L’objectif de cette recherche collective – financée par l’Agence nationale de recherche – était de déterminer si les modalités de prise en charge des jeunes vulnérables dans le domaine social et de la santé répondent aux besoins de ces publics et permettent de les soutenir dans leurs parcours d’intégration et leurs trajectoires vers l’âge adulte. A partir d’entretiens avec des élus, des associations, des travailleurs sociaux et des jeunes, nous avons analysé les politiques publiques dans différents territoires (Ille-et-Vilaine, Hérault, Seine-Saint-Denis), étudié les modalités d’intervention des professionnels de terrain et analysé les trajectoires individuelles des bénéficiaires.
Oui, et la situation s’est même révélée pire que ce qu’on imaginait. La recherche a démarré en même temps que la crise économique et que le chantier de la refondation de l’Etat avec des difficultés budgétaires croissantes pour l’ensemble des acteurs publics. Si les différents niveaux d’action publique – Etat, conseils régionaux et généraux, communes… – se déclarent tous concernés par l’action en direction des jeunes vulnérables, les initiatives n’ont souvent que peu d’envergure et elles sont peu articulées entre elles. Lorsqu’une expérience innovante est lancée, souvent elle ne dure pas et le financement public est très labile. L’action en faveur des jeunes vulnérables, qui ne relève pas de l’obligation légale des collectivités, est cantonnée au champ de l’aide ponctuelle et du symbolique. Elle reste à l’écart des politiques sociales traditionnelles.
Nous avons rencontré des professionnels de structures très variées – missions locales, foyers de jeunes travailleurs, CHRS…
D’une façon générale, plus la définition de l’intervention retenue par les financeurs est large, plus ils ont de marges de manœuvre pour assurer une réponse globale.
Dans certains territoires, on permet aux travailleurs sociaux des missions locales de proposer une réponse qui ne se limite pas à l’insertion professionnelle. Ils peuvent construire une relation de confiance avec le jeune et évoquer l’ensemble de ses problèmes. Mais, dans un contexte de restrictions budgétaires, les pouvoirs publics ont tendance à resserrer les objectifs assignés aux structures, qui laissent alors peu de place à l’écoute et à l’accompagnement.
Ceux qui s’en sortent le mieux sont ceux qui peuvent s’appuyer, au plan matériel mais aussi affectif, sur un entourage stable – parents, famille élargie ou encore réseau d’amis. Ils se font facilement aider par les professionnels car ils le souhaitent et ont suffisamment de ressources pour cela. Ils peuvent mieux profiter de l’accompagnement des professionnels parce qu’ils sont plus épaulés. En revanche, les plus en difficulté – ceux qui connaissent une rupture importante dans leur parcours ou qui sont très marginalisés – ne trouvent pas dans les systèmes d’aide l’accompagnement dont ils ont besoin. Ceux-ci ne sont pas conçus pour les accueillir sur le long terme.
Ces résultats renvoient à des questionnements plus généraux sur la « bonne intégration » des jeunes dans le système de protection sociale français et sur l’équilibre entre les protections à apporter aux différentes générations.
(1) Intitulée JUVENIL pour « Jeunes vulnérables, perceptions et prises en charge dans les politiques locales sociales et de santé », cette recherche, qui a duré trois ans, est publiée dans la revue Agora débats/jeunesses n° 62 – Les Presses de Sciences Po – 17 €. Une conférence-débat est prévue le 20 novembre à Paris.
(2) Des chercheurs de l’EHESP, de l’université Rennes-II, de Cergy-Pontoise, de Tours ainsi que des membres de l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire.