En dix ans, malgré les objectifs fixés par les gouvernements successifs, la pauvreté en France n’a pas diminué, mais elle a changé de nature, pointe le Secours catholique, qui publie depuis une vingtaine d’années une analyse statistique annuelle des situations des familles les plus en difficulté. La dernière édition porte un regard sur la période 2001-2011 (1). « Pendant cette décennie, plusieurs phases conjoncturelles se sont succédé et la période a été marquée par une crise économique sans précédent à partir de 2008, pointe Bernard Schricke, directeur “action France” de l’association. La donnée la plus caractéristique de cette période est que les familles les plus pauvres s’installent durablement dans la pauvreté et que celle-ci est plus durement ressentie. » Après être resté stable pendant plusieurs années, le taux de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté est en effet passé au cours des deux dernières années de 12,9 % à 14,1 % de la population. Selon le Secours catholique, c’est la pauvreté féminine qui a le plus augmenté : en 2001 l’association, qui soutient près d’un million et demi de personnes sous le seuil de pauvreté, rencontrait autant de femmes que d’hommes, alors que les premières représentent à présent 57 % du public. Cette pauvreté touche plus particulièrement les mères à la tête de familles monoparentales, qui se tiennent éloignées du marché du travail pour élever leurs enfants.
L’association note également que le travail ne protège plus de la grande pauvreté car il devient de plus en plus précaire ou aléatoire. Parmi les personnes qui occupent un emploi (20 % des personnes accueillies), beaucoup n’ont pas un revenu suffisant pour subvenir à leurs besoins. Puisque le budget disponible ne suffit pas à faire face aux dépenses incompressibles (énergie, logement, transports) dont les coûts ont explosé au cours de ces dix ans, elles ont autant recours à l’aide alimentaire ou aux boutiques solidaires de vêtements que les personnes qui ne disposent que des minima sociaux.
Le Secours catholique souligne, enfin, le nombre croissant d’étrangers touchés par la pauvreté. « Il y a dix ans, ils représentaient 23 % des personnes suivies, aujourd’hui, c’est 30 % des situations, souligne Bernard Schricke. Il s’agit de plus en plus de femmes et de familles, et plus seulement d’hommes seuls. » La part des Maghrébins est passée de 54 % à 27 % des étrangers en situation de pauvreté. Le Secours catholique rencontre de plus en plus de personnes migrantes venues d’Afrique subsaharienne et d’Europe de l’Est.
« Ce rapport a beau avoir une tonalité pessimiste, il n’est pas désespéré », affirme toutefois Bernard Schricke, qui détaille lespropositions de l’association. Il est d’abord nécessaire de renforcer l’accompagnement des personnes en difficulté. Les travailleurs sociaux et le milieu associatif doivent pouvoir mieux articuler et conjuguer leurs forces pour appréhender la multiplicité des problèmes posés à ce public. Il faut, par ailleurs, revaloriser les minima sociaux. Les aides aux familles, quant à elles, doivent être mieux ciblées pour tenir compte des situations réelles. De même, une réduction des charges fixes qui pèsent sur les ménages les plus modestes s’impose (plafonnement des loyers, bouclier énergé?tique, réduction des coûts de transport). Le Secours catholique souhaite, enfin, que le droit du travail soit reconnu pour les demandeurs d’asile.
(1) Disponible sur