« Tout ce que vous pouvez me donner pour me détendre, je le prends. » A Marseille, les détenus de la prison des Baumettes dépriment, souvent ils entendent des voix. Pour faire face aux journées interminables, ils demandent sans cesse aux médecins du service médico-psychologique régional (SMPR) des médicaments qui pourraient leur donner un moyen de « s’échapper ». « Beaucoup souffrent de pathologies graves. C’est compliqué pour eux d’exister en sérénité, de vivre, comprendre, surmonter, gérer les angoisses qui les déstructurent », explique Catherine Paulet, chef de service dans l’unité de 32 lits où le documentaire Etre là a été filmé. Les SMPR sont des services hospitaliers à part entière de l’établissement de santé auquel ils sont rattachés ; ils sont « simplement » implantés dans des établissements pénitentiaires. Aux Baumettes, les cabinets des psychiatres sont installés dans d’anciennes cellules de 9 m2. Entre ces murs, il est surtout question de vie et de mort. N’ayant pas la permission de filmer les détenus, Régis Sauder a dirigé sa caméra sur six femmes – psychiatres, infirmières et ergothérapeutes. Lors des consultations, les expressions sur les visages des professionnelles laissent imaginer celles des prisonniers qui leur font face. Ces soignantes sont là par choix mais sont usées, psychiquement et physiquement, par la violence subie, la violence agie, les situations et les émotions extrêmement puissantes. « Une journée sans tentative de suicide ou début d’incendie est comme une journée de vacances », affirme une psychiatre. En filmant de près les visages de ces soignantes, Régis Sauder s’interroge sur ce qui les fait tenir. Si le réalisateur ne prend pas le temps de nous présenter leurs missions, le spectateur apprend à connaître chacune d’elles au fil des entretiens.
D’Etre là, on retient aussi la musique, omniprésente. Une bande-son passée à tue-tête, mais pas assez fort pour masquer les bruits de portes qui claquent, les cris qui se réverbèrent dans les couloirs, les plaintes et les fantômes de la prison. Régis Sauder n’a pas voulu présenter le fonctionnement d’un SMPR, il ne fait pas non plus le portrait de détenus, et prend encore moins position sur l’emprisonnement. Il filme des soignants dans leur exercice et dans l’humanité qu’elles tissent. Dommage qu’il ait opté pour le noir et blanc, qui rend son propos plus esthétique que concret.
Etre là
Régis Sauder – 1 h 37 – En salles le 7 novembre