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Conférence de consensus « recherche et travail social » : sept questions pour comprendre

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Les 15 et 16 novembre, plusieurs experts ont été auditionnés lors de la conférence de consensus sur « la recherche en/dans/sur le travail social ». En attendant les recommandations du jury, les ASH reviennent sur les principaux enjeux d’un événement lancé il y a un an.
1 Pourquoi une conférence de consensus ?

La question de fond est de savoir comment développer la recherche dans le champ du travail social. Du fait du choix français d’enseigner le travail social dans des écoles professionnelles, celle-ci, malgré diverses initiatives, a été peu encouragée. Elle a donc surtout été investie par des sociologues et des chercheurs en sciences de l’éducation extérieurs au champ. Or les évolutions (harmonisation européenne, réformes des diplômes, concurrence avec l’université…) invitent à ce que les professionnels soient, eux aussi, en capacité de produire de la connaissance. Ce qui réactive des débats très anciens, et des oppositions parfois tranchées au sein même du secteur, sur la reconnaissance des savoirs professionnels et sur le développement d’une recherche ciblée sur les pratiques d’intervention, peu étudiées. Avec, en toile de fond, des enjeux de valorisation du travail social et des stratégies d’acteurs.

Pour avancer sur un sujet, qui divise particulièrement en France (voir page 28), la chaire de travail social et d’intervention sociale du CNAM (Conservatoire national des arts et métiers) et l’Unaforis (Union nationale des associations de formation et de recherche en intervention sociale), soutenues par des associations professionnelles (1) et appuyées par la direction générale de la cohésion sociale, ont lancé, le 14 octobre 2011, une conférence de consensus sur « La recherche en/dans/sur le travail social » (2), dont la séance plénière s’est déroulée les 15 et 16 novembre. L’initiative s’inscrit aussi dans le droit-fil des préoccupations des deux promoteurs de créer un doctorat de travail social et des hautes écoles professionnelles en action sociale et de santé (Hepass).

A l’issue des auditions, souvent très animées, des experts (professionnels du travail social et/ou chercheurs), le jury – présidé par Yannick Moreau, présidente de section au Conseil d’Etat, et composé d’une vingtaine de membres français et étrangers – devrait rendre ses recommandations en janvier 2013 (3). Huit questions portant sur le statut des savoirs professionnels, l’existence d’une science du travail social et d’une recherche endogène au secteur lui ont été posées. Si Sabine Fourcade, directrice générale de la cohésion sociale, a exprimé, le 15 novembre, le besoin de disposer d’une « recherche coordonnée » pour « identifier les nœuds à dénouer » entre les politiques sociales et les pratiques des professionnels, la formule retenue permettra-t-elle de faire avancer les débats ? Certains émettent des réserves (voir encadré, page 25).

2 Les savoirs du travail social peuvent-ils être reconnus comme une science et donc comme une discipline académique ?

Cette question fait l’objet de débats passionnés depuis 40 ans. Pour les uns, le travail social ne remplit pas les conditions pour être une science. « Il n’y a pas de consensus établi pour délimiter un objet autonome sur lequel il exercerait son expertise. Si l’on parcourt les publications du secteur, on y parle de pratiques, de missions, de valeurs, d’accompagnement mais nullement d’un objet original duquel les travailleurs sociaux seraient des théoriciens experts », explique Daniel Verba, sociologue à l’université Paris-XIII. Il évoque également la réticence des professionnels, « qui revendiquent l’horizon indépassable de la singularité », à s’engager dans une démarche rationnelle fondée sur la classification et l’évaluation. Et, surtout, le fait que le travail social ne bénéficie pas, du moins en France, de la reconnaissance académique – disposer d’une section au conseil national des universités et de diplômes universitaires – qui lui permettrait de faire valoir, au sein des instances de recherche légitimes, sa scientificité. C’est également une impasse pour l’Acofis (Association des chercheurs des organismes de la formation et de l’intervention sociales) de penser que le travail social, qui résulte d’une volonté politique et prend la forme d’activités sociales conduites par des personnes qualifiées, puisse être une science.

