« On ne peut pas ne pas per mettre à un jeune d’utiliser ce que tout le monde utilise par ailleurs, au risque de le marginaliser », défend Jean-Paul Kieffer, directeur du centre de placement familial spécialisé Alsea à Limoges. « Mais en même temps, les enfants qui nous sont confiés ne sont pas des enfants tout à fait ordinaires et ils ont besoin d’être accompagnés pour acquérir un certain nombre de repères fondamentaux. » Eveil, stimulation et accès à l’information – mais pas n’importe quelle information ni n’importe comment –, tels sont quelques-uns des enjeux édu catifs liés aux nouvelles technologies.
Disposer d’un ordinateur et d’une connexion à Internet est, de toute façon, un passage quasi obligé pour satisfaire à la demande scolaire. De ce point de vue, la population des enfants accueillis n’est pas mal lotie, estime Dominique Garino, éducateur au service d’accueil familial de l’association Enfance et famille à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) et formateur. « Les familles d’accueil sont plutôt bien équipées, voire suréquipées », souligne-t-il, précisant que l’aspect pédagogique de l’usage de l’ordinateur (étudier, faire des recherches) est très valorisé, voire surdimensionné par les intéressées.
En quête de solutions pour permettre aux enfants confiés de faire des expériences nouvelles et les libérer des difficultés où ils se trouvent, les assistantes familiales font également preuve de curiosité décomplexée dans ce domaine. Qu’il s’agisse de trouver un jeu avec des couleurs pour un petit bonhomme qui a des problèmes au niveau psychomoteur, ou de remettre le pied à l’étrier d’un grand adolescent déscolarisé, les outils numé riques semblent désormais faire partie intégrante du quotidien de l’accueil. Dès l’arrivée d’Ivad, mineur étranger d’origine afghane, « l’ordinateur a été un outil essentiel de mon accompagnement », explique Bernadette Machura, assistante familiale à la Sauvegarde d’Ille-et-Vilaine. Un site de traduction instantanée français-persan, persan-français, a permis aux protagonistes de surmonter la barrière de la langue et l’adolescent, bon angliciste par ailleurs, est sorti de l’isolement en retrouvant sur le Web ses « amis » du monde entier. Pour mieux comprendre Ivad et construire avec lui une relation de confiance, Bernadette Machura n’a pas non plus hésité à le suivre dans l’univers interactif de Second Life, jeu en réseau où le jeune homme évoluait comme un poisson dans l’eau. Pendant deux ans, « on a tout doucement jonglé entre le virtuel et la réalité » jusqu’à ce que cette dernière finisse par l’emporter, té moigne Bernadette Machura.
Mais toutes les découvertes de la Toile ne sont pas aussi heureuses. « Il y a quelques années, une assistante familiale, très contente, me dit : ça y est, les enfants peuvent aller sur Internet, on est connecté. Et puis un dimanche, dans le cadre de l’astreinte, elle m’appelle affolée : une adolescente accueillie était partie avec un adulte rencontré sur un site », se souvient Jean-Paul Kieffer. « Nous avons à cet égard un devoir de pédagogie vis-à-vis des assistantes familiales », insiste-t-il. Il existe, en effet, des moyens simples de restreindre les accès au Web, que cependant, faute de les connaître, les familles d’accueil utilisent très peu, regrette Dominique Garino. Certaines se tournent vers leur service pour se faire conseiller, mais sans y trouver forcément des professionnels très aguerris. D’où l’intérêt des formations que plusieurs institutions envisagent de mettre en place pour leurs équipes.