C’est plutôt une bonne chose. Cela traduit une prise de conscience que la situation n’est plus possible et qu’il faut redéfinir des relations équilibrées entre la puissance publique et le secteur associatif. On ne peut plus laisser se déliter la situation sous les coups de boutoir des réformes qui, comme l’introduction des appels à projets ou la réforme du régime d’autorisation des établissements, introduisent une logique d’instrumentalisation.
L’action sociale est née au départ de l’initiative associative, qui a pris en charge les problèmes sociaux. Mais peu à peu les autorités publiques, soucieuses d’une mise en cohérence, ont construit un modèle relativement fermé où les associations sont passées du rôle de concepteur à celui de prestataire de services…
Le problème, c’est que je ne sais pas ce que le gouvernement met derrière cette idée de contractualisation. Celle-ci existe déjà à travers les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, les conventions concernant les centres d’hébergement et de réinsertion sociale ou encore les conventions tripartites pour les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. Mais ces contrats ne concernent que les activités de leurs établissements et non les associations en tant que telles. Pour que cette révision des modalités de contractualisation ait du sens, il faudrait que l’Etat ne conçoive plus les associations comme des gestionnaires de structures, ce qu’il a fait jusqu’ici, mais comme des partenaires associés à la conception des politiques sociales. Un retournement complet ! Est-ce l’intention du gouvernement ?
Jusque dans les années 1990, et en l’absence de contrainte financière, la puissance publique a laissé les associations adopter, dans le secteur social, le modèle bureaucratique qui s’est développé dans l’administration publique. Celles-ci ont créé des établissements, les uns à côté des autres, en multipliant les catégories de bénéficiaires, ce qui a donné naissance à une construction inflationniste et en tuyaux d’orgue. Le problème, c’est qu’en voulant resserrer les boulons, dans un contexte de restrictions des dépenses publiques, la puissance publique a agi sur deux leviers.
Tout d’abord, sur la transformation des modes de gestion en important des méthodes managériales inspirées du privé dans une sorte de new public management ; c’est la recherche de la performance à travers l’évaluation et les tableaux de bord. Ensuite, mais de façon plus marginale, l’Etat a parié sur le marché en ouvrant au secteur lucratif des pans d’activités – essentiellement dans le champ des personnes âgées et de l’aide à domicile. Cette orientation banalise l’association puisque l’on considère que l’entreprise privée peut, aussi bien qu’elle, remplir des missions d’utilité sociale. Reste que le relooking managérial et l’appel au marché ne sont pas la solution. Il faut redonner à la société civile sa capacité d’initiative !
L’Etat n’est pas seul en cause. Les associations doivent retrouver une capacité de réflexion collective et de construction doctrinale. Or elles ont tendance, au sein de la petite place qui leur est faite dans les instances de consultation, à se comporter comme des lobbies et à défendre leur pré carré. Elles ont un important travail à mener tant au plan de leur représentativité – qui sont leurs membres ? – que de l’action – comment s’organisent-elles pour produire une parole collective ? Elles doivent donc se saisir de la concertation annoncée pour convaincre les pouvoirs publics qu’il y a une place pour les groupements intermédiaires. Que, dans une société minée par l’individualisme et où les citoyens n’ont comme alternative que la tutelle bienveillante de l’Etat ou l’efficience supposée du marché, ceux-ci sont capables de construire une demande collective et de lui faire correspondre une action sociale renouvelée.
(1) Voir ASH n° 2781 du 2-11-12, p. 9. Cette annonce est intervenue lors de la clôture du Forum des associations et des fondations à Paris.