Spécialistes en zygomatiques

Les établissements pour personnes âgées dépendantes sont moroses… Pas celui de Chaudon, situé au sein de l’hôpital de Lons-le-Saunier (Jura), qui a hébergé deux jours par mois, tout au long de l’année, un couple de clowns! Tamalou et Jaimalla (Dominique Lemaître et Dominique Comby, de la Compagnie des chercheurs d’air) sont devenus résidents provisoires de la maison de retraite dans le cadre du projet « Culture à l’hôpital » – afin d’apporter « rires, moments magiques et étincelles de vie » dans un monde où le temps s’écoule d’habitude très lentement… Véritable démarche artistique, leur mission n’est pas facile. Entre les personnes âgées qui ne comprennent pas qui ils sont, celles qui les oublient dès qu’ils referment la porte de leur chambre et celles à qui ils font peur, il leur faut trouver leur place. « Tout le monde ne peut pas adhérer, explique Dominique Comby. C’est normal, le clown, c’est aussi fait pour bousculer, pour transgresser. » Le réalisateur Vincent Bidault, qui a suivi les deux artistes pendant leurs représentations mais aussi dans les « coulisses », nous fait découvrir tous les aspects de cette expérience. Dans J’ai vu personne, il a choisi, tel un magicien d’Oz, de mêler images couleur et noir et blanc, montrant ainsi comment les clowns, munis de leur nez rouge et de leurs instruments de musique farfelus, apportent progressivement une nouvelle gaieté dans l’établissement. Tamalou et Jaimalla se déguisent souvent en médecins spécialistes des zygomatiques et entonnent la chansonnette à tout-va. Ils se disent aussi « exterminateurs de morlans », des bêtes imaginaires qu’ils viennent chasser jusque dans les chambres des résidents. De ces tête-à-tête surgissent les échanges les plus forts et les rires de bon cœur des aînés. « La personne âgée et le clown ont en commun un goût pour la liberté, voire la transgression, en s’affranchissant de certains codes sociaux, un voyage intérieur incessant et une vision filtrée du monde », rapporte Vincent Bidault, qui se dit « conscient que le film pourra dérouter certains par son rythme », qu’il a souhaité au diapason de celui des personnes âgées rencontrées.