Autre argument : une science du travail social risquerait d’être une science de seconde zone. Si dans d’autre secteurs, comme les sciences de l’éducation ou les sciences de gestion – il est également question en France de reconnaître des sciences infirmières –, des savoirs professionnels ont été transformés en sciences, « celles-ci ont du mal à faire valoir, dans la recherche, leur position de sciences légitimes », affirme Daniel Verba.

Enfin, pour Paule Sanchou, présidente du RUFS (Réseau universitaire des formations du social – qui réunit 24 universités et départements d’IUT « carrières sociales »), « les disciplines académiques sont suffisantes pour mener des recherches sur l’intervention sociale sans qu’il soit besoin de créer une science du travail social ».

A l’opposé Stéphane Rullac, anthropologue, réfute ces arguments. Il y voit l’expression de la domination des sciences sociales, sociologie en tête, et la volonté de conserver leur quasi-monopole sur ce champ. « Le statut d’une science est, en effet, le fruit d’un rapport de forces construit socialement », souligne-t-il. Il explique aussi cette résistance par l’incapacité des sciences sociales, « dominées par le positivisme scientifique », à reconnaître les savoirs pratiques. C’est ainsi que « la compétence théorique des travailleurs sociaux, forgée au cœur de leur pratiques, n’est pas reconnue ».

Pour le coordonnateur du Centre d’études et de recherches appliquées (Buc Ressources), le travail social possède pourtant son objet théorique dont la finalité est pratique, « par le biais de l’opérationnalité de sa fonction sociale ». Il plaide donc pour que soit reconnue une « science appliquée du travail social », ce qui suppose d’organiser ce champ de façon à ce qu’il puisse produire des connaissances scientifiques (4). L’enjeu serait de développer une recherche scientifique « en » travail social (endogène au secteur et effectuée par ses professionnels), seule à même « d’objectiver le caractère appliqué du travail social », à côté d’une recherche « sur » le travail social (en extériorité).

3 Peut-il exister une recherche « en » travail social ?

C’est la revendication de l’Affuts (Association française pour la promotion de la recherche en travail social), qui cite l’exemple des Etats-Unis et de plusieurs pays européens (voir page 28) – même si ses membres sont divisés sur la reconnaissance d’une science du travail social. Considérant que les recherches en sciences sociales faites par des chercheurs extérieurs sont nécessaires mais se sont révélées insuffisantes pour appréhender les pratiques « réelles » des travailleurs sociaux, Eliane Leplay, sa vice-présidente, estime nécessaire d’instituer, à côté, une recherche « en » travail social dont l’objet spécifique est « l’agir et la pensée de l’agir professionnel ». Pluri et interdisciplinaire, menée par des professionnels du travail social (praticiens et/ou formateurs-chercheurs), qui feraient appel, si besoin, à des chercheurs extérieurs, elle aurait comme finalité « d’étudier les pratiques de terrain pour les rendre intelligibles dans toute leur complexité et en prenant en compte leur caractère situé ». Il s’agirait de « construire avec les praticiens les fondements épistémiques, éthiques et pragmatiques de leurs activités professionnelles dans tous les secteurs spécialisés de leur intervention ».

Pour Joël Cadière, sociologue, la recherche en travail social existe déjà, à travers les travaux de nombreux professionnels. Et leurs productions s’inscrivent en majorité dans le courant de la recherche-action, « dont la posture vis-à-vis de l’objet – le praticien est en même temps chercheur – constitue sa spécificité ». Il invite à réactualiser cette méthodologie pour l’introduire dans le champ académique de la recherche. Il voit dans la recherche action « un chemin singulier de production de connaissances, qui se fonde sur une critique de l’action venue non de l’extérieur, mais de ceux qui l’exercent – d’où son aspect démocratique et émancipatoire ».

Mais, s’il s’agit d’une méthode scientifique intéressante, cette forme de recherche « ne peut pas, parce qu’elle est impliquée et qu’elle n’est pas propre au secteur, être confondue avec une recherche “en” travail social », affirme, à l’inverse Manuel Boucher, sociologue et directeur scientifique du laboratoire d’étude et de recherche sociales (IDS-IRTS de Haute-Normandie). Selon lui, l’enjeu n’est pas de construire une « improbable recherche en travail social », mais de permettre aux travailleurs sociaux d’intégrer dans leurs pratiques les connaissances produites par les disciplines académiques. Pourtant, si le président de l’Acofis juge impossible, du point de vue scientifique, de construire une recherche « en » travail social, il estime envisageable de créer un espace de formation et de recherche – ou un département « travail social » –, reconnu au niveau académique ; celui-ci articulerait les sciences sociales à l’analyse des pratiques, tisserait des liens entre les chercheurs, les formateurs et les praticiens et doterait le travail social d’un corpus théorique, méthodologique et déontologique. Créé au sein de l’université ou des futures Hepass, ce département assurerait au travail social une plus grande autonomie par rapport aux pouvoirs politiques et économiques.

Si la recherche en travail social n’est pas constituée d’un point de vue scientifique, il est toutefois possible de créer « une recherche scientifique appliquée au travail social », défend, pour sa part, Gérard Moussu, responsable du pôle « évaluation, recherche, développement » de l’IRTS Aquitaine. Encore faut-il, pour permettre aux praticiens de produire des connaissances objectives sur leur action « qui ne soient pas une simple mise en récit de leur activité », renforcer le corpus théorique et méthodologique, encore faible en France. Il propose notamment de recourir, comme aux Etats-Unis, aux méthodes quantitatives, peu utilisées dans notre pays, à côté des méthodes qualitatives. Une ouverture toutefois freinée, selon ce sociologue, par les emprunts à certains courants de psychanalyse dans le travail social.

4 Quelle structuration du champ d’une recherche relative au travail social ?

Certains veulent dépasser ces débats et estiment que la question principale est celle de la structuration d’un espace de recherche qui englobe les productions des étudiants, des formateurs, des praticiens et des chercheurs. Dans leur esprit, la recherche doit se décliner selon ses modalités – recherche fondamentale, recherche appliquée, recherche-action… – en fonction de ses destinataires – employeurs, chercheurs, administrations. « Toutes ces dimensions sont parfaitement compatibles », défend François Sentis, responsable de la commission « Recherche » de l’Unaforis.

La priorité est toutefois, selon lui, de donner les moyens aux centres de formation de faire de la recherche académique afin de « pouvoir produire de la connaissance sur les questions qui traversent le travail social ». Ce sont « les espaces les mieux placés pour accueillir la dynamique d’interaction entre terrains et recherches ». L’idée, débattue au sein de la commission, serait de parvenir à créer, d’ici une dizaine d’années, deux ou trois laboratoires interdisciplinaires de recherche. D’envergure nationale et reconnus à terme comme des unités mixtes de recherche, ils regrouperaient les laboratoires intégrés aux écoles (une dizaine actuellement). En capacité de produire des connaissances académiques, ils mèneraient aussi des recherches appliquées en lien avec les étudiants, les formateurs, les professionnels et les organismes de recherche.

Mais si cette idée est plutôt bien accueillie au sein des centres de formation, le débat porte sur le choix des personnes pour diriger ces laboratoires : des chercheurs ayant une habilitation à diriger des recherches (HDR), comme le préconise François Sentis ? Ou des praticiens-chercheurs, en capacité de mobiliser des connaissances scientifiques et des mé­thodes de recherche, comme le défend Emmanuel Jovelin ? Au RUFS, on se demande si l’Unaforis a les moyens de ses ambitions : « Quand on voit la difficulté pour l’université de maintenir ses laboratoires et les moyens humains et financiers que cela exige, on est un peu dubitatif », avoue Paule Sanchou.

