Le régime d’exception imposé aux gens du voyage par la loi du 3 janvier 1969, qui les oblige notamment à détenir un titre de circulation, est dénoncé de longue date par les associations de défense des droits de l’Homme et de lutte contre les discriminations. Il est aussi contesté par certains élus. En attendant de connaître le sort que lui réserveront les parlementaires (1), le Conseil constitutionnel a, le 5 octobre dernier, d’ores et déjà supprimé un des titres de circulation existant – en l’occurrence le carnet de circulation, dont la délivrance était liée à une condition de ressources et qui devait être visé tous les trois mois par les forces de l’ordre – ainsi que la peine de prison frappant les personnes circulant sans ce document. Il a également jugé contraire à la Constitution l’obligation d’être inscrit plus de trois ans dans une commune pour pouvoir voter (2). Le ministère de l’Intérieur en tire aujourd’hui les conséquences dans une note adressée aux préfets dans laquelle il fait le point sur les règles désormais en vigueur, sans préjuger « d’évolutions ultérieures de la législation ».
Le ministère demande aux représentants de l’Etat de veiller à ce qu’aucun carnet de circulation ne soit plus délivré ou prorogé et à ce que ceux délivrés avant le 6 octobre 2012 (3) ne soient plus visés par les autorités de police ou de gendarmerie.
Les préfets sont également invités à faciliter la délivrance d’un livret de circulation – désormais seul titre mentionné dans la loi de 1969 exigible des gens du voyage – aux personnes le demandant en remplacement du carnet de circulation. Comme le critère de ressources n’a pas à être pris en compte pour la délivrance de ce document, « l’absence de justificatif de ressources ne peut pas fonder un refus de délivrer le livret », précise la note.
S’agissant de l’exercice des droits civiques, le ministère de l’Intérieur souligne que les personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe peuvent désormais s’inscrire sur les listes électorales de leur commune de rattachement sans condition de délai. La note rappelle toutefois que les autres conditions encadrant l’inscription sur les listes électorales n’ont, en revanche, pas été modifiées par le Conseil constitutionnel. Et en particulier celle, tirée du code électoral, exigeant du demandeur qu’il atteste d’une attache avec la commune d’inscription (en plus de sa qualité d’électeur). « En cas de changement de commune de rattachement, la décision du préfet, portant acceptation de ce changement, est notifiée au maire de l’ancienne commune », indique le ministère. Cette notification, explique-t-il, « sert de base juridique pour procéder à la radiation de l’intéressé, lors de la première révision annuelle des listes électorales qui suit la décision de changement de commune de rattachement ».
Une autre voie peut permettre aux gens du voyage de s’inscrire sur les listes électorales. Prévue à l’article L. 15-1 du code électoral, elle s’adresse aux citoyens ne pouvant fournir la preuve d’un domicile ou d’une résidence, ou dont la loi n’a pas fixé de commune de rattachement. Elle leur permet d’élire domicile soit auprès d’un centre communal ou intercommunal d’action sociale, soit auprès d’un organisme agréé à cet effet. L’organisme concerné leur délivre alors une attestation d’élection de domicile qui leur permet notamment de s’inscrire sur les listes électorales de la commune où il est situé, à l’issue d’un délai de six mois. Cette modalité d’inscription était ainsi, jusqu’alors, plus favorable aux gens du voyage puisqu’elle leur permettait de s’inscrire sur les listes après seulement six mois (et non trois ans) de rattachement à un organisme. Cela n’est plus le cas désormais, « sauf pour les gens du voyage qui n’auraient pu obtenir le rattachement demandé », souligne le ministère. « Leur inscription sur les listes électorales pourra alors être faite sur production de leur carte d’identité et de l’attestation » d’élection de domicile.
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(1) Rappelons que, en février 2011, les députés ont rejeté une proposition de loi socialiste demandant l’abrogation de la loi de 1969. Deux nouvelles propositions de loi allant dans ce sens ont été déposées cette année, l’une portée par la sénatrice écologiste Esther Benbassa et l’autre par le sénateur (UMP) Pierre Hérisson.
(3) Date de publication au Journal officiel de la décision du Conseil constitutionnel.