Les personnes publiques ne peuvent pas conclure de contrats de travail associés à un emploi d’avenir pour une durée indéterminée. Telle est la réserve émise le 24 octobre par le Conseil constitutionnel sur la loi portant création des emplois d’avenir (1), loi dont il avait été saisi par les parlementaires de l’opposition et publiée deux jours plus tard au Journal officiel. Pour mémoire, les emplois d’avenir sont destinés aux jeunes sans emploi âgés de 16 à 25 ans (2), sans qualification ou peu qualifiés, et qui rencontrent des difficultés particulières d’accès à l’emploi. Les premières conventions d’engagement pour les emplois d’avenir ont été signées le 30 octobre à Matignon (voir ce numéro, page 5).
La loi avait prévu que les emplois d’avenir pouvaient être conclus sous la forme de contrat de travail à durée déterminée (CDD) ou indéterminée (CDI), que ce soit par un employeur de droit privé ou de droit public. Or, pour le Conseil constitutionnel, « si les contrats de travail associés à un emploi d’avenir étaient conclus par des personnes publiques pour une durée indéterminée, ces emplois d’avenir constitueraient au sens de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 [qui garantit le principe d’égal accès aux emplois publics] des emplois publics qui ne peuvent être pourvus qu’en tenant compte de la capacité, des vertus et des talents ». Dans cette hypothèse, la durée indéterminée du contrat est en effet « le signe que la [personne publique] a identifié un besoin pérenne, donc lié à ses missions publiques », explique la Haute Juridiction dans un Commentaire aux Cahiers (3). En revanche, poursuit-elle, « il n’en va pas de même en cas de contrat de travail à durée déterminée exécuté dans le cadre du dispositif social destiné à faciliter l’insertion professionnelle des bénéficiaires ». Au final, pour le Conseil constitutionnel, dans la mesure où les emplois d’avenir sont réservés à des jeunes dépourvus de qualification, les personnes publiques ne peuvent y recourir que dans le cadre de CDD. Une décision qui n’aura « pas de conséquence opérationnelle sur le déploiement envisagé [du dispositif] », a assuré le ministre du Travail et de l’Emploi dans un communiqué du 24 octobre.
Cette réserve vaut également pour les dispositions concernant Mayotte.
La loi du 26 octobre a aussi créé des emplois d’avenir « professeur », qui s’adressent aux étudiants de 25 ans au plus se destinant au professorat, bénéficiaires d’une bourse et inscrits en formation initiale en deuxième année de licence. Il est prévu que ces emplois soient prioritairement attribués aux jeunes effectuant leurs études dans les académies ou dans les disciplines connaissant des besoins particuliers de recrutement par les établissements publics locaux d’enseignement et résidant dans les zones urbaines sensibles, ou ayant effectué tout ou partie de leurs études secondaires dans un établissement implanté dans ces zones ou relevant de l’éducation prioritaire. Au regard de ces caractéristiques, les auteurs de la saisine du Conseil constitutionnel estimaient que, en réservant le bénéfice de ces emplois d’avenir aux étudiants boursiers, le législateur avait méconnu le principe d’égal accès aux emplois publics garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 et celui de la liberté contractuelle des personnes qui en sont exclues. Un argument rejeté par le Conseil constitutionnel.
Pour les Sages de la rue Montpensier, en effet, les emplois d’avenir « professeur », mis en place en complément des bourses de l’enseignement supérieur, sont un « dispositif social d’aide à l’accès aux emplois de l’enseignement visant à faciliter l’insertion professionnelle et la promotion sociale d’étudiants qui se destinent au professorat ». Le législateur n’a donc pas, selon eux, créé des emplois publics. En outre, estime le conseil, au regard des conditions d’âge et d’accès au dispositif, le législateur s’est fondé sur des « critères objectifs et rationnels en rapport direct avec la finalité d’intérêt général qu’il s’est assignée ». Et n’a donc pas méconnu le principe d’égalité devant la loi ni le principe de la liberté contractuelle.
Ces remarques valent également pour l’archipel mahorais.
(2) Lorsque le jeune est reconnu travailleur handicapé, ce contrat lui est ouvert jusqu’à la veille de ses 30 ans.
(3) Disponible sur