Autre enjeu, la structuration au plan régional de la recherche. Lancés par la circulaire du 6 mars 2008, les pôles de recherche et d’étude pour la formation et l’action sociale (Préfas) ont permis de fédérer à ce niveau, certes à des degrés divers, centres de formation, universités, structures d’observation, employeurs et administrations (5). Jusqu’ici, la souplesse laissée aux porteurs de projets a entraîné des stratégies diverses : si une majorité de pôles font surtout de la valorisation et de l’animation de recherches dont la réalisation est confiée à des organismes extérieurs, d’autres en produisent aussi directement.

Dans la mesure où les centres de formation auraient leurs propres laboratoires, la commission « Recherche » débat actuellement du recentrage des Préfas sur la valorisation et l’animation de la recherche. Mais cette option, défendue par François Sentis, ne fait pas l’unanimité. « C’est une erreur », juge Emmanuel Jovelin. Pour lui, les Préfas devraient au contraire se constituer au plan régional en laboratoires interdisciplinaires pour qu’existent des lieux de production de recherche de proximité. « Des lieux sur lesquels certaines écoles pourraient s’appuyer dans la mesure où il n’y aura que quelques laboratoires intégrés aux centres de formation », avance-t-il. Si une recherche de haut niveau doit exister, il faut que les Préfas puissent continuer à produire de la recherche-action, défend, dans le même sens, Gérard Moussu. En arrière-plan, la crainte chez certains que les enjeux de positionnement de l’Unaforis à égalité avec l’université ne la coupe de son ancrage dans le terrain.

5 Comment former les futurs travailleurs sociaux à la recherche ?

Cela suppose que les formateurs des écoles soient aussi formés à la recherche par la recherche. Beaucoup d’entre eux ont un doctorat et publient des travaux, mais ils le font souvent sur leur temps libre. Faut-il alors reconnaître un statut d’enseignant-chercheur, qui aurait un temps reconnu pour la pédagogie et un autre pour la recherche ? « Le “tout en un” à l’image de ce que certaines universités développent dans une sorte d’enseignant-chercheur polymorphe dédié à un champ disciplinaire spécifique me semble une mauvaise voie », répond François Sentis, également directeur général de l’IRTS PACA Corse.

A l’instar de ce qu’il a développé, il propose quatre types de statut. Le « formateur » doté d’une qualification professionnelle complétée d’une formation universitaire de niveau I ; l’attaché de recherche, qui a suivi un parcours doctoral généralement abouti ; le chargé de mission (doctorat) qui traite des problématiques transversales (validation des acquis de l’expérience, échanges européens…). Tous sont dégagés de 270 heures pour faire de la recherche et de l’initiation à la recherche, même pour les niveaux 5 – car celle-ci « permet de structurer la pensée et la rigueur ». Un quatrième profil – un chercheur « à part entière » – est envisagé. Gérard Moussu suggère, de son côté, qu’une partie des formateurs se voient proposer de passer un doctorat pour devenir enseignants-chercheurs ; ils pourraient alors être dégagés pendant deux ou trois ans pour faire de la recherche à 80 % et revenir à l’enseignement. Ce va-et-vient irriguerait la formation des apports de la recherche.

Pas de profil unique donc : le maître mot qui revient est l’hybridation des formateurs-praticiens et des enseignants-chercheurs (de disciplines différentes) pour articuler savoirs professionnels et savoirs académiques. Reste qu’une telle organisation suppose des moyens supplémentaires, ne serait-ce que pour dégager (et financer) du temps de recherche pour les enseignants. Reste aussi « à ne pas perdre de vue l’orientation principale de la formation, à savoir l’articulation de la théorie à la clinique », prévient Pierre Leroy, président de l’Afossse (Association des formateurs du secteur social, sanitaire et éducatif), qui pointe déjà la dérive de l’appareil de formation vers un enseignement de masse au détriment du face-à-face pédagogique.

