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L’Hexagone à la traîne…

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Alors que de nombreux Etats ont créé des doctorats, notre pays peine à sortir de ses débats franco-français.

La France est en retard dans le développement de la recherche dans le champ du travail social. Le projet de créer des Hepass (hautes écoles professionnelles d’action sociale et de santé) vise d’ailleurs à l’aligner sur de nombreux Etats européens ou américains qui, en intégrant leurs écoles à l’université (la majorité) ou dans des hautes écoles, ont sorti leur système de formation en travail social d’un modèle purement professionnel pour l’inscrire dans l’enseignement supérieur.

Cette évolution a commencé il y a plus de un siècle aux Etats-Unis. Les universités de ce pays (106 en 2012 pour 35 Etats), du Canada et d’Amérique latine reconnaissent le travail social comme une discipline académique et délivrent des bachelors, masters, doctorats de travail social. Si le mouvement a gagné les Etats européens et s’est accéléré avec les accords de Bologne (1), il se déploie de façon très hétérogène en fonction des histoires et des traditions. Et, en l’absence de recherche comparative – à part l’étude de Françoise Laot menée en 1998 (2) et l’ouvrage dirigé par Emmanuel Jovelin (3) –, on ne dispose que d’informations parcellaires recueillies dans le cadre des échanges développés par les écoles, les universités ou les associations.

On peut en déduire que le travail social est reconnu comme une discipline académique en Suède, en Finlande, en Grande-Bretagne et en Hongrie, qui ont choisi le modèle universitaire, mais aussi au Portugal (qui a un système mixte universités-hautes écoles-instituts de travail social), en Allemagne (dotée d’universités de sciences appliquées, les fachhoschulen) ou en Pologne (dans le cadre d’académies professionnelles), et le cursus va du bachelor au doctorat. Dans d’autres Etats, le travail social est enseigné à l’université, mais dans le cadre d’une discipline de rattachement (la sociologie en Italie) – une formule dont s’inspire le projet de doctorat du CNAM. L’exemple anglais, avec la création de doctorats professionnels en travail social, montre aussi que l’université peut considérer le travail social comme un métier – mais ces doctorats sont perçus aujourd’hui comme étant « de seconde zone » (4). Une conception proche de la haute école spécialisée de Suisse occidentale, qui reconnaît le travail social comme « un domaine professionnel » et délivre un bachelor et un master – le doctorat est en cours de réflexion.

On le voit, la mise en place du système licence-master-doctorat ne passe pas nécessairement par la reconnaissance d’une discipline académique du travail social. Sachant que tous les Etats n’ont pas la même approche de la discipline et que les critères imposés par l’université française sont particulièrement rigoureux. En outre, même là où il est considéré comme une discipline, le travail social reste dominé par les sciences sociales et humaines et doit réussir à s’imposer.

Si, dans l’ensemble des Etats, son intégration dans l’enseignement supérieur a donc été, et est encore, source de tensions, celles-ci sont particulièrement aiguës en France. Tout d’abord, et malgré une ouverture depuis 20 ans, l’université y oppose une forte résistance en raison de sa vision élitiste de la recherche mais aussi, pour certains, des origines confessionnelles du travail social contraires à son approche laïque. Ensuite, le milieu professionnel – praticiens, formateurs et/ou chercheurs – est lui-même très divisé : quand certains revendiquent la reconnaissance du travail social à égalité avec la sociologie, d’autres craignent une « universitarisation » des formations et la disparition de la pratique. Enfin, l’absence de vision politique des autorités de tutelle éclatées entre des ministères cloisonnés (Affaires sociales, Education nationale et Enseignement supérieur) ne facilite en rien l’avancée du débat.

Notes

(1) 47 pays européens se sont engagés à créer un espace européen de l’enseignement supérieur et à harmoniser leurs diplômes sur le système licence/bachelor-master-doctorat.

(2) Etude sur les doctorats en travail social en Europe (financée par le Fonds social européen).

(3) Histoire du travail social en Europe – Ed. Vuibert, 2008 – 28 € – Voir ASH n° 2578 du 24-10-08, p. 39.

(4) La Grande-Bretagne a aussi des doctorats académiques de travail social.

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