L’Union européenne (UE) a franchi un pas de plus vers la mise en place d’un régime d’asile européen commun : le Conseil des ministres de l’UE a en effet adopté, le 25 octobre, un accord politique sur la refonte de la directive établissant des normes pour l’accueil des demandeurs d’asile, qui constitue l’un des cinq instruments du « paquet législatif asile » (1). Le texte, proposé en 2008 puis modifié en 2011 pour satisfaire les exigences des Etats membres, modifie et abroge la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 relative à des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile. Il harmonise les conditions de vie des demandeurs de protection internationale (ou de protection subsidiaire) dans l’ensemble de l’Union européenne, quel que soit l’Etat dans lequel la demande est déposée.
Le Parlement européen devrait à son tour avaliser formellement le texte lors de son assemblée plénière de janvier 2013. Une fois qu’il sera publié au Journal officiel de l’Union européenne, les Etats membres auront deux ans pour transposer les nouvelles dispositions dans leur droit national (2). Ils pourront toutefois maintenir ou adopter des règles plus favorables en matière de conditions d’accueil pour les demandeurs d’asile ainsi que pour leurs parents proches qui se trouvent dans le même Etat membre et dépendent d’eux pour des raisons humanitaires.
Les modifications les plus importantes portent sur le placement en rétention, qui est autorisé uniquement en dernier recours. Le placement en rétention devra ainsi répondre à des motifs particuliers énumérés dans la directive et être précédé d’une évaluation au cas par cas démontrant que d’autres mesures moins coercitives ne pouvaient être effectivement appliquées. Le placement doit s’effectuer, en règle générale, dans des centres de rétention spécialisés, voire, le cas échéant, dans des établissements pénitentiaires. Le texte invite les Etats membres à prévoir, dans leur législation nationale, des dispositions relatives aux alternatives à la rétention, telles que l’obligation de se présenter régulièrement aux autorités, de déposer une garantie financière ou de demeurer dans un lieu déterminé. Il offre en outre des garanties aux demandeurs placés en rétention, en particulier en ce qui concerne le réexamen de la décision de placement ainsi que l’accès à l’assistance et à la représentation juridique gratuites. Des garanties supplémentaires sont mises en place pour les personnes vulnérables. La directive précise par exemple que les mineurs non accompagnés ne peuvent être placés en rétention que dans des circonstances exceptionnelles, et jamais dans un établissement pénitentiaire.
Autre changement important : le délai pour accorder l’accès au marché du travail est réduit de 12 à 9 mois à compter du dépôt de la demande d’asile. La nouvelle directive établit également un cadre réglementaire plus précis en ce qui concerne l’appréciation des besoins particuliers en matière d’accueil des personnes vulnérables telles que les mineurs et les victimes d’actes de torture ou de viol. Cette appréciation ne devra pas forcément prendre la forme d’une procédure administrative et pourra être intégrée aux procédures nationales en vigueur. Les victimes de violences graves ou de viols devront en outre pouvoir accéder à des traitements ou à des soins médicaux et psychologiques adéquats. Quant aux demandeurs d’asile qui sont des mineurs ou des personnes majeures à charge, ils devront bénéficier de davantage de garanties d’être logés avec les membres de leur famille. Par ailleurs, les dispositions du texte en matière de soins de santé incluent explicitement le traitement essentiel des troubles mentaux graves et, si besoin en est, des soins de santé mentale appropriés.
Enfin, la directive permet aux Etats membres de limiter ou, dans des cas exceptionnels et dûment justifiés, de retirer le bénéfice des conditions matérielles d’accueil. Ce pourra être le cas, par exemple, lorsqu’un demandeur n’a pas introduit de demande d’asile à son arrivée dans l’Etat membre ou, s’agissant de l’assistance et de la représentation juridiques gratuites, lorsque le recours ne présente aucune probabilité réelle d’aboutir.
(1) Les Etats membres de l’UE se sont engagés à achever le régime d’asile européen commun d’ici à la fin 2012. A l’heure actuelle, sur les cinq instruments de ce « paquet législatif », seule la directive relative aux conditions que doivent remplir les demandeurs d’asile est d’ores et déjà entrée en vigueur en janvier 2012 (voir ASH n° 2731-2732 du 11-11-11, p. 20). La réforme de la directive du 1er décembre 2005 relative à la procédure d’octroi et de retrait de la protection internationale, du règlement de Dublin de 2003 établissant les mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande d’asile et du règlement de 2002 relatif à la base de données d’empreintes digitales Eurodac sont toujours en négociation entre les deux colégislateurs (le Conseil de l’UE et le Parlement européen).
(2) Ne sont toutefois pas liés par la directive le Danemark, l’Irlande et le Royaume-Uni.