6 Comment amener les travailleurs sociaux à faire de la recherche s’il n’existe pas de doctorat sur leurs pratiques ?

Ce doctorat est très attendu par les professionnels dans la mesure où il leur permettrait de rédiger des thèses sur le travail social. Il est justifié également, au plan européen, par l’inscription des formations sociales dans le système licence-master-doctorat (LMD) – un processus néanmoins ralenti en France par le blocage de la reconnaissance des diplômes de niveau III au grade de la licence. Un pas important a été accompli puisque le conseil scientifique du CNAM vient d’accepter l’ajout d’une mention « travail social » à un doctorat de sociologie ou de sciences de l’éducation existant. La formation doctorale, adossée à un laboratoire du CNAM, devrait permettre à ses titulaires de postuler à des postes de maître de conférences ou de professeur des universités.

Ce n’est toutefois pas le doctorat de travail social que beaucoup appellent de leurs vœux et qui impliquerait la reconnaissance d’une discipline académique du travail social. « S’il est un progrès, ce montage, que l’on peut répéter ailleurs qu’au CNAM, est un pis-aller. Le rattachement à une discipline existante risque de limiter l’approche pluridisciplinaire de la recherche », estime Stéphane Rullac. Il n’y voit donc qu’une phase transitoire avant la création d’un doctorat disciplinaire de travail social.

7 Une recherche pour quelles finalités ?

Alors que de nombreuses recherches en sociologie et en psychologie sont menées sur les publics, les politiques sociales ou les dispositifs, les pratiques professionnelles restent peu étudiées. « On a peu d’éléments pour comprendre comment le travail social se met en œuvre sur les territoires sous l’effet de l’accroissement des publics et de l’évolution des politiques publiques. Et alors que d’importants moyens humains et financiers sont investis », déplore Didier Tronche, président de la commission professionnelle consultative du travail social et de l’intervention sociale. D’où l’intérêt de disposer de connaissances sur l’activité des intervenants. Un enjeu de visibilité et de lisibilité du travail social, mais aussi d’évaluation de l’impact des politiques publiques sur les prises en charge permettant d’éventuels correctifs. Sachant que la recherche doit aussi être « une aide à l’analyse des situations complexes » pour permettre aux professionnels de faire évoluer leurs pratiques et d’innover, estime Pierre Gauthier, président de l’Unaforis.

Le danger toutefois serait d’utiliser la recherche aux seules fins de valorisation du travail social. Or celle-ci, rappelle Marcel Jaeger, titulaire de la chaire de travail social et d’intervention sociale du CNAM, « n’est valide que si elle est en lien avec les finalités et les valeurs de l’action sociale » et si elle prend en compte les attentes des personnes. Dominique Paturel, vice-présidente du CERTS (Centre européen de ressources pour la recherche en travail social), va même plus loin en proposant de développer des recherches collaboratives avec les usagers à partir de méthodologies spécifiques. « Une troisième voie » destinée à sortir d’une vision encore très institutionnelle de la recherche.

Repères

La conférence de consensus est un processus de réflexion collective qui aide à éclairer une question controversée. Elle consiste en la rédaction de recommandations par un jury au terme d’une présentation publique de rapports d’experts faisant la synthèse des connaissances. Le déroulement de la séance publique tient à la fois de la conférence scientifique, du débat démocratique et du modèle judiciaire avec l’intervention d’un jury. Multidisciplinaire et multiprofessionnel, ce dernier établit des recommandations à huis clos, de la manière la plus indépendante et la plus objective possible. Largement utilisée dans le domaine de la santé, cette méthode ne l’est que de manière récente dans le secteur social (6).

