serait de « poser un diagnostic découlant de l’activité des SIAO [services intégrés d’accueil et d’orientation]
Le comité de suivi revient sur le phénomène des expulsions sans offre de relogement de personnes reconnues prioritaires au titre du DALO, réclamant notamment que la circulaire du 26 octobre 2012 – censée y mettre fin (4) – soit « scrupuleusement appliquée ». L’instance demande en outre que, lorsque le préfet est saisi d’une demande de concours de la force publique pour une personne dont le recours DALO est en instance, il fasse en sorte de disposer de la décision de la commission de médiation avant de prendre sa décision. Il formule par ailleurs à nouveau des propositions pour développer la prévention, suggérant par exemple aux pouvoirs publics de mettre en place un pilotage national de la prévention des expulsions et de structurer son organisation au niveau de chaque département, ou bien encore de maintenir systématiquement l’aide au logement aux ménages en impayé de loyer en la versant au propriétaire.
Autres sujets faisant l’objet de recommandations : la mobilisation de logements privés – « il faut maintenant dire combien et où » –, la situation particulière de l’Ile-de-France ou bien encore l’attribution des logements locatifs sociaux, que le gouvernement a l’intention de réformer. Sur ce dernier point, l’instance propose, entre autres, de « réécrire le cadre législatif en clarifiant les priorités nationales, leur statut et les droits du demandeur ». « Il s’agit notamment d’inscrire explicitement les conditions ouvrant droit au recours DALO parmi les critères de priorité et de mettre en place un dispositif transparent de sélection des candidats qui s’impose à chaque réservataire ainsi qu’au bailleur social pour les logements non réservés », explique le rapport.
A noter : le comité de suivi met également en avant, comme chaque année, un échantillon de « bonnes pratiques » qui « montrent que la loi peut être respectée » et « peuvent toutes être source d’inspiration sur un autre territoire ». Cette année, elles sont au nombre de 16 et portent sur cinq sujets : l’accès au droit, la prévention des expulsions locatives, le relogement, les copropriétés dégradées et la précarité énergétique.
(1) « Droit au logement : rappel à la loi », VIe rapport du comité de suivi de la mise en œuvre du droit au logement opposable, novembre 2012 – Disponible sur
(2) Voir ASH n° 2747 du 17-02-12, p. 9.
(3) Voir ASH n° 2782 du 9-11-12, p. 33.
(4) Voir ASH n° 2781 du 2-11-12, p. 36.