Une formule qui ne fait pas l’unanimité

Si le développement de la recherche sociale est une vraie question, la façon de l’aborder est réductrice, estime Jean-Yves Barreyre, directeur du Creahi (7) Ile-de-France. Il reproche aux organisateurs de la conférence de consensus de s’être focalisés sur l’existence ou non d’une recherche sur les pratiques professionnelles. Or l’enjeu va bien au-delà. La question qui méritait, selon lui, d’avoir une réponse consensuelle est « comment développer une recherche qui permette d’appréhender les situations complexes de vulnérabilité ». C’est en ce sens, explique ce sociologue, qu’il faut réfléchir à la formation des travailleurs sociaux à la recherche, « voire orienter leurs thèses dans le cadre d’un futur doctorat à visée professionnelle en travail social ». C’est la formule même de la conférence de consensus que Michel Chauvière, chercheur au CNRS, juge inadaptée. « Une politique de recherche et de formation à la recherche n’est pas affaire de consensus. Au reste, entre qui et qui ? C’est une affaire de politique de la recherche, c’est-à-dire d’orientations générales et de moyens, décidée, après consultation des milieux compétents, au niveau des ministères, puis mise en œuvre sous contrôle démocratique. » Christophe Trombert, sociologue, souligne « le mélange des genres » du fait, notamment, des « intérêts institutionnels » de la direction générale de la cohésion sociale et de l’Unaforis et estime que « la diversité des opinions » n’est pas représentée.

Un débat relayé dans les ASH

Le processus de la conférence de consensus, s’est accompagné de débats très vifs qu’ont relayés les ASH dans la rubrique « Vos idées » :

→ « Recherche en travail social : la voie malaisée de la reconnaissance » (S. Rullac) – ASH n° 2625 du 25-09-09, p. 19 ;

→ « Travail social : quelle recherche ? » (M. Boucher, M. Belqasmi, R. Pierret, G. Moussu, M. Chauvière/S. Rullac) – ASH n° 2653 du 2-04-10, p. 27 ;

→ « La recherche au service de la qualité des formations » (R. Curie) – ASH n° 2679 du 22-10-10, p. 30 ;

→ « Pour une conférence de consensus sur la recherche en travail social » (M. Jaeger et F. Mispelblom Beyer) – ASH n° 2709 du 13-05-11, p. 30 ;

→ « Discipliner le travail social » (J.-Y. Barreyre) – ASH n° 2731-2732 du 11-11-11, p. 31 ;

→ « Recherche : la diversité des méthodes est un atout » (G. Moussu) – ASH n° 2745 du 3-02-12, p. 26 ;

→ « Recherche en travail social : gare aux faux consensus » (C. Trombert) – ASH n° 2758 du 4-05-12, p. 20 ;

→ « Recherche en travail social : gare au catéchisme scientiste » (L. Ott) – ASH n° 2762 du 1-06-12, p. 21 ;

→ « Recherche en travail social : de quelques postures singulières » (R. Curie, S. Pawloff, E. Saulnier et S. Visintainer) – ASH n° 2773 du 7-09-12, p. 24.

Notes

(1) Acofis, Affuts, Aifris (Association internationale pour la formation, la recherche et l’intervention sociale), CERTS. D’autres partenaires (réseau PRISME, revues) sont également associés.

(2) Voir ASH n° 2728 du 14-10-11, p. 28.

(3) Les conclusions feront l’objet, en 2013, d’un ouvrage aux éditions Dunod et d’une journée de restitution des travaux.

(4) Stéphane Rullac a dirigé l’ouvrage La science du travail social – ESF éditeur – 16,90 € – Voir ASH n° 2763 du 8-06-12, p. 21.

(5) Voir ASH n° 2778 du 12-10-12, p. 15.

(6) La dernière conférence de consensus, intitulée « Sortir de la rue », a été organisée à l’initiative de la FNARS, les 29 et 30 novembre 2007 – Voir ASH n° 2534 du 7-12-07, p. 33.

(7) Centre régional d’études et d’animation sur le handicap et l’insertion.

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